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MotoGP : quatre opérations, trois come-backs… Marc Marquez, le retour de trop ?

Le sextuple champion du monde fait son retour à la compétition, dimanche, pour le Grand Prix d'Aragon, après quatre mois d'absence des circuits et plus de deux ans de galère.

Article rédigé par franceinfo: sport, Loris Belin
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le pilote espagnol de MotoGP Marc Marquez, le 15 septembre 2022 lors d'une conférence de presse en amont de son retour au Grand Prix d'Aragon (JOSE BRETON / AFP)

Cela doit être le retour de la "dernière chance". Marc Marquez reprend la compétition le week-end des 17 et 18 septembre pour le Grand Prix d'Aragon, à peine trois mois et demi après avoir été opéré du bras droit, encore une fois. Le sextuple champion du monde MotoGP espère que cette quatrième intervention après sa grave blessure le 19 juillet 2020 marquera la fin d'un long calvaire. Douleur continue, consommation quotidienne d'antidouleurs… Le pilote Honda n'a peut-être que 29 ans, mais le spectre de la retraite est bien pesant au-dessus de son casque.

Le Catalan avait ainsi annoncé que 2022 devait normalement être la fin pour lui. Mais des tests techniques sur les motos de la saison 2023, les 6 et 7 septembre à Misano, ont fait naître un nouvel espoir, confirmé en début de semaine. "Je ne m'attendais pas à recourir cette saison, a-t-il avoué en conférence de presse jeudi. Les choses se sont bien déroulées depuis mon opération. C'est un long chemin, étape par étape, et j'ai encore beaucoup à faire pour atteindre mon objectif."

Cette route n'est pas sans risques pour autant, alors que Marquez n'a plus rien à jouer sportivement cette saison. "Quatre mois, cela semble être un délai raisonnable, rassure Pierre Ortega, médecin du sport et président de la Commission médicale de la Fédération française de moto. Il ressent possiblement le besoin de recourir, parce qu'il faut qu'il retrouve sa place, ses objectifs de saison, voire son plan de carrière, de battre tous les records. S'il reprend pour ces raisons, c'est une véritable volonté liée à une surmotivation, que peuvent avoir les pilotes blessés, de retrouver leur milieu et les sensations."

Le retour sur la moto comme outil de traitement

Marc Marquez est formel, il ne revient pas à Motorland pour jouer la gagne, qualifiant ses "chances de podium" de "1%". "L'objectif est de bien préparer l'avenir : me construire, construire la moto de la saison prochaine, a assuré le pilote. Les résultats de Misano étaient bons, mais le week-end de course sera différent." Ses premiers tours de roue ont été convaincants, avec des essais conclus vendredi à la 8e place, à 0"359 de la tête.

Quand, dans d'autres sports, le retour à la compétition est l'objectif final de la rééducation, pour Marquez il fait partie du processus vers le rétablissement complet. L'Espagnol est de nouveau victime de diplopie, un problème de vision double, depuis novembre 2021. "Les yeux, tu ne les travailles pas, nous décrypte l'ancien pilote français Régis Laconi. Autant le physique, il y a plein de choses que tu peux travailler. Mais le regard, il n'y a que quand tu es sur la moto que tu t'entraînes."

C'est continuer, ou se massacrer, voire mourir. Ta carrière, elle ne va pas jusqu'à 100 ans.

Régis Laconi, ancien pilote de MotoGP

à franceinfo: sport

Pour l'ancien goinfre du paddock, ce Grand Prix d'Aragon, sur l'un de ses circuits favoris (cinq victoires en MotoGP), est aussi un moyen d'éloigner le spectre de l'au revoir. Pour Marc Marquez, il n'y aura pas d'autres alternatives qu'un retour au sommet, ou la fin pure et simple de sa carrière pour avoir trop tiré sur son organisme. Régis Laconi ne connaît que trop bien ce dilemme. Le dernier vainqueur français dans la catégorie-reine, avant l'explosion de Fabio Quartararo, a été contraint à la retraite suite à un grave accident en 2009 en Superbike, le laissant avec plusieurs vertèbres fracturées et un risque de paralysie. "Le moment où tu te dis stop, c'est très compliqué, se remémore-t-il. Pour moi, cela fait 13 ans, et il y a encore des moments où j'ai l'impression que si on me remettait une moto, je pourrais monter dessus, réattaquer comme ce que j'ai toujours fait."

"C'est ce qu'il y a de beau dans ce sport, c'est qu'il faut aussi s'écouter, se connaître le plus possible, poursuit-il. Il faut vivre après, et vivre heureux. Il faut trouver des trucs qui te mettent autant d'adrénaline, et pour nous, il n'y en a pas. Il ne faut pas chercher du compensatoire, mais des choses différentes, des belles choses de la vie."

Pour Pierre Ortega, ce rapport à la retraite est même "différent" en moto que dans d'autres disciplines, car "le pilote forme un binôme avec sa machine". "On se dit que même si le pilote n'est pas à 100%, mais que la moto l'est, on peut trouver une solution avec les bons ingénieurs ou la bonne stratégie, avance-t-il. Quand vous courrez un 100 mètres, ce n'est pas la faute des chaussures, ou du vent. Il n'y a que le chrono, pas d'alibi."

Humérus dévié et rapport à la douleur "faussé"

Le pilote Honda pourra de toute façon difficilement se cacher. Sa dernière tentative n'avait fait qu'aggraver une reconstruction inachevée autour de l'os opéré, déviant son humérus de 33%. À ce stade, la blessure n'est plus seulement pénalisante, mais insupportable. "Quand tu t'habitues à te mettre un petit coup de marteau sur un doigt, le premier jour il est douloureux, mais il le sera moins à la fin de la semaine, image Régis Laconi. Tu habitues ton cerveau à la douleur, aujourd'hui je ne me fais plus anesthésier quand je vais chez le dentiste pour une carie ! Ce "capteur" douleur est faussé par rapport à la réalité."

La limite entre le bilan médical et la volonté du pilote, qui peut passer outre une contre-indication se fait alors de plus en plus ténue. Ce que déplore Pierre Ortega : "L'adrénaline permet aux pilotes moto de mettre la douleur de côté et de mettre en place des mécaniques de compensation, en trichant un peu sur la position du corps, en appuyant un peu plus d'un côté de la moto, en compensant entre les bras et les jambes… On a un peu trop tendance à le mettre en avant et à dire que c'est formidable, ce dont je doute. Le cas Marquez n'est pas le seul exemple, il y a une sorte d'escalade. C'est 'the show must go on' et on ne peut que le déplorer." Reste à espérer pour Marc Marquez que le spectacle ne vire pas à la tournée d'adieu à son sport.

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