Manaudou, entre bonheur et tristesse
A la voir au bord des larmes au milieu des nageurs souriants sur la photo des sélectionneurs pour les Jeux Olympiques de Londres, on aurait peine à croire que Laure Manaudou a réussi son début de come-back. Et pourtant, sur cette photo, il manque une personne: son compagnon Frédérick Bousquet, recalé sur 50m libre après avoir pris la 4e place samedi. Son frère Florent Manaudou sera, lui, bel et bien du voyage, mais cela ne suffisait pas à consoler l'ancienne égérie de la natation tricolore. Un seul être vous manque et tout est dépeuplé, dit-on. Ça ne pouvait pas mieux s'appliquer à cette photo de famille et à sa star perdue sur le devant de la scène, bras croisés et yeux embués.
"J'ai encore du boulot"
Après trois ans d'arrêt, un bébé avec son nageur de compagnon, et de multiples rumeurs de retour, Manaudou avait fini par céder au chant des sirènes et à replonger. "Sans Fred, je n'aurais jamais repris la natation," explique-t-elle dans les colonnes du quotidien Le Parisien de lundi. Plus motivée que jamais, l'ex-reine de la discipline ne veut pas que son retour, quatre ans après le fiasco de Pékin, soit un nouveau revers. "Si je vais aux Jeux, ce n'est pas pour faire 30e", martèle-t-elle. A force de travailler, d'un entourage aimant à Auburn où elle s'entraîne désormais sous la houlette de Brett Hawke, elle a repris goût à la natation. Et elle commence même à apprécier les entraînements en dos. "Si on arrive sans confiance en soi, cela ne sert à rien de nager parce qu'on va se planter", déclare la jeune femme de 25 ans. "J'ai encore du boulot", conclut-elle.
Ce break qu'elle s'est accordée, c'est un peu une forme de renaissance. Une nouvelle éclosion pour la prodige de 17 ans qui avait fait s'élever la natation féminine avant de se brûler sans doute un peu trop vite les ailes, lassées d'une vie vouée à 100% à sa passion et pris dans la spirale de centaines de sollicitations médiatiques. "Je n'ai pas envie de regretter", clame la maman de la petite Manon. Son retour en France, elle l'a apprécié, consciente du changement dans sa relation à la natation, mais aussi aux supporters et observateurs. "Les gens me respectent plus à présent. (Ils) sont contents de me voir et de m'encourager. Je pensais que ça allait être pire", admet-elle. "Avant, on voyait la capricieuse, puis la sportive. Maintenant, on voit une maman souriante et détendue."
Deux contrôles antidopage ratés
Mais la maman, qui rêvait de se rendre en Angleterre en famille, fera le voyage, en tout cas sportif, seule, avec son seul frère Florent à ses côtés. "Il y a un goût d'inachevé", admet la Marseillaise. "Ça fait du mal de finir la semaine comme ça. Je m'en veux presque. Si je n'avais pas repris, il aurait peut-être eu beaucoup plus d'énergie. Cela fatigue de voir son compagnon nager". C'est une Laure Manaudou abattue qui a quitté la piscine de Dunkerque à l'issue des championnats de France. Comme pour la jeune nageuse qu'elle fut, l'affectif joue un rôle important dans le mental et la préparation de la maman nageuse. Au fil de l'interview, elle ne tarit pas d'éloges pour Bousquet et de la place qu'il occupe sur la route qui la mène vers ses troisièmes olympiades. "Sur le plan personnel, j'ai réussi ce que je voulais faire et les temps sont là. Mais c'était dur de relever la tête (et) de montrer à Fred que j'étais déçue," analyse la triple championne du monde, qualifiée sur 100m et 200m dos. Mais Manaudou sait qu'il "saura rebondir" car il est "fort dans sa tête".
Mais tous ses rêves de gloire, son souhait de reprendre une histoire olympique qui s'était mal achevée en 2008, pourraient connaître un sérieux coup d'arrêt. "En septembre dernier, j’ai eu deux contrôles ratés," raconte l'ex-protégée de Philippe Lucas qui reste favorable à la lutte antidopage et aux contrôles. "Une fois, je m’étais plantée d’heure, l’autre j’étais partie au resto à une réunion du Cercle des nageurs. Ça veut dire que, si je me loupe encore, je serais suspendue. Depuis, je vis dans un stress permanent pour ne pas me tromper d’une minute ou d’un numéro de rue dans mes indications de localisation. Sinon, c’est fini!" La plus grande nageuse française de l'histoire reste consciente de la menace qui plane sur son avenir. Et d'ajouter: "S’il m’arrive quelque chose, je ne pourrai m’en prendre qu’à moi. C’est pour ça que j’avais signé ma lettre d’arrêt en 2009. Je ne voulais pas continuer de vivre avec cette contrainte et me dire que cela pouvait me faire rater les Jeux."
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