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Le hockey russe, une fierté nationale

La Russie a toujours brillé en hockey sur glace, davantage que dans n’importe quel autre sport collectif majeur. La raison ? Le talent de ses joueurs crosse en mains et sur les patins. Les Russes dominent le palet comme les Brésiliens maîtrisent le ballon. Explication d’une réussite historique.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
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Alexander Ovechki, Pavel Datsyuk et Yevgeni Malkin félicitent leurs coéquipiers

Le bilan aux Jeux

Aux Jeux Olympiques, la Russie a des disciplines chéries. Mais le hockey sur glace est le sport roi. Et le bilan est éloquent : Sept médailles d’or, une médaille d’argent et une médaille de bronze. "Ils ont même gagné toutes les éditions entre 1956 à Cortina et 1988 à Calgary, sauf deux (Squaw Valley en 1960 et Lake Placid en 1980, ndlr)", détaille Laurent Bellet, journaliste pour France Télévisions et ancien joueur hockeyeur à Gap. Depuis les Jeux de Cortina d’Ampezzo en 1956, les premiers auxquels ils ont assistés, les Soviétiques puis les Russes ont enlevé 8 des 15 titres attribués.

Les origines

Curieusement dans un pays de glace et de neige, la pratique des sports d’hiver est assez récente. "Au Moyen-âge, les gens circulaient sur des skis plus courts mais c’était davantage de la randonnée qu’une pratique sportive", explique Alban Mikoczy, correspondant de France 2 en Russie. C’est sous l’impulsion de Staline que l’approche a radicalement changé. "Il n’y avait pas une seule patinoire artificielle jusqu’en 1946. En gros, on patinait quand le lac était gelé et plus après", dit-il. Mais avant de dominer le hockey sur glace, les Russes se défient au bandy. "C’est un sport qui était pratiqué à l’époque des Tsars", ajoute le journaliste de France Télévisions. "C’est une sorte de hockey qui se jouait avec une balle en caoutchouc et une crosse un peu plus courte comme au hockey sur gazon. Ca se pratique à 11, comme le foot. Les contacts y sont infiniment moins nombreux. C’est davantage un jeu d’adresse que du rentre-dedans. Le hockey s’est internationalisé mais les Russes ont gardé ce jeu rapide fait de passes redoublées. C’est une école. Il faut dire que le hockey est un sport très important, télévisé à raison de plusieurs heures par jour l’hiver", conclut-il. 

La rivalité avec les Nord-Américains

La Russie n’a certes plus été sacrée depuis 1992 sous la bannière de la CEI (la Communauté des Etats Indépendants) mais elle reste l’autre très grande nation du palet avec le Canada (14 breloques dont 8 en or depuis 1924 il est vrai). Cette rivalité est née à Cortina en 1956. "Les Russes ont eu une révélation dans les années 50. Ils ont mis les moyens et mis en place un jeu collectif totalement nouveau", assure Laurent Bellet. Le grand tournant de cette rivalité ? La série du siècle, jouée au meilleur des sept manches, entre le Canada et l’URSS qui a eu lieu en septembre. "Les Canadiens ont découvert le jeu russe. Ils ont été menés 3-1 avant de sortir l’arsenal de la violence pour l’emporter 4-3", rappelle Laurent Bellet. "Les Nord-Américains se sont rendus compte qu’ils n’étaient plus seuls". Malgré la victoire sur le terrain, celle du prestige est définitivement pour les Russes. Cette rivalité sportive s’accompagne d’une dimension politique. Après la Seconde Guerre Mondiale, la guerre froide s’installe. Et le sport est également un vecteur d’opposition entre les deux blocs. "On peut dire que c’est le sport symbole de la rivalité de la guerre froide", confirme Bellet. "C’est Staline qui a décrété que le sport pouvait être un moyen de montrer la force soviétique", enchérit Mikoczy. Et comme tout sport, il servait aussi d’ascenseur social.

L’évolution du jeu

Dans les années 70, la Russie est "injouable" estime Bellet – quatre titres olympiques de rang entre 1964 et 1976 -. La ligne KLM composée de Vladimir Kroutov, Igor Larionov et Sergueï Makarov est un must. "Leur hockey ressemblait à la société. Ils jouaient de manière collective, tonique. Au contraire des Canadiens, beaucoup plus physiques, avec un jeu très vertical et pas du tout horizontal", continue-t-il. Mikoczy : "Leur jeu est très technique. Ils vont plus vite en vitesse de patinage mais sont moins rugueux en termes de contacts". Mais depuis quelques années, le jeu russe a perdu ses repères, en même temps que la société. "Pendant de longues années, leur jeu se caractérisait par la fluidité, mais il s’est américanisé". La NHL, sa starification à outrance et la culture des statistiques dominante aux Etats-Unis sont passées par là. "Ils ont encore des monstres du jeu comme Alexander Ovechkin ou Ilya Kovaltchouk, mais plus individuels. C’est le reflet d’une société qui a explosé, qui a perdu ses repères", assure Bellet.

Question de fierté

Avec Sotchi, Vladimir Poutine a remis la Russie en position de force sur l’échiquier mondial. Mais pour que le triomphe soit total, une victoire dans le tournoi de hockey-sur-glace est impérative. Si les Russes venaient à échouer chez eux devant leur public, "il manquerait quelque chose pour que ces Jeux soient réussis", estime Bellet. L’honneur de la nation est en jeu. Une déclaration résume l’importance d’un succès. "Cela est injuste pour les autres athlètes, mais si la Russie remporte la compétition de hockey et aucune autre médaille, ces Jeux Olympiques seront quand même un succès", a ainsi résumé l’ancien joueur russe Igor Larionov, deux fois champion olympique (1984 et 1988) dans le magazine "Sports Illustrated". 

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