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NBA - Jacques Monclar : "C'est mieux qu'il y ait quelque chose sans le public que rien du tout"

Après plus de quatre mois et demi d'interruption, la NBA reprend ses droits cette nuit. Pour cette fin de saison qui se déroulera à huis clos dans la ville d'Orlando (Floride), 22 équipes sont encore en lice pour aller chercher le titre de champion. Entre les conditions sanitaires, les favoris et les Français à suivre, l'ancien international français Jacques Monclar livre son analyse pour France tv sport.
Article rédigé par Paul Giffard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7 min
Jacques Monclar, ancien international français (JEAN-FRAN?OIS FREY / MAXPPP)

Que peut-on espérer pour cette reprise NBA ?
Jacques Monclar : 
"La reprise, c'est toujours délicat. Il ne faut pas en attendre monts et merveilles, tout comme les matches de début de saison. En terme de niveau, il faut se remettre en route. Chaque équipe aura huit rencontres de classement en quelque sorte pour se mettre en route avant les playoffs.

En observant les matches de préparation, comment sentez-vous les joueurs physiquement ?
JM 
: "Pas si mal. Même s'il y a toujours des exceptions, les joueurs sont de plus en plus professionnels et il n'y a plus de mecs qui prennent 10 kilos ou des gars qui ne font rien. Ils sont investis et sérieux. Après, en basket, il ne suffit pas de courir, de sauter et d'avoir fait de la musculation, il y a la forme de match, l'opposition ou encore le ballon. Tout le monde n'a pas un panier de basket, ni de terrain chez lui. Le sens collectif des choses n'est pas non plus négligeable, c'est même le plus gros du travail."

"Les deux Angelinos et les Bucks sont les trois favoris"

Huit matches à jouer en 15 jours pour une reprise après plus de quatre mois sans compétition, peut-on avoir un risque de blessure plus important ?
JM 
: "Comme en début de saison, comme en fin de saison. Les joueurs vont jouer tous les deux jours en moyenne, ce qui peut paraître beaucoup. Mais d'un autre côté, ils n'auront pas les voyages. Je pense que les matches vont aussi faire que quatre fois dix minutes en classement. Ce qui correspond à huit minutes en moins par rencontre, ça compte énormément. De plus, les coaches sont là pour protéger les basketteurs. On voit bien que lors des oppositions de pré-saison, les stars ne dépassent pas les 23-24 minutes de jeu. Comme dans tous les sports de ballon, nous ne sommes pas à l'abri qu'un genou lâche, qu'une arcade explose, etc..."

Sans public, est-ce toujours de la NBA ?
JM 
: "Il y a un truc qui est rigolo et qui est dit dans The Last Dance (récent documentaire Netflix sur Michael Jordan, ndrl) : le plus beau match de l'histoire du basket est un match d'entraînement à Monaco avec la Dream Team en 1992. Il n'y avait pas de public. Je le sais d'autant plus car j'y étais pendant trois jours. Bien évidemment que le public est un paramètre important, mais la réalité c'est le terrain, l'opposition entre les meilleurs joueurs du monde. Bien sûr que c'est mieux avec des spectateurs. Cependant, c'est mieux qu'il y ait quelque chose sans le public que rien du tout."

Quelles sont les franchises favorites pour succéder aux Raptors de Toronto ?
JM 
: "Pour moi, il y a trois favoris. Les deux Angelinos (Lakers et Clippers, ndlr) et les Bucks de Milwaukee. Les autres franchises ne seront néanmoins pas à prendre à la légère. J'aime bien la manière dont évolue Toronto. La franchise canadienne ne sera pas facile à magner, tout comme Philadelphie qui n'a rien à faire à la sixième place. Les coéquipiers de Giannis Antetokoúnmpo restent tout de même archi-favoris. Il faut appeler un chat un chat. A l'Ouest, les Lakers dominent mais attention également à Denver, au coude-à-coude avec les Clippers. Les Nuggets ont échoué aux portes de la finale de la Conférence la saison dernière."

"Il faut arrêter de prendre des gens pour des imbéciles"

Peut-on dire que le champion NBA 2020 sera un vainqueur au rabais ?
JM 
: "Est-ce-que Liverpool, la Juventus Turin et le Bayern sont des champions au rabais ? Personnellement je ne pense pas. Il va y avoir plus de 70 matches disputés. Certes, il n'y a pas de public, mais les joueurs sont présents. Au départ, je n'étais pas pressé que la NBA reprenne en voyant le nombre de morts qui croît quotidiennement aux États-Unis. Je me disais que ce n'était pas bien de jouer avec tous ces gens touchés, décédés. Mais il faut que la vie reprenne et ce que fait la Ligue, pour l'instant, et on va toucher du bois, donnera peut-être des idées à d'autres dans le cadre de la pérennisation du sport de haut niveau dans un futur proche.

