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EuroBasket : L’improbable destin de Bobby Dixon

Ali Muhammed, né Bobby Dixon, est le meilleur scoreur de la sélection turque qui affronte l’équipe de France ce samedi (21h00) en huitième de finale de l’EuroBasket. Un meneur de poche (1,78m) au parcours hallucinant.
Article rédigé par franceinfo
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Bobby Dixon a donné un second souffle à sa carrière en Turquie

En 2001, pendant que Tony Parker joue son premier EuroBasket avec l’équipe de France, Bobby Dixon est en prison. Incarcéré six mois à Cook County, l’un des plus grands sites de détention aux Etats-Unis, l’adolescent de 18 ans a plongé dans "le business familial". Ses trois grands frères étaient dealers – l’un est mort à 13 ans, assassiné d’une balle dans le dos. Son père baignait le trafic de drogue de la banlieue nord de Chicago, où Dixon a grandi. Sa mère, qui l’a élevé par intermittence, était une toxicomane et dealait au point de faire d’incessants allers-retours entre le domicile familial et la prison tout au long de son enfance. "Une fois en prison, c’est comme si ma vie était terminée", témoignera-t-il à l’Associated Press.

En 2003, pendant que Tony Parker gagne son premier titre NBA, Bobby Dixon galère à trouver une université. Il a décroché un job de nuit qui consiste à distribuer, à plus de deux heures de bus de son domicile, des colis de 4 à 10 heures du matin. Il travaille la nuit, dort la journée, s’entraîne le soir avec Bryan McKinney, un coach qui l’avait repéré quand Dixon brillait dans son équipe de lycée. Le Community College de Kankakee, à 100 kilomètres au sud de Chicago, lui offre une bourse universitaire. Pour son premier match dans sa nouvelle équipe, le petit meneur plante 27 points en sortie de banc.

Il a été coaché par Vincent Collet

En 2005, pendant que Tony Parker remporte sa première médaille continentale, Bobby Dixon achève ses études à l’université de Troy, dans l’Alabama. En 59 matches, il marque plus de 16 points de moyenne et s’apprête à lancer sa carrière de basketteur professionnel.

En 2007, pendant que Tony Parker est nommé MVP des Finales, Bobby Dixon joue en Pro B, à Saint-Etienne. Se pensant trop petit (1,78m) pour la NBA, il a préféré tenter sa chance en Europe. Il termine la saison en jouant à trois matches à Gravelines. Puis c’est la Pologne, où il devient le meilleur passeur du Championnat ; la ligue italienne, à Trévise ; un retour brillant dans l’Hexagone. Son jeu tout en percussion fait des merveilles, mais il enchaîne les contrats courts au Mans, à Dijon et Villeurbanne, où il évolue sous les ordres d’un certain Vincent Collet. 

Son transfert en Turquie, dans le club de Karsiyaka, à Izmir, marque un tournant dans le parcours tourmenté de Bobby Dixon. Pour la première fois de sa carrière pro, le petit meneur passe plus d’un an dans le même club. Il s’y épanouit. MVP de la coupe de Turquie en février 2014, il connaît la consécration en juin 2015 :  Karsiyaka remporte le deuxième Championnat de son histoire, près de trente ans après son dernier sacre, dans le sillage d’un Bobby Dixon déchaîné (21 points de moyenne en cinq matches).

La satisfaction est triple puisqu’il s’engage quelques jours plus tard avec le meilleur club du pays, Fenerbahce, et reçoit à la même période une proposition de la Fédération nationale. Cette dernière lui promet, s’il prend un passeport turc, de le retenir dans son effectif final pour l’EuroBasket 2015. "C’est l’aboutissement de ce que je fais en Turquie depuis trois ans", estime Dixon qui n’a pas longtemps hésité avant d’accepter. Il a même profité de l’occasion pour changer de nom.

Le "Mamba" de Chicago

Dixon a deux idoles : Kobe Bryant et Mohammed Ali. Le premier a inspiré son surnom, "Uptown Mamba" (le "Mamba" des quartiers nords de Chicago). Le second est à l’origine de son patronyme turc, "Ali Muhammed". Sous cette identité toute fraîche, le natif de Chicago a réalisé un premier tour très convaincant à l'Euro (16,2 points et 4,8 passes de moyenne) aux côtés de ses nouveaux compatriotes Semih Erden, Ersan Ilyasova et Cedi Osman. Électron libre du jeu turc, il amène beaucoup de vitesse, provoque sans cesse la défense adverse sans délaisser ses qualités de créateur. "Il change la donne car il met beaucoup de rythme", prévient Nicolas Batum.

Aujourd’hui, Bobby Dixon a 32 ans. Il a une fiancée, deux filles. Il a acheté une maison et une voiture à sa mère qui n'a plus touché à l'héro depuis plus de dix ans. Il rentre régulièrement à Chicago, où il organise chaque été son propre camp de basket. Il y possède même un salon de coiffure, qu’il gère à distance avec son meilleur ami. Et ce samedi, en huitième de finale de l'EuroBasket, il affrontera un autre meneur de poche rapide et élégant avec qui il partage certaines similitudes dans le jeu, mais qui a toujours eu beaucoup de mal à défendre sur les petits attaquants de son calibre.  

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