Lutte antidopage : Kevin Mayer veut "mettre la pression sur les dopés"
Pourquoi avoir choisi de rejoindre ce programme ?
Kevin Mayer : "Ce n'était même pas un choix, mais une évidence quand j'ai appris l'existence de ce programme. Peu importe ce que mes proches m'auraient dit, j'aurais tout de suite signé. Je mets de grands espoirs dans ce programme, qui deviendra j'espère petit à petit universel. J'espère que ça va changer l'image que l'on se fait des grandes performances."
Expliquez-nous comment va se mettre en place ce programme vis-à-vis de vous ?
KM : "Concrètement, mon but c'est d'avoir le plus de transparence possible. Donc je vais dire tout ce que je prends en termes de compléments alimentaires, de médicaments. Tous mes contrôles antidopage seront notés sur la plateforme. Mon passeport biologique sera mis au grand jour et tout le monde pourra y accéder. C'est notamment là qu'on voit des anomalies quand il y a du dopage."
Est ce que l'affaire Calvin a été un élément déclencheur ou accélérateur de votre entrée dans le programme ?
KM : "Ca a été accélérateur car j'y pensais déjà beaucoup avant. Depuis que j'ai battu le record du monde, le dernier en date dans l’athlétisme, j'avais quand même quelques critiques de beaux parleurs qui disaient que j'étais dopé, et que sans ça je ne pouvais pas faire ça. Je me suis dit : 'comment faire en sorte de légitimer mon record du monde ?' Ça a été servi sur un plateau après l'affaire Calvin quand on m'a proposé ça. Ça me paraît évident de rester clean pour qu'il n'y ait plus de critiques la dessus, car c'est dévalorisant quand tu fais les choses de manière propre. C'est cette méthode qui va mettre la pression aux dopés, qui va rassurer les non-dopés. J'y crois vraiment beaucoup."
C'est un pas de plus pour vous, sportif de haut niveau et recordman du monde, dans la lutte antidopage ?
KM : "C'est même un pas de géant parce que les contrôles antidopage, à partir du moment où le public n'a pas accès au suivi biologique, ce n'est pas très efficace. Parce qu'on est obligé de choper l'athlète sur le fait, dans les heures qui suivent la prise de produits. C'est très difficile. Même si on ne dira pas officiellement qu'un athlète est dopé, on dira que lui c'est suspicieux, lui c’est clean."
Vous êtes neuf athlètes à être entrés dans le programme. C'est le moyen pour mettre la pression sur les autres sportifs pour l'intégrer ?
KM : " Je pense que ce programme va prendre de la place et que ça va être mal vu de ne pas s'y être mis. Je pense que ça va mettre énormément de pression sur ceux qui sont dopés, et un peu moins à ceux qui ne le sont pas mais qui ne font pas partie du programme. Pour moi, les institutions vont devoir s'en servir. Il va falloir valider ce projet et s'engager avec. Je parle notamment des fédérations, de l'État, de l'IAAF. Toutes les organisations qui ne sont pas privées, devraient s'en servir pour rendre le sport plus propre et plus beau. Pour le moment, le programme est privé et à but non lucratif. Avant tout ce n'est pas de la lutte antidopage, mais un suivi de santé."
Vous sentez vous porte-parole du monde du haut niveau dans la lutte antidopage ?
KM : "Complètement. Plus je fais des résultats, et plus ma parole peut porter loin. Je sens qu'aujourd'hui, je suis écouté. J'ai énormément de choses en tête pour essayer d'aider notre société, dans le monde du sport et pas que."
Qu'espérez-vous pour la suite du programme, par rapport aux autres athlètes et à la lutte contre le dopage ?
KM : "Clairement, sur la lutte antidopage, je ne suis pas optimiste à 100%. Je sais très bien qu'il y aura toujours des dopés. Mais je veux qu'ils aient la pression, qu'ils se sentent mal. Je ne sais même pas comment ils font pour vivre dopés, en trichant. Je veux que les athlètes non dopés qui travaillent, se sentent bien. Travailler sans se dire 'putain, lui il va dire que je suis dopé car j’ai fait un résultat qui semble impossible'. C'est pour moi l'avancée qui doit arriver dans le sport. J'y crois vraiment."
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