Richard Dacoury : "Le trophée le plus extraordinaire de ma carrière"
Richard Dacoury, c’est l’emblème de Limoges. Entre 1978 et 1996, il y a tout gagné. Huit championnats, sept Coupes de France, deux Coupes Korac et une Coupe des Coupes. Et là, presque tout au bout de son immense palmarès, un titre de champion d’Europe. Le plus beau. Entretien en deux parties avec celui qui a tout vu, tout connu.
Avril 1993. Dans quel état d'esprit le groupe limougeaud s'était-il rendu à Athènes pour le Final Four ?
Richard Dacoury : "Il n'y avait pas d'excitation excessive, ni de stress. Il y avait surtout le sentiment qu'on était parti pour atteindre ce pour quoi tout basketteur européen s'engage en début d'année : aller décrocher le Graal que représentait cette Ligue des champions d'Europe. Nous, on y allait en petit poucet. Personne, à aucun moment, ne nous donnait gagnant. Mais de manière assez naturelle, et parce qu'on est des compétiteurs, on savait qu'on avait notre chance, et qu'on allait crânement la jouer. Sans pression. La personne la plus confiante du groupe, c'était notre coach [Bozidar Maljkovic], toujours très optimiste. C'était très confortable de ressentir cette confiance dans notre groupe, dans le jeu que l'on produisait. Il ne s'appuyait que sur des faits très concrets, très objectifs. Il voyait en nous des choses qu'on ne voyait pas forcément. On ne doutait jamais de sa parole."
Vous avez personnellement vécu une finale très spéciale, avec 4 fautes en première mi-temps. Vous ne débutez pas le match, vous ne le terminez pas non plus. Comment avez-vous vécu cette situation?
RD : "C'était terrible pour moi. Frustré de ne pas être sur le terrain aux côtés de mes potes. Frustré d'être planté sur le banc de touche et de ne pouvoir apporter aucun effort dans le jeu. Sur le moment, j'en voulais beaucoup à l'arbitre. Après, j'ai revu le match et je me suis rendu compte que mes fautes étaient bien réelles. Mais pendant la rencontre, j'étais très remonté."
"Tellement intense émotionnellement, c'est merveilleux"
Dans les dernières minutes, on vous voit à genoux sur le banc…
RD : "Oui j'étais à genoux au bord du terrain, je voulais être plus proche d'eux. J'essayais de me rendre utile comme je pouvais en participant, en hurlant les consignes, en alertant les mouvements suspects de l'adversaire. Je suis frustré sur le moment, non pas parce que je ne joue pas, mais parce que je n’apporte pas ce que j’aurai pu apporter à l’équipe. C’est dirigé contre moi. Je m’en veux d’avoir fait ces fautes. J’ai handicapé mon équipe. Après, on décroche ce titre et c’est la fête, mais ce n’était pas facile à vivre. Je comprends maintenant la sensation éprouvée par un joueur de banc, ou par un coach qui se sent impuissant sur le banc de touche, qui subit les actions de ses joueurs sans pouvoir véritablement réagir. Ne pas pouvoir participer à l’action, c’est quelque chose d’insupportable. Heureusement, ça n’a pas eu de préjudice plus important que ça."
S’agit-il de votre plus grand souvenir de joueur ?
RD : "Je ne croyais pas qu’un jour, un club français pourrait décrocher cette coupe que je voyais soulevée par les plus grands d’Europe. Lors de ma dernière participation au Final Four, en 1990 avec Limoges, on avait échoué face à Split (où évoluait Toni Kukoc sous la direction de… Bozidar Maljkovic, ndlr). J’avais vu la finale face à Barcelone (victoire de Split, ndlr), c’était d’un tel niveau… Et là, patatrac, trois ans plus tard, on décroche le Graal. Donc oui, quelque part, c’est le trophée le plus extraordinaire de ma carrière. Mais en termes d’émotions, j’ai ressenti pratiquement la même chose lorsque j’ai remporté mon premier titre de champion de France, ou la coupe Korac. Ce sont des finales, et toutes se ressemblent un petit peu, avec ce parfum si particulier. Les niveaux ne sont pas les mêmes, mais l’approche, l’intensité sont identiques. C’est monstrueux, on se jette dans la bataille et on donne tout ce qu’on a. C’est tellement intense émotionnellement, c’est merveilleux. Mais avec le recul, oui cette finale de 1993 était magnifique. La preuve, on en parle encore, vingt ans après. Elle représente énormément pour le basket et le sport français, c’est en ça qu’elle est si remarquable."
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