Le triomphe amer de Renaud Lavillenie
La saison en salle de Renaud Lavillenie s'est terminée comme elle avait débuté. Par une victoire. Et une médaille d'or au championnat d'Europe, à Göteborg. La troisième de rang dans cette compétition égalant ainsi l'ancien perchiste français, Thierry Vigneron (auteur du triplé dans les années 80). C'est aussi sa 8e victoire en autant de concours depuis le début de l'hiver. En Suède, il arrivait avec la pancarte de super favori. Un statut qu'il a assumé. Brillamment même franchissant toutes ses barres dès le premier essai (5,61m, 5,76m, 5,86m, 5,91m) avant celle à 6,01, elle aussi effacée. Tranquille. Cette barre des 6m, symbolique, qu'il franchissait pour la première fois depuis deux ans, clôturait un "énorme concours".
"J'étais loin d'imaginer que je serai aussi fort que ça", avouait-il en zone mixte. Ce beau tableau qui aurait pu se transformer en chef d'œuvre quand au bout de la piste il s'est présenté pour son ultime essai à 6,07m. Une barre qui faisait de lui, le deuxième homme le plus haut de l'histoire derrière Sergeï Bubka. La course d'élan et l'envol sont parfaits, la chute triomphale. Il l'a franchi. Mais la désillusion allait être aussi forte que l'exultation.
Des règles "stupides"
Le drapeau rouge brandit par les juges invalidait ce saut. Un exploit annulé pour une règle : la barre qui retombe sur les taquets au lieu de bien se reposer à plat. Durant de longues minutes, Lavillenie a pleuré toutes les larmes de son corps. La tristesse a remplacé la joie. "Ca aurait pu être un jour extraordinaire mais je reste sur un sentiment d'inachevé. Je suis officieusement le 2e homme le plus haut de l'histoire, comme me l'a dit Philippe (D'Encausse son entraîneur). Je sais que je l'ai passée, j'ai des vidéos qui le montrent aussi. Mais c'est comme ça, il y a des règles qui sont stupides. Je ne mâche pas mes mots, tout le monde est conscient de ça", enrageait-il en zone mixte.
Un coup de gueule contre le règlement qui selon lui met "des bâtons dans les roues" des perchistes. Dominer ses adversaires s'est avéré plus facile que de dompter un règlement qui handicape la performance. "On n'est pas dans les mêmes conditions qu'il y a 20 ans quand il y avait le record du monde (de Bubka). Ca fout vraiment les boules. Je n'aurais eu aucun problème il y a 20 ans et j'aurais peut-être pu aller plus haut", songeait-il.
Dans les traces de Bubka
Son triomphe à Göteborg lui permet toutefois de continuer son sans-faute qui dure depuis près d'un an. Champion du monde en salle à Istanbul en mars 2012, champion d'Europe à Helsinki en juillet, champion olympique à Londres et désormais champion d'Europe en salle à Göteborg, il collectionne l'or. "Il me manque juste le titre mondial", précise-t-il. S'il continue sur cette voie là, en ne laissant que des miettes à ses adversaires, il n'aura plus qu'à le cueillir cet été à Moscou.
Une telle domination renvoie forcément à celle exercée par Sergei Bubka au cœur des années 90. Un constat qu'il fait également. "Depuis l'ère Bubka, pas d'autre perchiste n'a dominé la discipline comme moi en ce moment", admet-il. Des performances qui valident son choix de changer d'entraîneur (Philippe D'Encausse a remplacé Damien Inocencio fin septembre 2012) après l'or olympique. "J'ai beaucoup progressé dans la performance sportive pure grâce à Philippe", soulignait le Clermontois, qui "réalise la plus grosse saison de (sa) carrière". Ce dimanche il a terminé son 51e concours à 5,80 et plus. Beaucoup plus. En espérant que les larmes amères de l'hiver fassent place à un autre été triomphal.
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