David Molina : le juge est "bénévole"
Comment est née votre passion pour le patinage artistique ?
David Molina : J'ai commencé le patin à l'âge de 8 ans par un pur hasard. J’étais allé voir une séance pour voir et j'ai aimé! Je suis entré en équipe de France à l’âge de 17 ans. Je suis parti pour le centre d’entraînement qui se situait à Colombes (Hauts-de-Seine) pour 4h de patin par jour. Spécialiste de danse sur glace, j’ai formé un couple avec Virginie Soustelle. On a participé à plusieurs compétitions internationales avant de devoir faire un choix entre le patinage et les études. Pour moi, ce fut une licence puis une maitrise de management commercial. Je suis entré dans une entreprise d’interim en Suisse dans laquelle je travaille encore aujourd’hui. Mon activité de juge est totalement bénévole, nous n’en sommes pas du tout dépendants.
Le juge est donc chargé d’évaluer la prestation des patineurs. Comment s’y prend-il ?
D M : Il existe deux types de juges: le Panel Technique, composé de trois personnes: un juge (qui est le contrôleur technique) et deux spécialistes techniques (anciens patineurs de haut niveau, profs,...). Ils sont en charge de reconnaitre et valider l'élément qui est exécuté - le "quoi" -. Chaque élément a une valeur de base qui se compte en points. Les neuf juges, les plus visibles, s'occupent d'évaluer la qualité d'exécution - le "comment" -.
Quels sont les modes de sélection pour le devenir ?
D M : Pour devenir juge, il faut participer à un stage théorique, une compétition en blanc (les notes ne comptent pas). On est évalué par le juge arbitre de la dite compétition qui décide de notre inscription sur les listes officielles l'année suivante. On commence au niveau départemental. Puis chaque année, la Commission des Officiels d'Arbitrage se réunit pour étudier les éventuelles promotions, dans l'ordre régional, national, championnat puis élite. Ensuite, pour passer à l’échelon international, il faut assister à trois jours de formation à Francfort et réussir les examens de passage (connaissances théoriques et exercices pratiques de mises en situation). S’ajoute à cela une maîtrise de la langue de Shakespeare. Pour être contrôleur technique, c’est le même parcours du combattant. A noter que tous les juges internationaux aux JO sont d’anciens patineurs avec un niveau minimum de médaille.
Ce sont vos premiers Jeux Olympiques. Ressent-on les choses différemment que sur les autres compétitions ?
D M : Ce sont mes premiers Jeux Olympiques en effet. Mais j'ai déjà jugé la Finale des Grands Prix plusieurs fois, ainsi que des Championnats d’Europe et des Championnats du monde. Je n’ai pas forcément plus de pression ou d'euphorie. Je suis bien préparé, cela fait plusieurs mois, voire années que je m'y consacre. Maintenant il faut bien rester concentré, comme lors de chaque compétition. En revanche je trouve que c'est un réel privilège que de pouvoir officier sur de tels événements, et je prends pleinement la mesure de la responsabilité que cela implique en tant que juge.
Quelles sont les principales qualités d’un juge arbitre ?
D M : Le juge doit avoir une connaissance technique et connaissance du règlement. Il doit être intègre, solide, neutre, impartial et surtout discret. Il faut savoir qu’il est possible de juger les quatre catégories (garçon, fille, couple et danse sur glace).
Comment se déroule une compétition pour un juge arbitre de patinage ?
D M : On peut assister ou pas aux entraînements, mais rien n’est obligatoire. Mais en général, ça permet de se concentrer, se mettre dans le bain et de rester focus. L’œil doit être bien échauffé. Il y a 13 juges sélectionnés. Quarante-cinq minutes avant le début de la compétition, neuf juges sont tirés au sort pour la danse courte. Les quatre autres ne jugent pas. Le lendemain pour la danse libre, les quatre en question sont automatiquement dans le panel et on en tire cinq de plus parmi les neuf qui ont jugé la veille. On peut donc juger une épreuve ou l'autre ou les deux. C'est très frustrant en tout cas de se préparer et se mettre en condition pour au final ne pas pouvoir aller en bord de piste et se retrouver dans les tribunes. Cela m'est arrivé aux Championnat du monde à Nice en 2012, "à la maison". Je ne peux même pas expliquer le vide ressenti.
Comment le patinage lutte-t-il contre les scandales qui l'ont touché, notamment au début des années 2000 (notamment celui de Marie-Reine Le Gougne à Salt Lake City en 2002) ?
D M : On n’a pas le droit d'en parler, mais nous avons tous, les juges internationaux, signé un code d'éthique proposé par l'ISU (la Fédération Internationale de Patinage).
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