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Jean-François Lamour : "Un immense gâchis"

Deux fois champion olympique en individuel au sabre (1984 et 1988), le consultant de France Télévision était bien placé pour analyser la débâcle de l’escrime française à Londres. Il parle de gâchis et pointe quelques pistes pour repartir du bon pied.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Jean-François Lamour

« C’est un immense gâchis », dit-il tout de go. « Le problème n’est pas uniquement que le bilan soit nul mais que la majorité des Français se fasse battre au premier ou au deuxième tour. Ils n’arrivent pas à remonter un score ou, quand ils en ont un favorable, ils se font remonter. Plusieurs problèmes pointaient depuis quelques mois voire quelques années. Ils n’ont pas été traités, ni par les escrimeurs ni par leur encadrement ».

"Régler les problèmes dès la rentrée"

Le constat est sévère mais implacable. « Il y a clairement un manque d’agressivité. Quand on est aux Jeux, chaque touche qu’on porte, c’est la touche de sa vie. Peut-être n’ont-ils pas apporté cette précision, cette envie d’aller mettre les touches à l’entraînement qui leur permet ensuite d’être à même de briller ici à Londres », explique encore l’ancien Ministre des Sports avant de préciser le fond de sa pensée.

« De manière plus générale, il y a un problème d’environnement fédéral qui doit normalement leur permettre d’arriver au top », souligne-t-il. « Ca veut dire qu’il faut régler les problèmes à la rentrée, pas dans six mois. Les sportifs eux-mêmes sont bien conscients de ces problèmes très lourds. J’entendais ici ou là des athlètes dire qu’ils faisaient deux à trois heures d’entraînement par jour. Est-ce suffisant ? Quelle est la qualité de cet entraînement fourni ? Ces sujets doivent être traités le plus vite possible. Il ne faut pas attendre l’année prochaine et un changement de l’équipe technique tel que certains le préconisent », prévient-il.

"La préparation mentale a été ratée"

Dépité par les résultats d’un sport qui s’en tirait habituellement très bien, de son sport, Jean-François Lamour n’a cependant pas voulu attiser les braises, insistant sur les vertus collectives : « Ca ne sert à rien de se tirer les uns sur les autres. Quand on est en équipe qui plus est, on fait corps et on est dans la même barque. Ensuite, c’est une évidence que la préparation mentale à été manquée. Certains se sont fait mener dès l’entame de match, 6 touches à 0, 9 à 1. Un Fleurettiste à pris 10-1 (Victor Sintes, 11-1 en fait, ndlr) sur un relais. Ca démontre bien qu’il y a une incapacité à surmonter un obstacle ou une difficulté passagère. Et à l’inverse, d’autres qui menaient de six touches se sont fait remonter comme si de rien n’était. Mais le mental se traite à l’entraînement. Quand on a un fort volume de touches données à l’entraînement, on est ensuite capable de gérer son stress aux Jeux ».

"Cette polémique n'a aucun intérêt"

Interrogé sur les tentatives de déstabilisation et les pressions dénoncées par le président de la fédération Frédéric Pietruszka, le médaillé de bronze aux JO de Barcelone a refusé d’entrer dans une guéguerre néfaste, recentrant le problème au niveau sportif : « C’est de la polémique qui n’a strictement aucun intérêt et qui met les tireurs là où ils ne sont pas », a-t-il confié. « Les tireurs essaient de se préparer dans les meilleures conditions pour eux. C’est leur rajouter une pression supplémentaire que de les mêler à ce qui est la vie fédérale. Une élection, c’est une élection (elle aura lieu en janvier). Se refugier derrière ça démontre bien qu’il n’y a pas beaucoup d’arguments au niveau de l’équipe fédérale pour traiter un problème qui est évident et que beaucoup d’observateurs avaient déjà décelé ».

Avant de livrer un dernier conseil : « Je ne suis pas là pour créer la polémique. Mais il y a clairement un constat d’échec. Je disais à Bolade Apithy après sa défaite que s’il voulait briller à Rio, il fallait que chaque touche qu’il porte à l’entraînement soit comme une touche qu’il va porter aux Jeux. Il faut porter la même force, la même puissance, la même envie d’aller mettre cette touche là. Et cela, il faut le faire pendant quatre ans, pas trois mois avant les Jeux ».

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