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Faure : "Lavillenie a sa dose de folie"

Bernard Faure, l’un des consultants de France Télévisions pour l’athlétisme, nous présente la finale de la perche de ce soir. Pour lui, même s’il est atypique, Renaud Lavillenie s’inscrit dans une tradition française.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
 

Pourrait-on parler de déception si Renaud Lavillenie n’obtenait pas médaille d’or ce soir ?
Bernard Faure:
 Peut-être. C’est une des rares fois où on pourrait dire que c’est une déception tant il a dominé la saison, les saisons. Des déceptions, il en a connues. L’an passé à Daegu, il était le grand favori et il a terminé troisième derrière le Polonais Pawel Wojciechowski et le Cubain Lazaro Borges. Je dirais « une fois n’est pas coutume » mais il ne faut pas deux. Personne ne veut dire qu’il est favori mais il l’est clairement. C’est pour mieux le protéger et c’est normal.

Ses deux contre-performances d’avant les Jeux peuvent-elles avoir des répercussions ici ?
BF:
 Ca peut avoir une répercussion salutaire. Ca veut dire que personne n’est invincible même après 13 victoires consécutives, archi-dominées. Personne ne le taquinait. Heureusement il y a eu Helsinki, le championnat d’Europe. Avec l’Allemand Malte Mohr, ils s’étaient un peu chatouillés, se repassant mutuellement devant tout au long du concours. Il s’est alors retrouvé en situation de confrontation alors que tout avait été aisé tout l’hiver. Ses deux échecs sont relatifs. Il s’agissait de deux compétitions d’après championnat d’Europe. Il voulait juste faire des réglages, essayer d’autres sautoirs, d’autres conditions. Ca ne remet absolument pas en cause son potentiel, ce n’est pas un problème de niveau physique.

"Il a sa potion"

Quelles sont ses qualités ?
B.F.:
Il a sa potion (rires). Il prouve qu’on peut remplacer l’inné par l’acquis. Son papa et son grand-père faisaient également  du saut à la perche. Il a sauté dès l’âge de 6 ans. Il est fou de perche, il est né avec ça. Il a installé un sautoir dans son jardin. S’il a des enfants, je sais comment ça va se passer aussi. Et puis après, il ne faut pas exagérer : il a quand même d’énormes qualités de vitesse. Il faut donner de l’énergie. L’énergie, c’est ½ de Mv2. Il y a moins de masse que chez d’autres mais il y a la vitesse au carré. C’est très important. Il a cette vitesse qui lui amène cette énergie et il a un poids de corps moins important que les autres. La perche va le renvoyer plus aisément en l’air que quelqu’un qui est plus lourd.

S’inscrit-il dans une tradition française de la perche ?
BF: Comme il y a des résultats, on parle de tradition. Mais chacun a eu un parcours atypique, que ce soit Vigneron, Quinon, Galfione. En fait, c’est une succession de parcours atypiques qui font une tradition. La perche, c’est de l’athlétisme, c’est du sport, mais ce sont aussi des cascadeurs. Ils ont tous des profiles assez particuliers. Il y a des petits clans comme ça. C’est vrai qu’en France on est assez férus de perche, comme en Allemagne ou en ex-URSS. On peut donc parler de tradition, le mot n’est pas usurpé.

"Il peut aller plus haut"

La génération des années 80 avait-elle une dose de folie en plus ?
BF: Non, je ne pense pas (sourire). Lavillenie a sa dose de folie aussi. On voit plutôt des nains de jardin que des sautoirs de jardin. Après, il aime la moto, la vitesse, en toute sécurité parce qu’il n’est pas fou quand même. Le garçon a quand même ses caractéristiques propres comme ils avaient tous.

A-t-il encore une grosse marge de progression ?
BF: Plus vous allez haut, plus la marge est réduite. Ca fait quatre ans qu’il est au sommet. Plus vous passez des années, moins il en reste. Mais il a encore le temps, il peut aller plus haut. Son record personnel est de 6,03 m. Walker et Hooker ont franchi 6,06 m. Je pense qu’il peut aller par là sans problème. Après, c’est tout le charme de la compétition. C’est à lui de découvrir. Il s’est attaqué un jour au record du monde mais c’est quand même très haut. On parle de Bolt mais avant lui, il y avait Bubka. C’est moins spectaculaire parce que si tout le monde s’est un jour chronométré sur 100 m, peu ont eu une perche dans les mains. Mais la discipline avait été un peu assommée.

Ce soir, ça va se jouer à quelle hauteur ?
BF: Les championnats d’Europe se sont joués à 5,97 m. Je pense que ça va se jouer dans ces eaux-là si les conditions sont bonnes. On a vu des concours assez surprenants comme le saut en hauteur. Chaque concours est différent. Je pense que de toutes façons il faudra 5,90 m pour aller sur le podium.

L'excellence de l'école française de perche :

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