Coronavirus : Comment les enseignes de sport ont survécu au confinement
"Notre chiffre d'affaires est de 0 € sur la période de confinement alors qu'à la même période en 2019, il se situait entre 104 et 117 millions d'euros. Cela correspond à presque 20% de perte d'activités sur un an". Le Directeur Général de Sport 2000, Stéphane Solinski, assène ce chiffre. "En mars, c'est 50% de notre chiffre d'affaires qui a été perdu, en avril, c'est 80%" concède Arnaud Gauquelin, le responsable de Décathlon France, dans une interview accordée à Sport Guide. Chaque enseigne a connu des pertes importantes et a été plus ou moins impacté.
Après les annonces faites par le gouvernement le 14 mars dernier, l'ensemble des magasins a été fermé du jour au lendemain. Au total, 325 magasins Decathlon et près de 600 boutiques Sport 2000 ont baissé le rideau pendant la quarantaine. La stratégie d'entreprise a donc dû être revue afin de combler les pertes financières. L'État, qui a fait du sport un motif dérogatoire de sortie pendant le confinement, a joué un rôle fondamental, économiquement, pour aider les diverses enseignes.
Décathlon n'a pas tout perdu grâce au digital
Si 9 entrepôts sur 10 étaient fermés au départ, l'ensemble des hangars de Décathlon sont opérationnels ce jour. L'enseigne a fait le choix de maintenir un lien avec ses clients à travers la vente en ligne tout en accompagnant les besoins des personnels soignants. Fin avril, 18 000 paires de lunettes de natation avaient été offertes et 33 000 masques "Easybreath" avaient été distribués à plus de 300 hôpitaux en France. Depuis le 14 mars, les commandes journalières ont augmenté de façon exponentielle sur Internet avec des pics à 12 000, voire 13 000 demandes quotidiennes.
Selon le directeur, elles ont été multipliées par 4. "Pas moins de 2,5 millions de produits ont été expédiés à nos clients pour leur permettre de prendre soin de leur forme physique depuis leur domicile. Compte tenu du contexte, les délais de livraison ont été allongés afin de ne faire prendre aucun risque à nos coéquipiers (environ 10-15 jours, par exemple, pour les produits volumineux). Nos clients sont compréhensifs." Cependant, le groupe a décidé de mettre en place le retrait sans contact gratuit dans certains magasins de France afin de respecter les délais de livraison de la société (48h).
Le fitness et le sport à domicile arrivent, logiquement, en tête des ventes. Les produits d'investissements (vélos d'appartement, tapis de course, tables de ping pong, etc.) représentent 30% des commandes. La société a lancé également une application, il y a quelques années, disponible sur smartphones, Decathlon Coach. Il s'agit d'un outil multisport dans lequel l'utilisateur trouve plusieurs séances, à la carte ou en coaching, physiques à réaliser. Elle compte aujourd'hui plus de 450 000 téléchargements.
Sport 2000 dans la difficulté
La gestion du confinement n'a pas été la même pour Sport 2000. L'e-commerce n'a pas été exploité. "On a dû prioriser d’autres projets et l’e-commerce a été le projet qu’on a décidé de mettre en dernier. Il aurait dû arriver à la fin de l’année", affirme Stéphane Solinski. La conséquence est qu'aucune commande n'a été passée et donc aucune livraison n'a pu être effectuée. Pourquoi l'entreprise n'a pas pu mettre en place l'e-commerce ?
Le 3e acteur du marché a connu une situation économique délicate de 2007 à 2018. Avec une dette économique avoisinant les 40 millions d'euros après l'entrée d'Activa dans le capital du groupe, la société a mené une politique de désendettement. Le remboursement a eu lieu il y a deux ans et la stratégie de la vente en ligne n'était pas le premier choix. Sport 2000 va instaurer la digitalisation du parcours client, qui correspond aux différentes étapes par lequel le consommateur passe pour acheter un produit. Ce processus verra le jour dans les prochaines semaines, bien après la crise...
L'État français a donné un sérieux coup de pouce
Sport 2000 est une coopérative, et non une franchise. Elle est constituée de commerçants indépendants actionnaires de leur entité, qui participent donc à la gestion du réseau. Les associés prennent les décisions, élisent leurs dirigeants de manière démocratique en assemblée générale. Autrement dit, le pouvoir est éclaté dans une coopérative, à l'inverse d'une franchise, où les gérants, qui sont également indépendants, doivent respecter les règles de fonctionnement.
L'objectif de Sport 2000 n'est pas d'engendrer des bénéfices mais d'investir à nouveau dans des produits. "Nous n’avons pas vocation à faire de profit dans une coopérative. Nous sommes destinés a réinvestir dans le processus qui régénère de la croissance, des ressources. C’est une économie très circulaire", explique Stéphane Solinski. Et avec un chiffre d'affaires nul, c'est tout un modèle économique qui est en péril.
Pour couvrir le manque cruel de fonds, il existe plusieurs solutions, dont le prêt garanti par l'État. A l'image de la Ligue de football professionnel, l'entreprise a procédé au même principe. Il s'agit d'un prêt de trésorerie qui peut couvrir jusqu'à trois mois de chiffre d'affaires. Une aide, non négligeable, qu'il faudra rembourser par la suite. "On va s’attaquer à un chantier, qui est la redynamisation du chiffre mais aussi des problématiques de charges. On espère que notre écosystème fera preuve d'une énorme solidarité", ajoute-t-il.
Tout en protégeant la santé de ses 23 000 collaborateurs, Decathlon a décidé de mettre en place le télétravail quand cela a été possible. Dans le cas contraire, l'activité partielle a été instaurée avec près de 80% de collaborateurs concernés. "Il faut souligner l'accompagnement de l'État sur cet aspect" précise le directeur de l'entreprise.
La gestion des stocks, l'autre casse-tête
A présent, les enseignes de sport se tournent vers l'organisation du déconfinement. Le ministère du Travail a publié, dimanche dernier, un protocole que toutes les entreprises vont devoir respecter à partir du 11 mai. Distances entre salariés, désinfection des locaux, fourniture de masques de protection, le document précise les mesures à prendre.
L'enjeu économique est la priorité pour chacune des deux entreprises. "Se préparer au déconfinement passe avant tout par la mise en sécurité financière de notre entreprise à court, moyen voire long terme car personne ne connaît les impacts de cette crise et leur durée", assure Arnaud Gauquelin. "Nous serons très dépendants de la vitesse du déconfinement et de la gestion de cette crise terrible", ajoute son homologue de Sport 2000.
Si les magasins semblent prêts à rouvrir, une autre problématique se pose : la gestion des stocks. Avec une marchandise considérable, des opérations promotionnelles seront mises en place. Les soldes arrivent le 24 juin et nul doute que les produits actuels vont devoir laisser place aux suivants pour la saison automne-hiver. "Le marché français est animé par la promotion. Nous allons faire le nécessaire pour être audible dans ce contexte. Ce n’est pas parce que nous sommes confinés qu’il faut renoncer à proposer des offres attractives aux consommateurs", conclut Stéphane Solinski.
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