De l'enfer à la lumière, la renaissance du phénix Jean-Baptiste Alaize
Depuis le 26 août dernier et la sortie sur Netflix du documentaire événement "Rising Phoenix" ("Comme des phénix : l'esprit paralympique" en VF) retraçant l'histoire du mouvement paralympique, le téléphone de Jean-Baptiste Alaize n'arrête pas de sonner. "C'est complètement fou", explique-t-il, "je n'arrête pas de recevoir des messages pour me dire "c'est génial !", "trop d'émotions", "j'ai pleuré"..."
Jamais le Français ne s'était imaginé en témoin principal d'un film à l'ampleur mondial. Ni même d'avoir le privilège d'ouvrir les hostilités, avec son trait d'humour et son sens de la métaphore bien caractéristiques. "J'ai accepté ce projet sans même en connaître la dimension. Je savais que ça allait être sympa, car le réalisateur (Ian Bonhôte, ndlr) avait fait un énorme travail pour le docu sur Alexander McQueen ("McQueen", sorti en 2018), mais honnêtement pas à ce point-là."
Force est de constater qu'aujourd'hui, son histoire inspire les plus grandes stars comme le footballeur Marcus Rashford ou l'artiste Rita Ora. "J'ai même pu m'entretenir avec le prince Harry !", confesse-t-il, la voix encore tremblante et stupéfaite. "C'est un rêve qui se réalise. Et quelque chose qui, je l'espère, va changer ma vie."
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Passé tragique, renaissance par le sport : son histoire comme moteur
Jean-Baptiste Alaize, 29 ans, sait qu'il revient de loin. Au moment d'évoquer son passé, il ne laisse pourtant transpirer aucune faille. Le drame qu'il a connu au Burundi lorsqu'il avait trois ans, qui l'a vu perdre sa mère sous ses yeux et être victime de plusieurs mutilations à la machette ayant conduit à une amputation de sa jambe droite, ne le quitte jamais. Il habite ses pensées et pourrit ses nuits encore aujourd'hui.
Adopté par une famille française à l'âge de sept ans, le natif de Muyinga s'est reconstruit comme il a pu, lentement. Jusqu'à trouver une inattendue issue de secours... grâce au sport. Quadruple champion du monde des moins de 23 ans en saut en longueur, médaillé de bronze lors des championnats du monde en 2017 et d'Europe en 2018, Alaize s'est familiarisé avec sa prothèse de course en carbone. Elle a même gagné un surnom : "Bugatti".
Il se souvient avec émotion de sa première séance d'entraînement en club à Montélimar, de cette sensation de liberté qui l'avait habité : "Durant le conflit au Burundi, on a couru avec ma mère pour essayer de survivre. Inconsciemment quand mon coach m'a dit de faire cinq ou six tours de piste, je n'ai pas écouté et j'en ai fait jusqu'à épuisement. Après ça, j'ai passé l'une des meilleures nuits de ma vie parce que jusque-là j'avais des flashs du massacre. Courir m'a permis d'évacuer tout ça."
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Régulièrement ces dernières années, le champion s'est rendu dans des établissements scolaires ou des prisons pour raconter son histoire. "J'ai voulu transformer mon passé en un message positif pour les gens. La détermination que j'ai pu trouver par le sport, ça a été un moteur alors que j'aurais pu prendre un mauvais chemin rempli de haine ou de violence. Je voulais transmettre mon vécu à mon pays." Un témoignage d'amour et de courage que, paradoxalement selon lui, son pays ne lui a pas toujours rendu...
Une histoire d'amour compliquée avec la France
Il y a sept mois, "JB" est parti vivre à Miami, bien loin de sa Drôme familiale. Un nouveau chapitre nécessaire pour celui qui repense encore avec émotion à son histoire d'amour compliquée avec la France. "Il m'est arrivé plus d'une fois de ressentir cette haine, ces différences mal perçues, le racisme, le regard des gens sur le handicap... Je ne comprendrai jamais. J'avais besoin de faire le point et en Floride, il y a une mentalité différente".
Ce sentiment de ne pas être considéré à sa juste valeur, de déception et parfois de rejet, il a du mal à mettre des mots dessus. "Je ne veux pas qu'on pense que je suis en guerre avec mon pays, pas du tout. Mais c'est comme dans un couple, si tu ne dis pas les choses, ça n'avancera jamais. Il faut parler pour essayer de changer", explique-t-il, philosophe. Pourtant, la préoccupation du champion handisport est bien plus pragmatique.
Sa participation aux Jeux de Tokyo en danger
Cet été, il a perdu tous les sponsors qui le suivaient en vu des Jeux paralympiques de Tokyo. Un énorme coup dur pour le sauteur en longueur qui a disputé ses premiers Jeux à Londres en 2012 avant de terminer à la cinquième place il y a quatre ans à Rio. "Honnêtement, je ne sais pas comment je vais faire", précise-t-il. "J'ai 29 ans, j'ai besoin de grandir, de construire une famille. S'il n'y a personne pour me suivre, ce sera fini, je continuerai dans d'autres projets."
"Pour moi, j'ai l'impression qu'après la mort il y a le futur. Et je suis en plein là-dedans"
Le coup de projecteur du documentaire, à ce titre, est un cadeau inespéré. Le message de tolérance et de respect véhiculé à travers le parcours de neuf champions est une source d'inspiration, notamment pour les annonceurs. Même si dans le fond, Jean-Baptiste ne comprend pas vraiment pourquoi. "Cette différence entre valides et handis... Moi je ne me sens pas handicapé. Le seul handicap, au final, c'est celui que tu te mets. C'est aussi une question de culture et d'éducation : combien de publicités parlent du handicap, des Jeux Paralympiques aujourd'hui ? Aucune. Pourtant on sait à quel point les sportifs sont capables de faire bouger les lignes".
Amener le public à s'intéresser aux sports paralympiques, reconnaître les performances de ces femmes et hommes à leur juste valeur, comprendre leur quotidien... Le combat permanent de l'athlète français rejoint la visée du film. "'Rising Phoenix' a été basé sur ces histoires incroyables jugées les plus inspirantes pour le monde de demain", confesse-t-il avant d'ajouter, le regard pétillant : "pour moi, j'ai l'impression qu'après la mort il y a le futur. Et je suis en plein là-dedans. C'est terriblement excitant." Car quoi qu'il arrive, le phénix Alaize renaît toujours de ses cendres.
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