Kawhi Leonard, l'arme fatale des San Antonio Spurs
Comme bon nombre de gamins de Los Angeles, Kawhi Leonard a eu la douleur de perdre un proche dans de terribles circonstances. Le 19 janvier 2008, Mark Leonard, son père qui lui a donné ce prénom qui "fait hawaïen", est tué par balles dans son entreprise de lavages de voitures. Rares sont les adolescents qui répondent juste "ça va" quand leur oncle vient aux nouvelles. Plus rares encore sont ceux encore qui jouent un match de basket le lendemain. Kawhi Leonard est l’un d’eux. Face à Campton Dominguez, il porte son lycée Martin Luther King (17 points) mais ne peut empêcher la défaite des siens. Il ne peut pas non plus retenir un torrent de larmes dans les bras de sa mère venue le couver du regard dans les tribunes.
Un saut dans l'inconnu pour les Spurs
C’est contre ce garçon discret au possible et obsédé par la perfection que les San Antonio Spurs ont décidé d’échanger, avec Indiana, le chouchou de la ville un soir de juin 2011 à la draft. "George Hill était l’un de mes joueurs favoris, mais nous étions trop petits avec Tony (Parker), George (Hill) et Manu (Ginobili) au poste 3 (ailier)", 2015 et 2016) et MVP des Finales (2014), une première pour un joueur extérieur (Hakeem Olajuwon est double MVP des Finales et double meilleur défenseur de l’année), Kawhi Leonard a touché le jackpot l’été dernier avec un contrat de 94 millions de dollars sur les cinq prochaines années. Savez-vous ce qu’il a fait pour fêter ça ? Il est allé à la salle pour s’entraîner. Le soir, il a effectivement célébré ce contrat avec son agent dans un restaurant mais a coupé court à la soirée. Le lendemain, deux heures de musculation lui étaient programmées à 8 heures du matin, puis 2h30 sur le terrain à 11h30 puis une heure pour améliorer son handle (le maniement de ballon) et enfin une séance de shoot en fin d’après-midi. "J’avais déjà l’argent et la sécurité, rappelle Leonard. Vous voyez souvent une différence dans le jeu de certains quand ils ont leur gros contrat. J’essaye de faire la maximum pour ne pas être ce type de joueur". Une chose est sûre, le Californien n’a pas changé en tant qu’homme. Cet hiver, la perte de coupons de réduction chez son sponsor, Wingstop, l’aurait mis dans une colère noire.
Ses coéquipiers à San Antonio répètent inlassablement la même rengaine à son propos, Kawhi Leonard ne vous regarde pas dans les yeux, il ne parle pas. "Je ne pense pas avoir déjà discuté plus de 10 ou 15 secondes avec lui", détaille Tim Duncan. "Comment pourrais-je le savoir ?" répond LaMarcus Aldridge quand on lui demande ce que fait son alter-ego à San Antonio en dehors des matches. Lors du traditionnel media day d’avant-saison, un journaliste a tenté d’obtenir une interview de 30 minutes avec le joueur, Leonard a refusé, vingt s’est-il vu proposé, nouveau refus. Quinze alors ? Non plus. Dix ? Cinq ? Leonard a accepté deux minutes d’interview au milieu d’un entraînement et a demandé à un attaché de presse des Spurs de compter les secondes. "Il ne veut pas être sous les feux de la rampe", estime Popovich. "C’est un gros bosseur, fidèle à lui-même", résume David West.
Kobe Bryant ravi de ne plus avoir "affaire à lui"
Oui Kawhi Leonard n’est pas démonstratif. Il n’est pas et ne sera peut-être jamais un leader vocal – là est peut-être sa seule limite -, en revanche, il est un leader par l’exemple. "Très souvent, je dois aller à la salle et dire à mes assistants : ‘foutez-le dehors, nous avons un match ce soir’" se remémore son coach. Sur le terrain, Kawhi Leonard est un tueur silencieux et froid. La foule, il s’en passerait bien. "Je crois qu’il préfèrerait que la salle soit vide", pense son coach. Cette saison, Paul George (1/14 aux tirs), Carmelo Anthony (4/17) et Kevin Durant (6/19) ont buté sur sa défense pot de colle. Après le dernier match de sa carrière face aux Spurs, même l’immense Kobe Bryant a reconnu son soulagement de ne plus "avoir affaire à lui". La légende des Lakers est un modèle pour Kawhi Leonard qui a vaincu sa timidité pour s’adresser au Mamba lors d’une opération Nike. Le tout juste retraité se rappelle, pour Sports Illustrated, que le Spur ne lui parlait pas beaucoup mais qu’il lui a posé des questions "très précises". Celui que Gregg Popovich compare à Michael Jordan, uniquement pour "sa capacité à peser des deux côtes du terrain", est devenu cette saison l’arme numéro 1 de San Antonio en attaque malgré l’arrivée d’Aldridge. En février dernier, les Spurs et Orlando sont à égalité à 13 secondes de la fin. Popovich prend un temps-mort et commence à dessiner une attaque avant de l’effacer pour donner la balle à Leonard en isolation. Face à Aaron Gordon, l’ailier texan patiente avant d’attaquer la raquette, de s’arrêter à six mètres du panier et de réussir le panier de la gagne à neuf dixièmes du buzzer. Évidemment, Leonard ne fête pas cette réussite, ce n'est pas son genre.
Au nom du père
Cette action, anodine pour un match de saison régulière, est le symbole de la prise de pouvoir du joueur formé à San Diego State au sein de la franchise la mieux gérée de la NBA. Avec son Big Three (Duncan-Ginobili-Parker), San Antonio a glané trois titres (2003, 2005, 2007) et un supplémentaire avec Leonard (2014). Longtemps, R.C. Buford le manager général, a pensé que l’ère de gloire de sa franchise ne survivrait pas à la fin Big Three. "Il a changé la course de notre organisation, lâche-t-il à Sports Illustrated. Il nous a donné un second souffle". Cette franchise est devenue la sienne. Une chose est sûre, ce fait ne changera pas l’homme qu’il est. Tout au long de sa saison rookie, et alors qu’il touchait déjà plus d’un million de dollars à la saison, Kawhi Leonard conduisait sa vieille Chevy Malibu de 1997 qu’il avait à l’université. Même aujourd’hui, alors qu’il s’est offert une Porsche, il lui arrive de la prendre à nouveau parce qu’elle "consomme peu". Année après année, Leonard a nettoyé cette voiture si particulière à ses yeux quasiment chaque jour. "J’imagine que mon père doit être fier de moi " confesse le joueur, fendant la carapace.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.