Roland-Garros 2024 : Jannik Sinner, un "gentleman" devenu le nouveau patron du tennis mondial
En 2020, du haut de ses 18 ans, Jannik Sinner disputait son premier quart de finale de Grand Chelem, à Roland-Garros. Quatre ans après ce premier coup d'éclat, l'Italien s'avance vers sa première demi-finale porte d'Auteuil (vendredi, face à Stefanos Tsistsipas ou Carlos Alcaraz), quelques mois après avoir remporté l'Open d'Australie, son premier Grand Chelem. Un début de saison qui lui assure de devenir le nouveau numéro un mondial dès lundi.
A 22 ans, l'Italien enfile donc le costume de nouveau patron du tennis mondial, avant même de savoir s'il soulèvera la coupe des Mousquetaires dimanche. Premier Italien numéro un mondial de l'histoire, après avoir ramené la Coupe Davis dans la Botte pour la première fois en quarante-cinq ans et premier Transalpin sacré à l'Open d'Australie en début de saison, le natif des Dolomites est déjà au sommet, après une ascension fulgurante.
Une enfance skis aux pieds
Jannik Sinner aurait pourtant très bien pu ne jamais prendre une raquette en main. Chez lui, c'est plutôt aux pieds qu'on les attache, puisque le futur numéro un mondial est un enfant du Trentin-Tyrol du Sud, une région montagneuse frontalière de l'Autriche, où l'on parle l'allemand. Ce qui explique d'ailleurs la sonorité plus germanique qu'italienne de son patronyme, à l'image de nombre de skieurs italiens.
Une Squadra Azzurra du ski que Jannik Sinner aurait pu rejoindre dans une autre vie, lui qui a été champion national de slalom géant en 2008 puis vice-champion en 2012, dans sa catégorie d'âge. "J’étais meilleur au ski qu’en tennis, mais je n’ai pas de regrets, du moins pas encore, déclarait-il en 2020, à Roland-Garros. Ce sont deux sports qui n’ont rien à voir. Mais peut-être que grâce au ski, j’ai un jeu de jambes un peu plus solide et que ça m’aide sur l’équilibre et les glissades". Un atout effectivement de taille sur la terre battue parisienne.
A 13 ans, au moment de trancher entre neige et petite balle jaune, Jannik Sinner tire un trait sur les remontées mécaniques et privilégie les montées au filet. Le voilà membre de l'académie de tennis de Riccardo Piatti – qui a notamment entraîné Novak Djokovic et Richard Gasquet – à Bordighera, près de la frontière française : le début de la folle ascension. Cinq ans plus tard, il est quart de finaliste à Roland-Garros, mais bute sur le roi de la porte d'Auteuil, Rafael Nadal.
Ce début de carrière en fanfare en fait la tête d'affiche de la nouvelle vague italienne. Mais Jannik Sinner peine à confirmer, malgré des résultats honorables en 2021 et 2022. Il faut attendre 2023 pour voir l'ancien skieur prendre son envol. En fin d'année, il brille notamment lors du Masters en battant, lors des poules, Novak Djokovic, avant de perdre face à lui en finale. Quelques jours plus tard, Jannik Sinner remporte la Coupe Davis avec l'Italie, la première depuis 1976. Au passage, il domine encore Djokovic lors de la demi-finale contre la Serbie.
Presque trop sage
Quelques semaines plus tard, début 2024, l'Italien triomphe à l'Open d'Australie, confirmant sa progression éclair. "Ce n’est peut-être pas celui qu’on attendait le plus il y a un an et demi, il progressait doucement, analyse notre consultant Arnaud Clément, ancien n°10 mondial. Mais il a fait des progrès spectaculaires dans beaucoup de domaines : au service, dans sa régularité, mais aussi physiquement et dans son jeu défensif."
“C’était un très bon attaquant, mais un défenseur moyen. Aujourd’hui, c’est un très bon défenseur. Il a aussi progressé sur son jeu au filet. Il fait partie des quelques joueurs qui n'ont plus de point faible."
Arnaud Clémentà franceinfo: sport
Ces progrès n'ont rien d'étonnant lorsque l'on se penche sur la personnalité du futur numéro un mondial. Réputé humble et travailleur, presque trop sage, le discret Jannik Sinner n'en est pas moins un joueur franc du collier, malgré son refus de la starification. "Il a une personnalité intéressante, il est plus calme et réservé, mais quand même charismatique. Il dégage quelque chose sur le terrain, c’est un peu le gentleman du circuit actuel, riche en personnalités hautes en couleur", dépeint Arnaud Clément.
Son début de match raté face à Corentin Moutet l'a d'ailleurs prouvé : Jannik Sinner, 22 ans à peine, a déjà tout d'un vieux briscard du circuit. "Il est déjà expérimenté et sait gérer. Il sait que la route est longue malgré un mauvais départ. Il a déjà l’expérience pour laisser passer l’orage, appuie Arnaud Clément. Mais il est loin d'être plat ! Sur le court, il s'exprime. On le voit serrer le poing. Après, c'est sûr qu'il est moins sanguin qu'Holger Rune ou Carlos Alcaraz."
A y regarder de plus près, ce côté réfléchi explique aussi la progression fulgurante de ce stakhanoviste, selon Arnaud Clément : "Il est calme, posé, réfléchi, travailleur, élégant en dehors du court. Il a réfléchi autour de son tennis et aujourd'hui, cela porte ses fruits".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.