Coronavirus - Michael Tapiro : "j'ai du mal à imaginer une annulation des Jeux Olympiques"
Est-ce que le Coronavirus peut réellement perturber l’équilibre du sport mondial ?
Michael Tapiro : « Je pense déjà que, d’un point de vue du sponsoring, cela ne va pas forcément changer grand-chose. Cela doit être prévu dans les contrats. Ensuite, il faut savoir que lorsqu’un match de football est annulé, ou reporté, ce n’est pas le club, ni la fédération, ni la Ligue, ni l’UEFA, ni la FIFA, mais bien l’état qui décide. En fait, cette décision s’applique et ça va juste demander une réorganisation comme lorsque l’on fait face à des chutes de neige pendant des semaines. Donc pour l’instant, les conséquences ne sont pas gravissimes. »
Et en Chine, qu’en est-il ?
MT : « Les conséquences sur la Chine ne sont pas tellement impactantes. Le sport en Chine est devenu une démarche gouvernementale, notamment autour du football pour faire en sorte que les Chinois pratiquent le sport et qu’ils soient compétitifs dans toutes les disciplines. Là, aujourd’hui, ce n’est pas du tout prioritaire par rapport à l’urgence médicale, par rapport à l’urgence économique. Je crois que les Chinois sont beaucoup plus inquiets pour le secteur du luxe. 30% des articles de luxe sont achetés par les Chinois. D’une manière ou d’une autre, cela va donc perturber totalement un système extrêmement florissant qui est souvent à mettre en parallèle avec le monde du sport. Après toutes ces priorités-là seulement, le sport risque d’être un problème. Les compétitions chinoises, même celle du football qui progresse, ne sont pas des compétitions qui font vibrer le pays. »
Dans une tribune que vous avez diffusée ce mardi, vous expliquez que "le Coronavirus n’aura pas la peau du Sport Business". Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
MT : « Le sport business a un défaut, et c’est en même temps son immense qualité : c’est un spectacle vivant, qui se vit à plusieurs. Dans des stades, dans des arénas, des gymnases ou même dans la rue quand on parle de Milan – San Remo par exemple. Et ça, c’est l’immense qualité du sport business. Vivre quelque chose en direct, dans la spontanéité, les gens recherchent énormément ça avec l’ère des réseaux sociaux puisque toutes les images sont diffusées et partagées. Car le plus important, c’est de le vivre. Mais c’est aussi son défaut parce qu’aujourd’hui on le voit avec le modèle de l’Italie où on annule toutes les compétitions. D’un point de vue de la billetterie, il va se poser de vraies questions. De la 4e division en football jusqu’à la Ligue des Champions, c'est pareil. Les matches de rugby ont également été annulés en Italie. Le match des 6 Nations entre l’Italie et l’Irlande est aussi menacé. Bref, nous sommes confrontés à une grosse intempérie qui risque de durer très longtemps. Or, le sport se vit en réunion de 500 à 100 000 personnes. Et ces réunions-là ne sont plus autorisées aujourd’hui, ce qui se comprend parfaitement. Si on est capable de repousser les matches, on le fait. On a eu un cas d’école avec la Coupe du monde de rugby au Japon avec un danger de morts et un alinéa dans la règle a permis de non pas reporter mais annuler des matches, comme Angleterre-France. Mais on ne s’en souvient plus, donc il faut le dire ! On a trop tendance à penser que le plus important, c’est le match. Mais un match, ça se décale ou ça s’annule. Et heureusement, c’est la santé des spectateurs qui prévaut sur le reste. Même si aujourd’hui l’opium du peuple, c’est le sport, et bien ça peut être perturbé par des choses de la vie. Des choses qui sont humaines. Ce n’est pas inébranlable. Il faut donc rester optimiste car quoi qu’il arrive, les compétitions arriveront à retomber sur leurs pieds. »
Si vraiment on est dans une pandémie délirante [...] j'ai la faiblesse de penser que l'organisation d'un événement sportif aussi important soit-il que les JO ne sera pas la priorité, comme on serait en situation de Guerre mondiale !
