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Zürich: La "piste magique" du Stadion Letzigrund

Elle a vu vingt-cinq records du monde tomber et attire chaque année les meilleurs athlètes mondiaux lors du Weltklasse Zürich, le meeting annuel inscrit au programme de la Diamond League. Elle, c’est la piste du stade Letzigrund sur laquelle se disputeront les Championnats d’Europe. Le "Letzi", la Mecque de l'athlétisme.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Le stade Letzigrund de Zürich vu du ciel (UEFA)

Chaque été, fin août, début septembre, le gotha de l’athlétisme mondial se donne rendez-vous au Weltklasse, le meeting de Zürich. Le stade Letzigrund se transforme alors en piste aux étoiles pour ces  "Championnats du monde ou jeux Olympiques d’un soir". "C’était l’un des meetings les plus gros et les plus plaisants à courir, parce que le niveau y est toujours relevé, l’ambiance extraordinaire, témoigne Stéphane Diagana, consultant pour France Télévisions. Et si ce n’est pas celui que vous préférez, il est forcément dans votre Top 3. Surtout que c’est l’un des plus jolis sites dans lesquels les athlètes se produisent". Rénové en 2007, le Letzi n’en est que plus splendide avec ses trente-un mâts lumineux et son tartan rouge vif. Mais il n’a pas attendu cette deuxième vie pour devenir la Mecque de l’athlétisme planétaire. 

Nichée au cœur de la ville depuis 1925, l’enceinte zürichoise gagne ses lettres de noblesse dans les années 1960. Alors que les chronomètres sont encore manuels, le sprinteur allemand Armin Hary ouvre la décennie en devenant le premier homme à courir le 100 m en 10 secondes. Il n’en faut pas plus pour que le tartan helvète ne gagne son surnom de "piste magique". Un sobriquet éprouvé au cours des années suivantes, tant les barrières mythiques tombent au numéro 500 de la Badenerstrasse. En 1975, le disque de la Soviétique Faïna Melnik se pose au delà de la ligne inviolée des 70 mètres sur le sol helvète (70,20 m). Six ans plus tard, c’est au tour du hurdler américain Nehémia de faire sauter un plafond de verre sur 110 m haies en 12’’93. Dans la foulée, la BBC interrompt son journal pour diffuser le Mile record du Britannique Sebastian Coe (3’48’’53).

La nuit magique du 13 août 1997

En 1988, le pays de l’Oncle Sam reprend le flambeau. En 43’’29, Reynolds fait voler en éclats la meilleure perf de l’histoire établie par Evans vingt ans plus tôt sur 400 m (43’’86). Au début des années 1990, une nouvelle ère s’ouvre sur la piste du Letzi. Le sprint laisse place aux courses de fond et demi-fond, sous l’impulsion du Kényan Moses Kiptanui. En 1992, il met fin au règne de l’ancien record du monde du 3.000 m steeple (8’02’’08). Trois ans après, ses pointes stoppent le chrono sous les huit minutes dans son jardin zurichois (7’59’’18). C’est historique, le Letzigrund est magique ! "Il y a une histoire avec tous les records du monde battus sur cette piste (25 depuis 1959), éclaire Diagana. Et l’atmosphère est agréable, avec un des publics les plus connaisseurs du monde. Les spectateurs ont une culture de l’athlétisme. Le Weltklasse est un évènement sportif majeur auquel on va en famille".

La soirée légendaire du 13 août 1997 ne saurait mieux illustrer les propos de l’ancien champion d’Europe et du monde français du 400 m haies. En battant le record du monde juniors lors du 1.500 mètres série B, le Kenyan Ngeny donne le ton (3'34''54) et chauffe la foule. Entrent alors les cadors de la distance. A 300 mètres de l’arrivée, El Guerrouj s’échappe. Récent champion du monde, le Marocain semble promis à la victoire. Mais le Portugais Cacho et le Burundais Niyongabo se lancent à sa poursuite. Le Maghrébin résiste et coupe la ligne devant l’Européen et l’Africain. Au terme d’une course folle, les trois hommes terminent sous les 3’30. Du jamais vu. Les vivas de la foule montent dans le ciel d’un Letzigrund qui n’en est qu’aux prémisses de son extase. Sous une douce température d’été, l’excitation n’est pas encore retombée que le chouchou Kiptanui fait son apparition sur la piste. Dans son sillage, le 3.000 m steeple s’emballe et son chrono référence vacille. A la cloche, le maître des lieux ne peut rien pour contrer l’accélération foudroyante de son compatriote Wilson Boit Kipketer. Les cris de la foule le porte jusqu’à la ligne pour une marque record (7'59''08).

Le Letzigrund nouveau a perdu de sa magie

Boosté par la performance de son homonyme, le Danois Kipketer enflamme le double tour de piste qui vient juste derrière. Seul sur le dernier 200 mètres après avoir suivi son lièvre supersonique, il vainc le chrono grâce aux encouragements de spectateurs ébahis. Après avoir égalé la marque planétaire de Sebastian Coe plus tôt dans l’été, il la rend obsolète en 1’41’’24 ! Pour clôturer ce meeting fou, les coureurs du 5.000 m se mettent au diapason de leurs prédécesseurs. Le Kényan Komen et l’Ethiopien Gebresselassie se livrent un combat homérique. Aux 4.000, les deux hommes ont trois secondes d’avance sur le record du monde. Le public n’en croit pas ses yeux et acclame les deux champions. A 300 mètres de l’arrivée, Gebresselassie dépose son adversaire et vole sur la piste. Le chrono affiche WR et 12'41''86. Une clameur étourdissante secoue les tribunes de Zürich.

Depuis, ces dernières ont eu peu d’occasions de revivre pareilles émotions. Comme un symbole de la magie des lieux, le Jamaïcain Asafa Powell y a égalé la ligne droite la plus rapide de l’histoire de l’athlétisme (9’’77), lors du dernier Weltklasse en 2006, avant que le Letzi ne soit reconstruit. La "piste magique" disparue sous les coups de bulldozers, celle qui la remplace peine à tenir la comparaison. Seule Isinbaeva et ses 5,06 mètres à la perche en 2009 ont trôné au top des bilans historiques mondiaux avec la marque Zürich à côté. Bien maigre pour un lieu sacré de l'athlé.

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