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Tokyo 2020 : près de 110 ans après le début de son aventure olympique, le Japon prêt à ouvrir une nouvelle ère

Alors que le Japon vient tout juste de célébrer le passage à la nouvelle année, sa capitale Tokyo s’apprête à accueillir le 24 juillet prochain les deuxièmes Jeux olympiques d’été de son histoire. Tout au long des 205 jours qui nous séparent de l’événement, la rédaction numérique de France tv sport va revenir sur l'historique des JO mais aussi mettre en lumière le pays hôte de cette 29e édition. En ce 1er janvier justement, place à l’histoire du Japon dans le mouvement olympique. Une histoire de près de 110 ans qui contient son lot de rebondissements. Mais aussi un nouveau chapitre, toujours plus technologique, qui s’apprête à s’ouvrir.
Article rédigé par Guillaume Gorgeu
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 10min
 

Nous voilà en 2020. Synonyme d’une nouvelle année olympique lors de laquelle Tokyo accueillera du 24 juillet au 9 août la 29e édition des Jeux olympiques d’été. Pour la quatrième fois de son histoire, le Japon est amené à organiser le plus grand événement sportif mondial. Pourtant, le pays du Soleil-Levant a connu des relations tumultueuses avec le mouvement olympique. Décryptage.

Une politique isolationniste qui a longtemps maintenu l’archipel en dehors du jeu

1896, Athènes. Les Jeux antiques ont trouvé leurs successeurs. Ce seront les Jeux olympiques, rebâtis sur le “domaine des dieux” grecs. 241 athlètes venus du monde entier affluent pour s’affronter dans des joutes - non plus guerrières mais sportives. Reste que deux continents sont mis à l’écart : l’Afrique et l’Asie.

À ce moment-là dans un lointain Empire de l’Est, le Japon est en pleine évolution mais reste à la marge du jeu diplomatique. Pour Eddy Dufourmont, historien spécialiste de l’archipel, “il ne faut pas oublier que 60 ans avant, le pays sortait d’une période d’isolement - dite du “sakoku” - et ne connaissait pratiquement rien du système international. L’arrivée des Américains et des Européens en 1853 a poussé le Japon à mettre en place des relations avec d’autres États”.

 

Il faut attendre 1911 pour que se nouent enfin les premiers contacts entre l’archipel et l’aventure olympique, validés par la création d’un comité national. Grâce à une alliance avec la Grande-Bretagne, le pays connaît un coup d’accélérateur. Un an plus tard, le voilà à bord du train des Jeux pour la première fois, à Stockholm (1912). Un embarquement qui n’aurait pas pu avoir lieu sans l’apport de Kano Jigoro, père fondateur du judo, entré en tant que membre du Comité international olympique (CIO) en 1909.

De la reconnaissance mondiale à la rupture

La première étape est passée. Reconnu mondialement, le Japon enclenche la deuxième : il entend désormais multiplier les échanges avec l’étranger et bâtir une économie solide. Après la Première Guerre mondiale, le niveau sportif des Japonais augmente progressivement. L’Empire obtient ses deux premières médailles (en argent) lors des JO d’Anvers en 1920 puis ses deux premiers titres à Amsterdam en 1928. Quatre ans plus tard à Los Angeles, il devient le 5e pays au classement des médailles devant la Grande Bretagne (8e) ou l’Allemagne (9e).

Galvanisé par cette reconnaissance planétaire, l’archipel nourrit même des ambitions territoriales. Au début des années 1930, une partie de l’armée japonaise envahit la Mandchourie. Un choix politique fort au moment où le pays est tiraillé entre ses envies de conquête et ses relations économiques instables avec les puissances occidentales. Malgré tout, Tokyo remporte l’organisation des Jeux de 1940.

Mais l’invasion de la Chine - accompagnée de massacres - va être de trop. Les autres nations pressent le CIO afin qu'il retire les Jeux au Japon.

"Participer aux JO serait continuer cette coopération avec les puissances blanches, colonisatrices"

Mais la pression ne vient pas que de l’extérieur. “Au Japon même, il y a un discours fascisant qui commence à se diffuser et qui va contre les JO, notamment au sein de l’armée, puisqu’elle considère que le pays doit concentrer tous ses efforts sur la guerre”, précise Eddy Dufourmont. “Et participer aux JO serait continuer cette coopération avec les puissances blanches, colonisatrices.

En 1938, l’archipel fait machine arrière et se retire de l’organisation. Helsinki récupère le flambeau mais l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale met entre parenthèses les réjouissances sportives. Les Jeux de la XIIe Olympiade sont annulés.

La démonstration des Jeux de 1964

Perdants de ce second conflit mondial, frappés par l’usage de deux bombes atomiques  - qui, bien plus qu’avoir ravagé deux villes, a laissé des traces indélébiles dans les esprits - les Japonais sont placés sous tutelle américaine jusqu’en 1952. Le retour à l’indépendance se fait progressivement. L’archipel récupère ses sièges à l’ONU puis au CIO. Et en 1964, l’opportunité arrive enfin. “L’obtention des Jeux de 1964 va avoir la même signification que les Jeux de 1988 pour la Corée du Sud ou ceux de 2008 pour la Chine. Cela va marquer le retour de l’archipel sur la scène mondiale.” Le Japon devient le premier pays du continent asiatique à recevoir le monde olympique.

