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Schumacher, le crépuscule de l'Aigle

Michael Schumacher dispute très probablement sa dernière saison de Formule 1. A 42 ans, le septuple champion du monde allemand va tenter de coiffer une nouvelle couronne en novembre prochain. Un défi à la mesure d'un pilote hors norme et controversé. Un homme avec son talent et ses faiblesses.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Michel Schumacher

Quelle est réellement la place de Michael Schumacher dans l'histoire de son sport ? Au-delà des chiffres bruts qui le classent au premier rang dans quasiment toutes les catégories, le rang qu'occupe le pilote Mercedes doit se juger à l'aune du talent, du charisme, du fair play, de la classe et de l'influence dont a fait montre la star des paddocks depuis deux décennies. Sept fois champion du monde entre 1994 et 2004, vainqueur de 91 courses et auteur de 68 pole-positions (entre autres), Michael Schumacher est bien évidemment le numéro 1 pour ce qui est des records de la Formule 1, la catégorie reine du sport auto.

Après avoir débuté chez Jordan puis rapidement maté son coéquipier de chez Bennetton, le vieillissant Nelson Piquet au tout début des années 90, celui que l'on surnommait alors "Spoon Face" a pris un véritable essor au mitan des années 90 lorsqu'il enleva ses deux premiers titres. Ce fût ensuite le grand défi Ferrari qu'il releva de main de maître même s'il dû attendre l'an 2000, un sévère accident le privant de la possibilité de conclure dès 1999 face à son rival d'alors, Mika Hakkinen. Le Finlandais fût, avant Fernando Alonso, le véritable rival durant ses années de gloire, les autres se contentant le plus souvent de subir le joug de Ferrari et la domination du Baron rouge (5 sacres consécutifs de 2000 à 2004). 

Coéquipiers sur mesure

C'est de là que vient d'ailleurs le premier bémol mis sur les performances exceptionnelles de "Schumi": le manque de concurrence, interne et externe. D'abord au sein de la Scuderia. Jamais Michael Schumacher n'a eu de coéquipier à sa mesure lors de ses grandes années (Irvine, Barrichello et Massa ont subi sa loi sans pouvoir le menacer, comme d'autres auparavant dans l'équipe de Briatore (Riccardo Patrese, Johnny Herbert). Ensuite, contrairement à la bande des quatre des années 80 (Nelson Piquet, Alain Prost, Nigel Mansell, Ayrton Senna) ou à l'époque actuelle où les prétendants au titre sont légions, l'enfant de Kerpen n'a pas eu de très grands champions à affronter.

Quand il est arrivé, Alain Prost vivait ses dernières heures de gloire alors qu'Ayrton Senna allait perdre la vie à Imola le 1er mai 1994 c'est-à-dire avant que l'Allemand ne gagne son premier championnat du monde. Si on ne peut lui reproché cela, force est de constater que les suivants n'ont pas été à la hauteur (hormis Hakkinen). Malgré un titre en 1997, Jacques Villeneuve n'a pas convaincu après avoir suscité beaucoup d'espoir. Damon Hill n'avait pas le coup de volant de "Schumi" et Juan Pablo Montoya était trop irrégulier pour inquiéter le maestro sur la durée. Seul Kimi Raikkonen aurait pu prétendre décrocher la timbale en 2003 mais Schumacher rafla la mise lors de l'ultime Grand Prix. Et Alonso n'arriva qu'à la fin de la première carrière du Baron rouge pour le priver d'une huitième couronne en 2006. 

Trop lisse

Autre écueil à relever dans le long parcours effectué par l'aîné des Schumacher: le manque de fair play. Ayant très souvent été –à juste titre- désigné pilote numéro 1 dans son écurie, le bougre a profité de quelques "cadeaux" tant techniques que stratégiques (surtout à l'époque Ferrari où Jean Todt obligeait Barrichello à rester clairement dans l'ombre de son leader). Il y a aussi les "coups fourrés" dont a usé le septuple champion du monde –comme bloquer le passage lors d'un tour décisif de qualifs ou pousser dans le décor ses rivaux les plus dangereux, Hill et Schumacher en ayant fait l'expérience.

Enfin, si personne n'a douté du talent de Michael Schumacher, il convient de noter que son charisme le situe très loin de personnages hauts en couleur de l'histoire de la F1: Juan Manuel Fangio, Jim Clark, Niki Lauda ou Ayrton Senna pour ne citer qu'eux alliaient des qualités d'adresse et de vitesse fantastiques à un charisme très fort. Schumacher, sorte de monstre froid aux déclarations sans aspérités, n'a jamais déclenché de vagues d'amour sur sa personne. Il impose le respect certes, mais il ne passionne guère que les Allemands et les fans de Ferrari, écurie mythique dont il a redoré le blason.

Cela fait de Michael Schumacher l'un des 10 meilleurs pilotes de l'histoire sans problème, sûrement l'un des 5-6 qui ont marqué au fer –rouge- la fabuleuse aventure de son sport. Mais pour entrer au Panthéon, pour s'inscrire dans la légende comme Fangio, Clark ou Senna, il y a un pas que "Schumi" n'a jamais pu franchir. Car il ne suffit pas d'être admiré mais aimé. Passionnément. A la folie. Pour Schumacher, il est trop tard. Etre champion du monde une huitième fois ne changerait rien à l'affaire.

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