Ça s'est passé un 2 juin 2015 : Sepp Blatter démissionne de son poste de président de la FIFA cinq jours après sa réélection
Le roseau a fini par rompre le 2 juin 2015. Réélu seulement cinq jours avant pour un cinquième mandat à la tête de la FIFA, Joseph "Sepp" Blatter avait alors assuré : "Je souhaite rester avec vous, je souhaite continuer avec vous, c'est une question de confiance." Un vote, qui avait suscité la polémique, en plein scandale de corruption au sein de la Fédération internationale de football.
Et pourtant l’affaire tourne court. Lors d’une conférence de presse exceptionnelle, organisée à Zurich (Suisse), l’homme d’affaires suisse a présenté sa démission. À la tête de la plus grande organisation sportive depuis 1998, Sepp Blatter s’en va.
"Les prochains mois ne seront pas faciles pour la FIFA"
"J'avais décidé de me représenter parce que je pensais que c'était la meilleure option" se justifie l’homme qui s’est vu remettre la Légion d’honneur par Jacques Chirac en 2004. "Les votes sont clos mais les affaires continuent. Mon nouveau mandat n'a pas le soutien de tout le monde du foot. C'est pourquoi j'en appelle à l'organisation d'un Congrès exceptionnel pour procéder à l'élection de mon successeur."
Car Blatter ne va pas partir tout de suite. Il compte bien rester jusqu’au congrès qui se tiendra entre décembre 2015 et mars 2016, dans laquelle une nouvelle élection verra le jour sans que le président sortant ne se porte candidat.
"Les prochains mois ne seront pas faciles pour la FIFA. Je suis sûr que d'autres mauvaises nouvelles sont à venir" déclarait alors le Suisse lors de sa réélection face au Prince Ali ben Al Hussein de Jordanie. Ironie du sort ou non, le dirigeant de 79 ans a vu juste.
Une suspension de six ans
Visé par une enquête des États-Unis et du New York Times plus particulièrement, Blatter décide de démissionner quelques heures après une nouvelle accusation.
Le quotidien américain affirme que le secrétaire général, le Français Jérôme Valcke, et donc le bras droit du président, aurait versé 10 millions de dollars à l’ancien président de la CONCACAF (Confédération de football d'Amérique du Nord, d'Amérique centrale et des Caraïbes), Jack Warner, concernant l’attribution de la Coupe du monde en Afrique du Sud en 2010.
Un scandale qui va entraîner Sepp Blatter dans sa chute. Ce sera le fiasco de trop pour la commission d’éthique de la FIFA qui décidera de le suspendre provisoirement pendant 90 jours en octobre 2015, soit quatre mois après avoir démissionné. La sanction est proclamée le 21 décembre 2015 : suspension pour 8 ans, qui sera ramenée à 6 ans en appel.
Son élection en 1998, loin d’être un hasard
Il faut dire que c’est loin d’être le premier fiasco auquel la FIFA est confrontée. Avant d’être à la tête de cette association, Sepp Blatter en a été le secrétaire général pendant 17 ans (1981-1998) lorsque le Brésilien João Havelange était au pouvoir (1974-1998).
S’il n’a pas connu la controverse autour du mondial 78 en Argentine, remporté par le pays hôte grâce à la mafia, il est au cœur d’un des plus gros scandales de l’histoire de la FIFA. Une enquête a montré en 2012 que l’ancien président brésilien et son gendre, Ricardo Teixeira, avaient touché de la part d’une société suisse, International Sport and Leisure, 27 millions de livres de pots-de-vin entre 1992 et 2000. L’entreprise, qui avait l’exclusivité de la vente des droits marketing de plusieurs Coupes du monde, fait faillite en 2001, accumulant une dette de 153 millions de livres (cf. Affaire ISL). Une question se pose alors : comment le secrétaire général ne pouvait pas le savoir ?
C’est pourquoi, la veille de la Coupe du monde en France, João Havelange se retire des affaires. Il se ménage un avenir en faisant élire un homme qui travaillé longtemps auprès de lui, Sepp Blatter. Il y avait pourtant un autre candidat à sa succession, Lénnart Johansson. Mais, le défunt suédois, président de l'UEFA de 1990 à 2007, ne semblait pas être prêt à tout pour ce poste. "Je n’ai jamais voulu promettre des emplois, des contrats, des tournois, de l’argent ou quoi que ce soit. Je ne voulais pas non plus promettre des aides financières à des associations qui l’auraient méritées" a-t-il souligné.
Les époques changent, les méthodes restent
Blatter, lui, n’a eu aucun état d’âme à faire toutes ces promesses. Si son prédécesseur avait conquis l’Amérique grâce à l’attribution des mondiaux au Mexique (1986) et aux États-Unis (1994), le Suisse voit plus grand et donne ainsi plus d’importance aux continents asiatique et africain, en leur octroyant l’organisation du mondial en 2002 (Corée du Sud) et 2010 (Afrique du Sud).
"La FIFA se conduit comme une famille de mafieux" dénonce en 2014 l’ancien président de la Fédération anglaise de football, David Triesman, après que la FIFA ait voté pour le Qatar comme pays hôte de la Coupe du monde 2022. "La corruption a été érigée en système et soutenue par l'absence d'investigations et où la plupart des accusés échappent aux enquêtes. Des dizaines de travailleurs immigrés tués dans la construction des stades au Qatar sont ainsi ignorés."
D’autres affaires vont s’ajouter comme le trafic de billets d’entrée sur plusieurs matches de Coupe du monde et le soupçon d’un "paiement déloyal" d’environ 1,84 million d’euros en faveur de Michel Platini.
Nouveau président, nouveaux scandales
Toutes ces affaires vont pousser Sepp Blatter vers la sortie. L’homme d’affaires, qui touchait annuellement 3,28 millions d’euros, prend la porte presque 17 ans après avoir été élu pour la première fois.
Le 26 février 2016, Gianni Infantino devient le nouveau président de la FIFA mais son mandat ne va pas commencer de la meilleure des façons. L’Italo-Suisse est cité, un mois plus tard, dans la célèbre affaire des « Panama Papers » (évasion fiscale) puis, en novembre 2018, dans l’enquête « Football Leaks 2 », révélée par Media Part. Plusieurs grands clubs européens auraient tenté de contourner, en amadouant Michel Platini et l’ancien secrétaire général de l’UEFA, les règles du fair-play financier.
Une mesure, mise en place il y a quelques années, par… Gianni Infantino. Ce dernier a tout de même été réélu l’an passé pour un deuxième mandat, soit jusqu’en 2023.
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