1984, Lendl et son final renversant
Une opposition de style totale (le service-volée tout en finesse de John McEnroe contre le jeu de fond de court solide et puissant d'Ivan Lendl), des caractères antagonistes (les célèbres colères de Big Mac contre la froide détermination d'Ivan le Terrible) et une antipathie prononcée entre les deux meilleurs joueurs du monde à l'époque. Simplement, si l'Américain, numéro 1 mondial depuis la retraite de Bjorn Borg, quintuple vainqueur en Grand Chelem (US Open 1979, 80, 81 et Wimbledon 1981 et 83) et magicien des courts, domine la scène tennistique, son dauphin tchécoslovaque est raillé pour son côté « looser ». Un terme qu'il convient de relativiser car Lendl truste les titres du circuit, mais force est de constater qu'il ne possède encore aucun Grand Chelem à son prometteur palmarès. Surtout, s'étant fait battre par Borg à Roland (en 1981) et par Connors à Flushing Meadow (1982-83), le grand Ivan s'est vu attribuer par le « méchant » Jimmy le peu glorieux sobriquet de « Chicken » (poule mouillée).
McEnroe sur une autre planète
Cette finale s'apparente pour lui à un compte à régler, à une mise aux points. Lendl sait pertinemment que la critique (journalistes et joueurs chez qui il est loin de faire l'unanimité) ne l'épargnera pas en cas de nouvel échec dans une grande finale. Alors, cette confrontation avec McEnroe, il va carrément refuser de la perdre. Après avoir explosé Anders Jarryd en huitièmes 6-4 6-0 6-4, dominé Andres Gomez 6-3 6-4 6-7 6-3 en quarts puis mater Mats Wilander (favori du tournoi) en demi-finale 6-3 6-3 7-5, le Tchèque aborde en totale confiance ce test grandeur nature contre la tête de série numéro 1. Mais John McEnroe ne le laisse pas respirer. D'emblée, le génie américain distille volée longues ou amorties avec une facilité déconcertante. Lendl est médusé, pantois. Sa cuirasse de façade se fissure. L'enfant terrible du tennis semble, lui, sur une autre planète : il mène un set zéro puis rapidement deux manches à rien 6-3 6-2. McEnroe mène même 3 jeux à 1 dans ce que tous les spectateurs du Central croient être le dernier set, ultime broutille avant la consécration d'un immense attaquant.
Lendl se rebiffe
Mais le tennis est ainsi fait que le vainqueur d'une rencontre doit terminer le travail, inscrire les derniers points. Et ça, l'Américain ne parviendra jamais à le faire. Lendl se rebiffe, frappe de plus en plus fort, commet moins de fautes directes. Il refait son handicap et prend une seconde fois l'engagement adverse pour conclure 6-4 le troisième set. Le moral de McEnroe se lézarde à mesure que son tennis devient prévisible. Lendl fait jouer McEnroe qui s'essouffle progressivement. Le Tchèque sait que le temps joue en sa faveur, que la terre battue va de plus en plus se dérober sous les pieds de l'irascible Yankee. Après avoir égalisé à 2 sets partout (7-5), Lendl accentue la pression sur Big Mac qui semble désemparé. Le bourreau est devenu victime. En face, l'obstacle paraît dorénavant insurmontable. A 6-5, après plus de trois heures d'une bataille aussi belle que féroce, une dernière volée de McEnroe s'écrase dans le couloir pour quelques centimètres.
Lendl tient sa revanche. Le public est debout, heureux de voir le vilain garnement mordre enfin la poussière. En demi-finale, McEnroe s'était une nouvelle fois attiré les foudres des spectateurs en contestant de nombreuses décisions de l'arbitre de sa rencontre passionnée avec son grand rival, Jimmy Connors. Excédé par les frasques de son compatriote, Jimbo s'était approché du filet, assénant cette fameuse diatribe : « J'en ai marre que tu te comportes comme mon fils ! ». Il était écrit que ce Roland-Garros 1984 ne pouvait pas tomber dans l'escarcelle d'un odieux garçon.
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