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Roland-Garros 2023 : "Certains supporters considèrent les athlètes comme une propriété nationale", regrette Daria Abramowicz, la coach mental d'Iga Swiatek

La psychologue polonaise suit sa compatriote sur le circuit mondial depuis 2019.
Article rédigé par Emmanuel Rupied, franceinfo: sport - à Roland-Garros
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La psychologue et coach mental d'Iga Swiatek, Daria Abramovicz. (FOTO OLIMPIK / NURPHOTO / AFP)

Elle est l'oreille principale d'Iga Swiatek. A ses côtés, la joueuse de 21 ans a remporté deux Roland-Garros, un US Open et est devenue numéro un mondiale. Daria Abramowicz est la psychologue de la Polonaise depuis 2019 et suit sa compatriote partout dans le monde.

Partie intégrante du staff de Swiatek, l'ancienne navigatrice a médiatisé très tôt la question de la santé mentale dans le sport de haut niveau tout comme sa protégée, afin de faire évoluer les recherches à ce sujet. Franceinfo: sport est allé à sa rencontre porte d'Auteuil, peu avant le premier tour remporté par la tenante du titre face à l'Espagnole Cristina Bucsa, afin d'évoquer avec elle l'impact des réseaux sociaux sur les athlètes.

Franceinfo: sport. Comment Iga Swiatek gère ses réseaux sociaux ?

Daria Abramowicz. Iga gère ses réseaux sociaux elle-même. De temps en temps, elle est aidée par un community manager qui l'aide avec les commentaires haineux pour mieux les filtrer.

Quel impact ont-ils dans votre travail avec elle ?

Je ne dirais pas que les réseaux sociaux font partie de mon travail à plein temps, mais ils l'influencent certainement. Spécialement au tennis car ils sont essentiels notamment avec les marques. Ils sont aussi importants pour créer des relations avec les fans. Ce que j'ai observé avec Iga, mais aussi dans d'autres sports [Abramowicz a travaillé avec l'équipe nationale polonaise de cyclisme], c'est qu'ils étaient plus importants et qu'il fallait de plus en plus enseigner aux sportifs polonais comment utiliser les réseaux sociaux. 

"Le tennis est un bon sport pour parier mais il y a de plus en plus de commentaires haineux venant de gens qui signent par leur vrai nom désormais. Cela vient de fans déçus. Certains supporters qui considèrent l'athlète comme une propriété nationale et à qui ils demandent de performer d'une certaine manière."

Daria Abramowicz, psychologue et coach mental d'Iga Swiatek

à franceinfo: sport

Iga a-t-elle été affectée par des messages haineux sur les réseaux sociaux ?

Il y a des messages qui l'ont affectée, elle l'a évoqué en conférence de presse. Pour nous, malheureusement, les pires messages sont ceux disant qu'elle pouvait simuler une blessure. Certains pensent que les joueurs sont responsables et qu'il faudrait juste qu'elle fournisse une radio pour prouver ses dites blessures. Mais pourquoi devraient-ils se justifier de ça auprès des gens, alors qu'ils n'ont rien fait de mal ? 

>> Bodyguard, l'application au service des joueurs pour lutter contre le cyber-harcèlement

Ces messages ont-ils un impact sur la performance ?

Cela rajoute encore de la pression sur leurs épaules. Car il y a un sentiment de culpabilité qui peut se développer chez eux. C'est quelque chose de très fort chez les joueurs car ils ont commencé à jouer au tennis, au ski à faire du sport de haut niveau, et ils continuent aussi pour ces personnes qui les critiquent. Ils peuvent se dire : "Est-ce que je fais quelque chose de mal ? Je voulais juste leur apporter du plaisir, de la joie, des émotions à ces fans." La réponse est non. La réalité est différente. Et à la fin de la journée, les athlètes veulent changer la société, mais ils ne peuvent changer que leurs réponses. 

Daria Abramowicz aux côté de Tomasz Wiktorowski, Maciej Ryszczuk et Iga Swiatek après la victoire de cette dernière à Roland-Garros, le 4 juin 2022. (CORINNE DUBREUIL / FFT)

L'application Bodyguard peut-elle être une solution ?

Pour le moment, c'est difficile d'évaluer l'apport de cette application. Il faudra faire un bilan après le tournoi afin d'évaluer le nombre de personnes et de commentaires bloqués. On va voir si cette technologie marche réellement. J'espère vraiment que ce sera le cas, car c'est assez facile de l'utiliser. Ils n'ont pas à se poser la question de désactiver un firewall. Il fonctionne en arrière-plan et est silencieux. 

Ressentez-vous une prise de conscience à ce sujet ?

J'aimerais que les tournois et les institutions apportent plus d'outils et de technologie pour permettre de mieux naviguer sur les réseaux sociaux en toute sécurité. Mais je voudrais aussi que cela aille de pair avec un accompagnement pour les joueurs et leurs équipes afin de gérer ces situations et créer une espace sécurisé pour aider leur santé mentale. 

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