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Coincés en Espagne, les joueurs du Wuhan FC prennent leur mal en patience

D'abord bloqués à Guangzhou puis désormais en Espagne, les joueurs du Wuhan Zall n'ont plus revu leurs familles depuis bientôt deux mois. Une situation de purgatoire pour des joueurs considérés comme pestiférés même sans cas positif au Covid-19 avéré.
Article rédigé par Théo Gicquel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
 

Pour certains joueurs, le confinement et l’isolement débutent à peine. Pour ceux du Wuhan Zall, le club de football de la ville épicentre de l’épidémie mondiale de coronavirus, c’est devenu l’obscur quotidien. Yao Hanlin et ses coéquipiers sont bloqués à Marbella, en Espagne, depuis plus d'un mois et demi. Soit 45 jours d’isolement imposés à 10 000 kilomètres des leurs, comme le raconte le New York Times, qui les a suivis.

“Peut-être que je vais pleurer un peu”, se désole Yao, natif de Wuhan et plus ancien joueur de l’effectif. Père d’un petit Zhou Nan âgé de 5 ans, il vit très mal la séparation forcée. “Nos familles et nos enfants nous manquent vraiment. Peut-être qu’ils ont même oublié à quoi on ressemble.”

Deux mois d'exil forcé

Le 22 janvier dernier, la ville de Wuhan a été mise en quarantaine pour éviter la propagation. En stage de pré-saison à Guangzhou, les joueurs de cette équipe de première division chinoise, ont découvert avec stupeur la nouvelle. “Nous étions au camp quand une rafale de messages est arrivée. Le téléphone est devenu tellement chaud que j’ai dû le lâcher”, raconte Yao. Lui qui souhaitait revenir à temps pour le nouvel an chinois (le 25 janvier) a dû y renoncer la mort dans l’âme, alors que certains joueurs ont pu eux rejoindre leurs familles dans des zones épargnées par l’épidémie.

“Ce n’était pas seulement le sentiment qu’il - comme des millions de Chinois - allait rater le nouvel an. C’était surtout la prise de conscience que le virus était bien plus sérieux que ce qu’ils avaient envisagé.”, raconte le journaliste et auteur Tariq Panja.

“C’est comme venir d’une ville nommée Ebola”

Voyant la situation s'aggraver, le club a décidé d’enchaîner avec un deuxième stage le 29 janvier, cette fois en Europe, alors que le virus n’avait pas atteint le stade qu’il présente aujourd’hui. Un mois au vert maximum avant la reprise de la saison le 22 février, tentaient-ils de positiver.

L’accueil en Espagne s’est rapidement chargé de leur faire ressentir qu’ils étaient pestiférés, alors qu’aucun membre n’avait été contrôlé positif. “La veille de l’arrivée, leur réservation d’hôtel a été annulée, le terrain d’entraînement leur a été fermé et leurs adversaires d’entraînement ont décommandé pour jouer contre d’autres équipes chinoises”, ajoute le journaliste.

José Gonzalez, l’entraîneur espagnol de l’équipe depuis le 4 janvier dernier, a été en première ligne pour recevoir les peurs et refus envers son équipe. “C’est comme venir d’une ville nommée Ebola”, raconte-t-il. Parmi ses joueurs, une tête connue du championnat de France, Eddy Gnahoré. Le prêt avec option d’achat de l’ancien joueur d’Amiens pour 9 mois avait surpris tout le monde, dans un contexte extrêmement délicat. Au départ réticent, il a finalement accepté, malgré les mises en garde de son entourage : “Ils me disaient que j’allais mourir”.

Retour à Shenzhen avant Wuhan ?

Alors que les membres du Wuhan FC espéraient patienter dans un endroit à l’abri, ils sont désormais à nouveau exposés au Covid-19, désormais très présent en Espagne avec plus de 6000 cas confirmés et 189 morts. “Nous fuyons une situation dramatique en Chine, et nous devons maintenir fuir la même situation en Espagne”, se lamente l’entraîneur.

Alors où aller ? Retourner à Wuhan n'est pas envisagé dans l'immédiat. L’équipe avait décidé d'accélérer son départ et rejoindre Shenzhen samedi, une mégalopole du sud-est du pays. "Les choses vont bien là-bas (en Chine) maintenant", a tenté de rassurer Gonzalez samedi à l'Associated Press. Et donc découvrir encore un nouvel environnement, et une attente prolongée. “Imaginer leur famille enfermée chez eux jour après jour, c’est très compliqué pour eux. Heureusement, quand ils jouent au football, ils ont quelques heures de répit. Les plus grands sourires actuellement, on les voit sur le terrain.”, continue l’entraîneur.

Vendredi matin, José Gonzalez a dû quitter ses joueurs et son staff, alors que l’Espagne a été déclarée en état d’urgence, obligeant ses citoyens au confinement. Inquiet, le coach est rentré chez lui, auprès de ses quatre fils, sa mère et ses deux soeurs. S’il ne sait ni quand ni contre qui ce sera, le coach est convaincu qu’il retrouvera rapidement ses joueurs sur la pelouse. “Ce sera difficile pour moi. Je penserai à combien tous ces gens ont souffert.”

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