Et quoi de mieux pour montrer cette capacité à se relever du passé qu’un symbole fort. Sakai Yoshinori, né le 6 août 1945 à Hiroshima, jour où la bombe atomique a frappé la ville, est le dernier porteur de la flamme olympique. L’athlète, qui n’était qu’un simple sportif amateur, embrase la vasque olympique et ouvre une édition historique pour le pays.

Sur le plan sportif, le Japon termine 3e nation avec 29 médailles dont 16 titres. D’un point de vue technologique, c’est aussi un triomphe. Les Jeux sont pour la première fois retransmis en 'Mondovision' et en couleur. ‘Le Shinkansen’, train à grande vitesse atteignant 210 km/h, devient la vitrine du savoir-faire nippon.

Devenue la 2e puissance économique mondiale, l’archipel étonne par sa capacité à se reconstruire. C’est toute une population qui se retrousse les manches et embrasse le modèle érigé par Toyota (le toyotisme) pour faire briller leur pays de nouveau. Huit ans plus tard, les Jeux d’hiver s’invitent à Sapporo.

Robots, pop-culture… le Japon est devenu un géant touristique

Après le boycott de l’édition moscovite en 1980 - vivement conseillé par l’allié américain qui montre les muscles en pleine guerre froide - les efforts se déplacent dans une autre sphère : celle du tourisme. Destination lointaine, hors de prix, différence culturelle trop importante… Le Japon a longtemps cumulé les difficultés aux yeux des Occidentaux. Mais ça, c’était avant de prendre le pli du capitalisme. 

Depuis, le choc des cultures est devenu la plus grosse force de frappe du pays. Des dessins animés comme Goldorak ou Albator s’invitent sur nos télés, les aventures d’Astro le petit robot racontées par le maître Osamu Tezuka rendent le manga populaire tandis que les films de Kurosawa fascinent le monde du 7e art. Sans oublier les gadgets et autres technologies qui viennent nourrir les blockbusters de science-fiction.

En 1998, les Jeux d’hiver de Nagano marquent véritablement le début de cette ère touristique. Depuis maintenant 20 ans, le pays voit affluer des voyageurs du monde entier. Le nombre de touristes est passé de 10 à 31 millions en 2018.

"Jamais les relations entre la Corée du Sud et le Japon n'ont été aussi mauvaises"

Mais si l’archipel s’ouvre au monde, cela n’empêche pas des tensions de ressurgir avec ses voisins de palier, notamment la Corée du Sud. Les deux pays sont en conflit territorial à propos des îles Dokdo, mais aussi pour des questions historiques par rapport à l’occupation du Japon en Corée du sud (1910-1945), notamment sur l’épineuse questions des "femmes de réconfort". Des brouilles qui se sont traduites en 2019 par des boycotts commerciaux. Eddy Dufourmont l’affirme : "à l’heure où je vous parle, jamais les relations entre la Corée du Sud et le Japon n’ont été aussi mauvaises."

Tokyo 2020 prêt pour les Jeux “les plus novateurs de l’histoire”

Mais pour le pays l’essentiel est ailleurs. 56 ans après l’organisation de sa dernière édition d’été, Tokyo veut frapper un grand coup et ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire olympique. Un chapitre résolument technologique, déjà.

Il s’agira des Jeux les plus novateurs de l’histoire". Le message de Masa Takaya, porte-parole du comité d’organisation, est un premier indicateur. Le choix de Miraitowa et Someity, les deux mascottes des JO, deux robots pouvant interagir avec l’homme, symbolise aussi ce discours. Sans oublier que pour la première fois, l'assistance robotique fera son apparition pour aiguiller journalistes et supporters.

Du côté de la communication, le Japon avait donné le ton lors de la cérémonie de clôture des Jeux de Rio : la sortie d’un tuyau du Premier ministre Shinzo Abe, grimé en Mario, avait été particulièrement commentée. Cette année, les ambassadeurs que sont SangokuLuffy ou Naruto - en bons héros de la pop-culture nippone - viendront aussi apporter leur force de frappe planétaire.

Sur le plan environnemental, les 5000 médailles qui vont être distribuées aux athlètes ont été fabriquées en recyclant des milliers de produits électroniques donnés par la population. De la même façon, les podiums seront eux aussi composés de plastique recyclé. “Si l'on peut envoyer un message écologique fort et jouer le rôle de modèle pour les futurs comités olympiques…”, glissait même Tatsuo Ogura, directeur de projet des communications internationales de Tokyo 2020, il y a quelques mois.

Comme nous l'ont montré ces 110 ans d'histoire commune avec le mouvement olympique, les JO ont été de véritables catalyseurs des ambitions japonaises. Des moments suspendus où le savoir-faire se mêle à la reconstruction. Cette 32e édition de l’ère moderne n’échappe pas à la règle. Neuf ans après le drame nucléaire de Fukushima, c’est bien depuis la ville-préfecture que sera donné le top départ des JO avec le relais de la flamme. Un symbole - un de plus - qui devrait marquer de son empreinte le prometteur épisode “Tokyo 2020”.

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