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Coupe du monde de basket : l'Allemagne, un vainqueur inattendu qui révèle la suffisance américaine

Les Allemands ont remporté leur premier titre mondial, dimanche, face à la Serbie (83-77), en s'appuyant sur un collectif huilé et rôdé depuis plusieurs années.
Article rédigé par Vincent Daheron, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
La joie des Allemands, sacrés champions du monde de basket, à Manille (Philippines), le 10 septembre 2023. (FIBA)

Soyons honnêtes, pas grand monde n'avait imaginé l'Allemagne grimper sur la plus haute marche du podium de la Coupe du monde quand la compétition a commencé, deux semaines plus tôt. Vainqueurs de la Serbie en finale (83-77), dimanche 10 septembre à Manille (Philippines), les Allemands trônent pourtant sur le toit du monde. Le premier titre mondial de leur histoire, trente ans après la victoire surprise à l'Eurobasket 1993.

Seule équipe invaincue de la compétition, l'Allemagne a amplement mérité son succès. La Mannschaft avait conclu son premier tour en patron, sortant première d'un groupe relevé (Australie, Finlande, Japon), avant de confirmer cette bonne impression au deuxième tour en écrasant (100-71) la Slovénie de Luka Doncic. Victorieuse in extremis de la Lettonie en quarts (81-79), elle a ensuite réalisé l'exploit du tournoi en sortant les Etats-Unis (113-111) en demi-finales.

Avec seulement quatre joueurs NBA en son sein (Dennis Schroder qui évolue à Toronto, Franz et Moritz Wagner à Orlando, Daniel Theis à Indiana), cette victoire symbolise le succès du basket collectif, intelligent sur le talent individuel et les qualités techniques dont regorgent les douze membres de l'effectif de Team USA, tous issus de la Grande Ligue. Même si Schroder, MVP de la compétition avec ses 19,1 points de moyenne, n'en manque évidemment pas.

"Nous sommes engagés sur un projet de trois ans"

Le basket dit "Fiba" (Fédération internationale de basket) est bien distinct de celui pratiqué en NBA de par les quelques règles qui diffèrent. Pour outrepasser les défenses bien plus strictes que dans le championnat nord-américain, c'est un jeu d'échecs, fait de schémas tactiques parfois complexes.

Le sacre allemand a donc démontré que le temps long, les étés successifs à développer des automatismes collectifs et la cohésion d'équipe menaient au sommet. Davantage qu'une somme d'individualités. "C'est juste ma deuxième [compétition internationale], mais quasiment tous les autres jouent en équipe nationale depuis plusieurs années. Ils sont expérimentés à ce niveau et habitués à jouer ensemble", confirmait Franz Wagner, l'ailier du Orlando Magic, après la victoire contre Team USA (113-111). Une rencontre pendant laquelle les Allemands ont délivré 30 passes décisives (contre 25 pour leurs adversaires) en sanctionnant avec lucidité chaque choix tactique tenté par le staff américain.

Médaillée de bronze à l'Eurobasket 2022 disputé à domicile, l'Allemagne est montée d'un cran supplémentaire cet été. "Nous sommes engagés sur un projet de trois ans. C'est la deuxième année. Mes joueurs prennent soin les uns des autres, se battent les uns pour les autres. Ce groupe est spécial", louait, vendredi, le sélectionneur Gordon Herbert, coach du Paris Basket Racing puis de Pau-Orthez dans les années 2000.

Une importance minime accordée au Mondial par Team USA

L'Allemagne, ses habitudes collectives et des règles Fiba, sur le toit du monde avec, en effet miroir, les Etats-Unis et leurs individualités, sortis aux portes de la finale et même pas sur le podium avec une équipe renouvelée à 100% par rapport à celle championne olympique à Tokyo en 2021. Pire, les douze joueurs sélectionnés n'avaient jamais porté le maillot de Team USA en seniors avant cette campagne estivale. Avec un effectif de 24,6 ans de moyenne d'âge et aucun joueur de plus de 28 ans, l'inexpérience leur aura été fatale malgré le pedigree des individualités estampillées NBA. 

La déception de l'Américain Tyrese Haliburton contre le Canada lors de la Coupe du monde, à Manille (Philippines), le 10 septembre 2023. (FIBA)

"Je ne sais pas comment on pourrait trouver de la continuité. C'est irréaliste de demander aux mêmes dix joueurs de jouer été après été", a regretté le sélectionneur américain, Steve Kerr, après l'élimination aux portes de la finale. Depuis toujours, les stars de la NBA n'accordent que peu d'importance aux Coupes du monde, d'autant plus lors des années pré-olympiques. En 19 éditions, Team USA n'a d'ailleurs décroché le titre qu'à cinq reprises.

La lumière des Jeux olympiques attire les étoiles de la Grande Ligue, bercées par les souvenirs de la Dream Team 1992 à Barcelone. Avec 16 couronnes olympiques dont sept des huit dernières, les Etats-Unis prouvent qu'ils peuvent se montrer presque injouables s'ils prennent le rendez-vous au sérieux. À Paris, l'année prochaine, il serait logique de retrouver Stephen Curry, Anthony Davis ou Kevin Durant dans l'effectif américain.

L'exemple à suivre du Canada

"Tout le monde doit maintenant réfléchir à une approche différente pour remporter le titre. Les autres joueurs sont meilleurs, le jeu s'internationalise, tout le monde peut être sacré champion du monde", a déclaré à l'AFP Carmelo Anthony, triple champion olympique avec Team USA. En éliminant les Etats-Unis en quarts de finale du Mondial 2019 (89-79), l'équipe de France a permis aux autres nations de se désinhiber face à l'ogre américain, ou ce qu'il en reste. Ce dernier compte désormais six défaites lors des trois dernières compétitions internationales majeures alors qu'il surfait, auparavant, sur une série de 58 victoires de rang entre 2006 et 2019.

"J'aimerais qu'on envoie la crème de la crème à chaque fois, a poursuivi Carmelo Anthony. Mais il faut respecter les gars qui sont ici aussi. Vous ne pouvez envoyer la grosse armada à chaque fois. Il faut les faire jouer pour qu'ils puissent progresser au niveau international." Pour cela, les Etats-Unis peuvent s'inspirer de leurs voisins canadiens, qui les ont battus (127-118 après prolongation), dimanche, pour s'offrir avec le bronze leur première médaille de l'histoire au Mondial.

En 2022, 14 joueurs ont signé une convention pour s'engager à représenter le Canada chaque été jusqu'à Paris 2024. "La vraie valeur de la cohésion, de la camaraderie et de la continuité ne peut pas être négligée quand vous construisez une équipe", justifiait son ancien sélectionneur Nick Nurse. De quoi inspirer, peut-être, Team USA à l'avenir. "La NBA a beaucoup à apprendre du basket FIBA", a au moins concédé Steve Kerr.

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