Coupe du monde de basket : comment le Canada est devenu une place forte du basket international

La présence du Canada en demi-finales du Mondial, vendredi face à la Serbie, est le symbole d'une progression constante du basket dans le pays lors des dernières décennies.
Article rédigé par Vincent Daheron, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La star canadienne Shai Gilgeous-Alexander entouré de R.J. Barrett et Dwight Powell contre la Lettonie lors de la Coupe du monde, à Jakarta (Indonésie), le 29 août 2023. (FIBA)

Dimanche, dans les entrailles de l'Indonesia Arena de Jakarta (Indonésie), R.J. Barrett ose des pas de danse devant la presse, en zone mixte. Quelques minutes plus tôt, son équipe du Canada a dominé l'Espagne (88-85) pour se qualifier pour les quarts de finale de la Coupe du monde, synonyme de qualification aux Jeux olympiques de Paris 2024. Une première depuis 2000, à Sydney. Opposés à la Serbie, vendredi 8 septembre, en demi-finales, les Canadiens peuvent espérer disputer leur première finale mondiale de leur histoire. L'aboutissement du développement continu du basket canadien lors des dernières décennies.

Dans un pays fou de hockey sur glace, la balle orange a mis du temps à se frayer un chemin malgré le fait que l'inventeur de ce sport, James Naismith, soit né en Ontario. "La popularité du basketball au Canada est due à l'arrivée de la NBA dans les années 90 avec Vancouver [Grizzlies, désormais à Memphis] et Toronto [Raptors] mais surtout grâce à ces derniers", explique Alex Adams, chargé du suivi de l'équipe nationale pour le site Raptors Republic.

Fondés en 1995, les Raptors deviennent, au début du XXIe siècle, la seule équipe canadienne, presque un symbole patriotique. "La popularité de Vince Carter [joueur emblématique de la franchise] a inspiré énormément d'enfants de Toronto à jouer au basket", poursuit le journaliste. À l'image du numéro un de la Draft NBA 2014 Andrew Wiggins, de Tristan Thompson (champion NBA avec Cleveland en 2016) ou de Cory Joseph (champion NBA avec San Antonio en 2014).

"Beaucoup de nos joueurs racontent qu'ils se souviennent de Vince Carter ou Tracy McGrady et qu'ils se disaient : "OK, c'est ce que je suis. Je ne suis pas un joueur de hockey. Je suis plus grand que tout le monde", image le manager général de la sélection canadienne, Rowan Barrett, pour CBC. Zach Edey (21 ans), le cadet de l'équipe se souvient de l'influence positive du titre NBA des Raptors en 2019 : "Ça a rendu le basket comme une chose moins spécifiquement américaine, que les Canadiens pouvaient également faire", racontait-il à Complex. Steve Nash, double MVP de la saison régulière en 2005 et 2006, a aussi inspiré les jeunes générations.

Plus gros contingent étranger en NBA

Une fois le basket devenu populaire, il restait à transformer cette masse de nouveaux pratiquants en joueurs de haut niveau. La fédération canadienne a lancé un programme d'académies en 2009. Au programme, huit week-ends d'entraînement supplémentaires pour des jeunes de 12-13 ans afin de "se développer dans un environnement de haute performance", précise le site internet. Les enfants travaillent également sur le développement social, émotionnel et mental. R.J. Barrett, fils de Rowan (qui a joué notamment à Dijon, l'Asvel ou Chalon), et sélectionné en 3e position de la Draft 2019 par les New York Knicks, est passé par ce programme.

Le Canadien R.J. Barrett face à l'Espagne lors de la Coupe du monde de basket, à Jakarta (Indonésie), le 3 septembre 2023. (FIBA)

La NBA a également lancé de nombreuses académies à travers le monde, dont une à Mexico City, intitulée NBA Academy Latin America, dont l'objectif est de regrouper les joueurs les plus prometteurs du Mexique, des Caraïbes, de l'Amérique centrale et latine ainsi que du Canada. C'est le chemin emprunté par Bennedict Mathurin, rookie des Indiana Pacers, absent à la Coupe du monde. Enfin, le niveau au lycée s'est également amélioré et certains talents décident de rester au pays plutôt que de s'exporter à l'image de Jamal Murray, récent champion NBA avec les Denver Nuggets.

Le vivier est désormais particulièrement dense au Canada : 22 joueurs étaient sur la ligne de départ de la saison NBA en 2022-2023, un record national. Ils sont sept à disputer la Coupe du monde, soit le 3e contingent derrière les Etats-Unis (12) et l'Australie (9). Mais surtout, six d'entre eux disposent d'un statut de titulaire dans la Grande Ligue alors même que Murray ou Wiggins sont absents. Par exemple, la star Shai Gilgeous-Alexander, bourreau des Bleus au premier tour, n'est autre que le 4e scoreur NBA de l'exercice précédent. Dillon Brooks est aussi un défenseur reconnu des Memphis Grizzlies et R.J. Barrett, un membre majeur des Knicks.

14 joueurs engagés sur trois ans avec l'équipe nationale

Les débuts de la sélection A n'ont pourtant pas été simples, les désillusions s'enchaînant tandis que les moins de 19 ans de R.J. Barrett devenaient champions du monde en 2017. Les coéquipiers du capitaine Kelly Olynyk ont d'abord manqué la qualification aux Jeux olympiques de Rio 2016 par deux fois : une défaite d'un point face au Venezuela (79-78) puis une autre contre la France (83-74) au Tournoi de qualification olympique (TQO). Rebelote en 2021, cette fois-ci face à la République tchèque (103-101).

"Vous devez savoir comment jouer au basket FIBA [quelques règles diffèrent avec la NBA] et c'est pourquoi nous avions besoin de joueurs qui restent plusieurs années dans notre système pour aller aux Jeux olympiques. Vous avez besoin qu'ils soient présents constamment", expliquait Rowan Barrett à CBC. Pour y parvenir, il met alors en place, en mai 2022, une convention signée par 14 joueurs qui s'engagent à représenter le Canada chaque été jusqu'à Paris 2024. "La vraie valeur de la cohésion, de la camaraderie et de la continuité ne peut pas être négligée quand vous construisez une équipe", justifiait le sélectionneur d'alors, Nick Nurse, champion NBA avec Toronto en 2019.

Si bien que la démission soudaine de leur coach à deux mois du Mondial, fin juin, n'a pas semblé entraver les ambitions du Canada. Avec l'Espagnol Jordi Fernandez à sa tête, et le légendaire David Blatt en consultant, les Road Warriors ne sont plus qu'à une marche de leur meilleur résultat international : une médaille d'argent lors des funestes Jeux olympiques de 1936, à Berlin (Allemagne).

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