Je vois que les différentes populations ne sont pas très sages. Je sais qu’aujourd’hui il y a des gens qui festoient à Bayonne. Quand on regarde ce qui s’est passé au Puy du fou, c’est une incongruité. En France on a pris d’autres options qui ne sont pas obligatoirement les plus logiques. A savoir que nous avons arrêté, au lieu de suspendre, et nous reprenons à une jauge à 5 000. On aurait pu reprendre plus tôt et à huis clos histoire de finir les choses. Quand vous me parlez de public, nous lui avons enlevé l’émotion de fin de saison, l’émotion des montées-descentes, etc... Et nous, on reprend avec 5 000 dans le stade du Havre, comme 5 000 dans le stade de France, je ne comprends rien à tout cela. Si collectivement et civilement, nous n’avons pas un comportement responsable, il va arriver des bricoles à nos anciens, nos moins anciens, à notre économie, à tout le monde. Quand je vois, et je vais l’attaquer personnellement, monsieur Edouard Philippe fêter sa victoire aux élections - parce que nous sommes allés voter c’est intelligent ça aussi - en montrant les poings, en chantant ‘on a gagné’, je peux comprendre qu’il soit content. Mais sans masque, sans distanciation sociale, sans rien alors qu’on interdit beaucoup de choses. Il faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles."

"Je suis content que Rudy Gobert démarre très fort, et je suis content car ce qu'il a traversé n'est pas facile"

Lebron James, Giannis Antetokoúnmpo, James Harden, qui pourrait se démarquer selon vous ?
JM 
: "J'ai vu que James Harden était bien contre Memphis. Lebron James va surtout jouer meneur en l'absence de Rajon Rondo. Giannis va faire valoir son physique, sa jeunesse, sa fougue tout en essayant de mettre des paniers extérieurs. Si le Grec rentre des shoots à trois points, les Bucks risquent d'être assez irrésistibles. Surtout si autour de lui, Khris Middleton, Brook Lopez, Eric Bledsoe et les autres sont bons. Après le duo Lebron-Anthony Davis est impressionnant mais attention aux Clippers parce que Kawhi Leonard a été champion avec deux franchises différentes (San Antonio 2014 et Toronto 2019, ndlr), Paul George a eu un peu plus de temps pour revenir de sa blessure à l'épaule, ce qui ne peut pas lui avoir fait de mal ainsi que le recrutement de notre Joakim Noah, qui est une chose intelligente de leur part sachant qu'Ivica Zubac a été touché par le Covid-19 et que Montrezl Harrell a quitté la bulle il y a une semaine pour urgence familiale."

Qu'attendre des Français pour cette reprise ?
JM 
: "Elie Okobo (Phoenix) est là. Il doit se faire plaisir parce que les Suns n'ont quasiment aucune chance de voir les playoffs. Pour ce qui est de Timothé Luwawu-Cabarrot (Brooklyn), il a déjà resigné avec les Nets, une équipe dans laquelle il y aura des rôles autour de Kevin Durant. J'attends de lui qu'il soit sur la lignée de ce qu'il a produit cette saison. Ian Mahinmi (Washington) ne joue pas en scrimmage (match de préparation, ndlr) et il est en fin de contrat. Cependant, c'est un très bon soldat. Joakim Noah (Los Angeles Clippers) devra être bon sur les courtes séquences. C'est un joueur d'équipe, de rôle, et dans la définition du basket de Doc Rivers, il aura sans doute des minutes. Concernant Evan Fournier, c'est un leader d'attaque d'Orlando même s'il a un peu de mal à se mettre en route en terme de réussite. On peut lui faire confiance car c'est un gros travailleur. Son ami Rudy Gobert (Utah) a démarré très fort. Il est en course pour être le meilleur défenseur de la Ligue pour la troisième année consécutive. Il a très bien débuté et je suis content qu'il commence comme cela car ce qu'il a traversé n'est pas facile.

Comprenez-vous les joueurs qui ont refusé de rejoindre la bulle d’Orlando ?
JM 
: "Il y en a un pour lequel je comprends particulièrement bien, c'est Trevor Ariza (Portland). Pour obtenir la garde de son enfant, il avait organisé toutes les sessions avec les juges. Pour Davis Bertans (Washington) qui est en fin de contrat, je comprends moins mais bon, pourquoi pas ? Après, il y a l'histoire du Black Lives Matter. C'est très important de combattre le racisme au quotidien mais ce n'est pas en étant absent qu'on fait avancer les choses. Je pense à Avery Bradley (Lakers) qui a refusé de se rendre à Orlando. Derrière, la franchise le remplace par Dion Waters et J. R. Smith. Vous ne venez pas, il y en a d'autres qui viennent à votre place. C'est la loi en NBA."

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