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La manne des Jeux olympiques

Madrid, Istanbul et Tokyo sauront ce samedi si elles ont été retenues pour organiser les Jeux olympiques d’été de 2020. Pour le commun des mortels, la désignation de la ville organisatrice des JO peut sembler anodine, or, les acteurs politiques, économiques et sociaux ne l’entendent vraiment pas de la même oreille.
Article rédigé par Romain Bonte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 8min
Le président du CIO Jacques Rogge, entouré du maire de Londres, Boris Johnson (à gauche), et du maire de Rio de Janeiro, Eduardo Paes. Ce passage de témoin a été effectué lors de la cérémonie de clôture des JO de Londres, le 12 août 2012. (JEFF J MITCHELL / POOL)

L’aura internationale

Le 6 juillet 2005, lorsque le Comité international olympique a désigné Londres comme ville hôte des JO, ce ne sont pas seulement les représentants sportifs de « Paris-2012 » qui faisaient grise mine, mais aussi les hommes politiques présents ce jour-là. Certains d’entre eux n’ont d’ailleurs pas hésité à rejeter la responsabilité sur le camp adverse, multipliant les polémiques politico-politiques plusieurs mois encore après la désillusion. Si le corps politique s’intéresse de si près à cette désignation, c’est évidemment parce que les retombées d’un tel événement sont considérables. Quand Pékin a reçu l’aval des membres du CIO, c’est avant tout la valeur symbolique de cette désignation qui est ressortie. Permettre à la Chine, longtemps pointée du doigt sur les problèmes des droits de l’homme, d’organiser le plus grand événement mondial, représentait un signe fort. Cela a non seulement offert énormément de crédits à l’Empire du Milieu sur l’échiquier international, mais cela a aussi permis de forcer d’une certaine manière cette République populaire à accélérer sa démocratisation. Et même si certains observateurs dénoncent encore des dérives à ce niveau, la Chine d’après-JO n’a plus rien à voir avec la précédente.

Accueillir pendant quinze jours les Jeux olympiques, c’est avant tout s’offrir une publicité sans égale. Avant même l’événement, les médias des cinq continents pointent leurs caméras, appareils photos et micros vers le pays hôte, ce qui le place inévitablement au cœur des conversations aux quatre coins du globe. Les JO permettent également à un pays de démontrer toute l’étendue de ses savoir-faire dans des domaines aussi variés que la technologie, la construction d’infrastructures, l’organisation d’événements, … L’image de tout un pays est en question, et c’est aussi pour cette raison que le style, et le message transmis au travers de cet événement revêtent une importance colossale. On comprend aussi mieux pour quelle raison les hommes politiques s’y intéressent particulièrement.

Les retombées financières

Le monde politique ne va pas sans le monde des affaires. Ce coup de projecteur profite aussi indéniablement aux investisseurs locaux. Du petit commerce au coin de la rue qui aura la divine chance de se retrouver devant un site olympique, au puissant groupe de bâtiment et travaux publics, tous les acteurs économiques voient en cette désignation du pain béni. Les économistes estiment que la tenue d’un tel événement profite énormément à la croissance d’un pays. Si l’on en croit le gouvernement anglais, c’est un bénéfice de près de 17 milliards d’euros qui devrait revenir dans les caisses de l’Angleterre après les Jeux de Londres organisés l’an passé. La réhabilitation du quartier de Stratford, où a été installé le village olympique, est la preuve d’une belle réussite. Isolé et pauvre, ce quartier abrite à présent le plus grand centre commercial d'Europe et bénéficie d’une meilleure liaison avec le centre de la capitale anglaise. L’exemple est similaire pour Barcelone -hôte des JO de 1992- qui a donné un grand coup de booste à la ville grâce à la rénovation de certains quartiers.

Devant ce tableau enchanteur, il y a cependant un gros bémol. Depuis les JO de 1976 organisés à Montréal, certains ont en effet appris à relativiser ces retombées financières. La ville canadienne qui a mis plus de 30 ans à rembourser une dette d'un milliards d'euros s’en souvient encore, et c’est non sans un certain a priori que le Canada avait organisé les JO de Vancouver. L’exemple le plus marquant et le plus récent est celui d’Athènes-2004, qui a littéralement plombé l’économie grecque. Le président du CIO Jacques Rogge, a même reconnu que le coût de ces Jeux avait contribué à l’augmentation de la dette publique. Si ces Jeux ont souffert des attentats du 11 septembre 2001, ils ont aussi été victimes des importants retards dans les travaux.

Une fierté nationale

Malgré tout, un tel événement est dans la plupart des cas bien accueilli du point de vue des habitants. Malgré la crise pourtant encore bien présente, la candidature de Madrid fait bien partie des favorites. "Plus de 91%" des Espagnols soutiendraient la candidature de Madrid pour 2020, si l’on en croit un sondage commandé par le comité d’organisation madrilène. A la manière d’un match sportif, une telle élection a de quoi souder tout un peuple. Si l’on prend en compte le début de la phase de candidature, tout le chemin qui conduit jusqu’à la cérémonie de clôture dure pas moins de onze ans ! Et si d’aventure le pays est choisi, c’est un immense élan de solidarité qui est aussitôt créé. Un peu comme lorsque la France avait gagné la Coupe du monde en 1998, il suffit de voir la clameur qui accompagne la désignation de la ville élue pour s’apercevoir rapidement qu’un sentiment de fierté envahit le pays tout entier. Du simple fan de sport au président de club, de l’ouvrier au cadre supérieur, du simple électeur au président de la République, tous comprennent que ces JO vont permettre de créer de la cohésion dans leur pays.

L’essor du sport

Et le sport dans tout ça ? Car à la base, il s’agit avant tout et surtout de sport ! Si les Jeux olympiques dépassent très largement le cadre du sport, les JO profitent fort heureusement au monde du sport. C’est d’abord en termes d’investissements que le sport va bénéficier de la tenue d’un tel événement dans le pays. Un stade est soit entièrement construit, soit entièrement rénové. Les différentes infrastructures sont également repensées ou créées, et cela permet souvent d’accélérer un projet. L’exemple de la piscine olympique d’Aubervilliers parle de lui-même. Le complexe aquatique ne verra en effet le jour qu’en 2016… Plus chanceux, le vélodrome de Saint-Quentin en Yvelines verra finalement le jour en décembre de cette année, soit un an et demi après les JO finalement organisés à Londres. Au-delà des avantages pratiques, l’organisation de JO permet aussi à un pays de susciter un intérêt particulier de son peuple pour les différentes disciplines sportives. C’est une manière de s’approprier les Jeux. Le nombre de licenciés augmente ainsi significativement après chaque Jeux, et a fortiori dans le pays organisateur. Ce constat est d’autant plus significatif, lorsque les résultats et les médailles sont au rendez-vous. Conscientes de ce phénomène, toutes les fédérations sportives représentées aux JO décuplent souvent les moyens mis à disposition de leurs athlètes pour espérer de belles performances.

Hormis quelques rares cas, l’organisation des Jeux olympiques représente une immense manne qui profite à tout un pays. Ce samedi, les représentants de Madrid-2020, Istanbul-2020 et Tokyo-2020 croiseront leurs doigts, mais seuls les heureux élus sauteront de joie.

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