La rumeur de voir les Jeux de Tokyo annulés, repoussés, ou même rapatriés à Londres se répand de plus en plus… Est-ce réellement envisageable ?
MT : « C’est très simple : les Jeux Olympiques n’ont été annulés que trois fois dans l’histoire pour des causes de Guerres mondiales, en 1916, 1940 et 1944. Il est clair que si vraiment on est dans une pandémie délirante, et que l’on se retrouve avec des dizaines voire des centaines de milliers de morts pour un virus que l’on n’arrive pas à contenir, j’ai la faiblesse de penser que l’organisation d’un événement sportif aussi important soit-il que les JO ne sera pas la priorité, comme on serait en situation de Guerre mondiale ! Dans une une situation gravissime de Guerre mondiale ou d’épidémie mortelle, avec des pays confinés, des quarantaines, ce qui serait un désastre similaire à la peste noire ou à la grippe espagnole de 1918, dans ce cas-là sincèrement je pense que les autorités, et même les autorités japonaises penseront plus à protéger leur ville et leurs citoyens que d’organiser des Jeux Olympiques. Néanmoins, sauf si le virus mute, on n’en arrivera pas là. Quand on voit ce qu’il se passe en Chine, dont la région contaminée fait la taille de la France, j'ai le sentiment que l'on a stabilisé tout ça. On se rend compte quelque part qu’il n’y a pas de raison que d’ici quelques semaines, voire quelques mois, on n’arrive pas à circonscrire la problématique. La question d’annuler les Jeux Olympiques peut se poser, est légitime, mais ne soyons pas catastrophistes, et plutôt réalistes. »
D’autres événements, comme l’Euro de foot, sont également menacés…
MT : « Il n’y a pas simplement la problématique des Jeux Olympiques ! Dieu est un farceur : l’Euro cette année se passe dans une dizaine de pays différents. On va favoriser les échanges, on va favoriser le brassage, et cela risque aussi d’être une catastrophe. Je pense que l’UEFA doit être sur les dents aussi, non pas par rapport à l’assurance d’organiser l’événement, mais plutôt pour aller voir l’assureur de l’assureur, pour voir combien ça coûte si on annule tout... On risque d’avoir aussi pour les prochaines semaines des matches de Ligue des champions annulés, ou alors des matches avec des stades vides. »
Les pressions financières et économiques puis les pressions des lobbyings autour des JO sont tellement fortes que pour les annuler, il faudrait qu’il y ait des tranchées à Verdun.
Dans le cas d’une annulation de Tokyo 2020, quelles seraient les conséquences pour le Japon et ses partenaires financiers ?
MT : « Là encore, il faut demander aux assureurs des assureurs, car ça se jouerait à ce niveau-là. Normalement, une compétition comme les JO relance une nation, relance un pays, relance une capitale. C'est l’occasion d’avoir des infrastructures qui se développent. Sincèrement, pour avoir été à Tokyo il y a un an pile, Tokyo n’avait pas forcément besoin des Jeux Olympiques mais le Japon avait besoin de les organiser ! C’est vrai que de ne pas être sous les feux de la rampe pendant trois semaines et quarante jours en comptant le handisport, ça risquerait d’être extrêmement préjudiciable pour les télévisions, les annonceurs, les sponsors. Quoi qu’il en soit, j’ai du mal à imaginer une annulation des Jeux Olympiques. Après, encore une fois, ce n’est pas seulement mon avis : les pressions financières et économiques puis les pressions des lobbyings autour des JO sont tellement fortes que pour les annuler, il faudrait qu’il y ait des tranchées à Verdun ! Demain, s’il y a 200 000 morts, que le virus entre dans un pays où la médecine n’est pas forcément performante, et que l’on se retrouve avec 1 000 morts par jour, là oui franchement les JO au Japon, débrouillez-vous entre assureurs ! On aurait d’autres priorités et cela se comprendrait complètement ! »
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