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Tokyo 2020 : Pour Christophe Lemaitre, "très peu d'athlètes arriveront à se qualifier pour les Jeux dans ces conditions"

Alors que le Comité International Olympique (CIO) n’a toujours pas statué sur le maintien des Jeux olympiques de Tokyo, les réactions des athlètes se succèdent. Ils sont nombreux à dénoncer un manque d’équité sportive et à se positionner en faveur d’un report. Obligé de s’adapter aux mesures de confinement prises ce mardi, Christophe Lemaitre est bloqué. S’il comprend que le CIO attende avant de trancher, le sprinteur français se montre pessimiste quant à l’évolution de la situation sanitaire. Le spécialiste des épreuves de sprint espère un report des Jeux ainsi qu’un réajustement du système de qualification.
Article rédigé par Emilien Diaz
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
  (STEPHANE KEMPINAIRE / STEPHANE KEMPINAIRE)

Le président du CIO Thomas Bach a demandé aux athlètes de poursuivre leur préparation comme ils le pouvaient. Avec les mesures de confinement total prises ce mardi, comment allez-vous faire pour vous entraîner ? 
Christophe Lemaitre : "Je suis obligé de m’adapter à la situation. La salle de musculation et la piste d’athlétisme où je me rends quotidiennement, sont fermées. On est en train de voir si la piste en herbe de l’hippodrome peut être utilisée ou non mais c’est compliqué. Tout ce que je peux faire c’est improviser une salle de musculation à la maison pour m’entretenir physiquement, ou alors faire des entraînements en nature, seul, ce qui me permet de respecter les consignes de confinement. Je n’ai pas d’autre solution pour le moment". 

Plusieurs athlètes français comme Kevin Mayer ou Rénelle Lamotte ont dénoncé un manque d’équité et se sont déjà positionnés en faveur d’un report des JO. Comment jugez-vous la situation actuelle et la volonté du CIO d’attendre avant de se prononcer ?
C.L : "C’est une situation très compliquée. On ne peut pas s’entraîner comme on le voudrait alors que dans d’autres pays, les athlètes sont en capacité de se préparer normalement. Le confinement peut durer deux semaines, un mois ou plus. Personne n’est en mesure de le dire et en attendant, les athlètes européens vont s’entraîner au ralenti. Donc un report des Jeux ne serait, selon moi, pas illogique. Ce serait même normal. Je comprends que le CIO attende un peu car les instances veulent certainement voir comment la situation évolue. Mais j’émets un gros doute sur le fait que l’on puisse sortir de cette situation rapidement. A partir de ce moment là, il faudra décaler les Jeux et revoir les modalités de qualification". 

Justement plusieurs possibilités ont été évoquées pour les qualifications. Des minimas ont été instaurés mais le CIO réfléchirait à l’instauration d’un ranking list (classement mondial) pour déterminer les athlètes qualifiés. Cela vous semble envisageable ?
C.L : "C’est plausible mais ça peut être un vrai problème. La fédération française a instauré des minimas très élevés, notamment en sprint, où il faut faire 20’’00 sur le 200m et moins de 10 secondes au 100m. C’est du très haut niveau mondial et il faut forcément s’entraîner dur pour arriver à de telles performances. A l’heure actuelle ce n’est pas possible. Donc je crois que la FFA devrait réajuster ces minimas et que le CIO devrait réfléchir à de nouvelles modalités de sélection pour se qualifier. Si la situation actuelle persiste, il faut être conscient que très peu d’athlètes seront en mesure d’arriver aux temps demandés par la fédération. Il va falloir prendre en compte tout cela". 

Cela serait d’autant plus pénalisant pour des athlètes qui, comme vous, n’ont pas participé aux Mondiaux de Doha et ont eu une saison 2019 difficile …
C.L : "Oui car si l’on ne s’entraîne pas, on ne sera pas performant en meeting. Donc ça va être forcément difficile de grimper au 'ranking list'. Pour marquer des points,  il faut participer aux grands championnats mais encore faut-il que ces derniers aient lieu et que les organisateurs veuillent de nous. J’ai vu que certains meetings de Diamond League, notamment celui de Shanghai, allaient peut-être être supprimés, donc je ne vois pas comment on va faire. Et pour des athlètes qui sont passés au travers la saison dernière, ce ne serait pas juste. Ils n’auront pas la possibilité de se refaire la cerise et de rectifier le tir avec seulement quelques courses. Personnellement, je me suis entraîné très très dur depuis le début de saison avec l’objectif d’être prêt au printemps. Si tout ce que j’ai fait ne sert à rien, et qu’ils se basent sur les résultats de l’an dernier, j’aurais fait tout ça pour rien. Je ne pourrais pas montrer que j’ai ma place aux Jeux". 

Selon vous il faut donc d’abord revoir le mode de qualification avant d’envisager un report des Jeux Olympiques ? 
C.L : "Les deux sont envisageables. Imaginons que l’on ne puisse pas s’entraîner pendant un mois ou plus, il faudra forcément s’adapter. Donc pour moi les deux options sont faisables. Je me répète mais depuis que je suis athlète, je n’ai jamais vu des minimas aussi élevés pour un championnat. Alors si la situation sanitaire ne s’améliore pas, on va se retrouver avec très peu d’athlètes en équipe de France. Je pense au 200m, sur lequel je me focalise mais aussi au relais. Pour l’instant tout le monde essaie de se préparer comme il le peut dans son coin. Mais il faut aussi que l’on puisse s’entraîner ensemble. Je ne vois pas comment le 4x100 français pourra être performant dans de telles conditions. Tout cela va dépendre de l’évolution de la situation". 

Comment allez-vous faire à très court terme, en attendant l’évolution de la situation et d’éventuelles prises de décision du Comité international olympique ?
C.L : "Pour l’instant je reste chez moi. Je m’entraîne dans la salle de musculation que j’ai aménagée pour entretenir le physique et je vais en extérieur en attendant de voir si l’hippodrome peut ouvrir. Mais je ne pourrai pas faire que de la course de cote. Il va falloir que je trouve le moyen de faire des sprints purs, et aussi des sprints longs pour le 200m. Mon coach pourra peut-être m’accompagner car cela s’inscrit dans un cadre professionnel mais c’est encore le flou. Nous n’avons pas les réponses aux questions que l’on se pose et la situation n’est vraiment pas évidente". 

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