: Reportage JO 2022 : froid polaire, stress, surcharge d'entraînements... Tess Ledeux en bout de piste au slopestyle
Prétendante à l’or olympique en slopestyle après sa médaille d’argent en big air, Tess Ledeux n’a jamais paru en conditions pour aller chercher une seconde breloque, mardi.
"C’était une petite guéguerre entre moi et ma tête ces derniers jours. Je ne me suis pas laissée abattre même si j’avais envie d’abandonner hier". Il est un peu moins de 11h, mardi 15 février, sur le Genting Snow Park et, après de longues minutes passées en larmes dans les bras des membres de son staff, Tess Ledeux se présente face aux médias. Septième du slopestyle - dont elle était grande favorite -, la Tricolore de 20 ans vide son sac.
"Cet hiver n’était pas simple avec le Covid. Ça va faire presque deux mois que je n’ai pas vu ma famille."
Tess Ledeuxà franceinfo: sport
Sur les rotules - dans tous les sens du terme, puisqu’elle a chuté deux fois -, Tess Ledeux vient de passer à côté de sa finale olympique de slopestyle, elle qui a gagné les derniers X Games de la discipline. Face aux micros, la Plagnarde apparaît pourtant soulagée. Car si la médaille n’est pas au rendez-vous, elle va enfin pouvoir se relâcher : "J’étais très fatiguée. Les derniers jours ont été très compliqués. Beaucoup de douleurs au dos, un peu malade… Ce n’était pas la folie. J’ai essayé d’aller au-delà de tout cela aujourd’hui, mais je crois que j’avais besoin de repos. Je me suis battue jusqu’au bout et je repars sans regret de Pékin avec une médaille (en big air, le 8 février, ndlr)."
Une qualification éprouvante
Mais entre cette médaille d’argent en big air et cette désillusion en slopestyle, le temps a été long pour Tess Ledeux. Depuis son arrivée à Pékin, entre les deux épeuves de big air et de slopestyle, elle a patienté une semaine, enchaîné onze jours de ski (entraînements, qualifications, finales), changé de village olympique. "Ça a été long, mais on a beaucoup skié. On a eu quatre jours d’entraînements, on n’a pas eu de jour mou dans le village. On a été à fond pendant quatre jours. On est toutes très fatiguées", confiait-elle lundi, en marge des qualifications, repoussées d’un jour à cause de la météo.
En ce lundi matin, première étape de cette course d'obstacles, si le soleil avait repris sa place dans un ciel azur, les conditions étaient tout sauf idéales avec un ressenti de -31°C et un vent glacial sur le Genting Snow Park. De quoi geler les sourcils, figer les masques et givrer les lunettes de soleil indispensables pour suivre ces qualifications. "Le froid n’est pas facile à gérer. On n’a pas l’habitude de skier dans ces conditions. La seule fois que ça m’est arrivée, c’était il y a quatre ans au Québec", se remémore alors Tess Ledeux, partie à terre sur son premier run.
Dans le clan français qui sautille pour se réchauffer, le doute s’immisce. Directeur de l’équipe de France de freestyle, Fabien Bertrand rassure son monde, et notamment le géantiste Mathieu Faivre, bronzé la veille, ou encore Chloé Trespeuch. On discute paris sportifs, fartage, neige ou encore de celle que tout le monde redoute, Eileen Gu : "Elle est aussi forte en slopestyle qu’en big air, et en halfpipe encore plus", prévient Fabien Bertrand, qui revient sur le premier run raté de Tess Ledeux : "Il faut poser le premier comme ça tu n’es pas stressé au deuxième. Tess est toujours plus stressée aux qualifs qu’en finale. Là, tu hésites toujours entre la qualité et la quantité".
L'attraction Eileen Gu
Le froid polaire connait un réchauffement soudain après le second run d’Eileen Gu, ovationnée par un public acquis à sa cause. La moindre apparition de la Sino-américaine entraîne des mouvements de foule dans le Genting Snow Park. Dans le clan français, on recentre vite le regard vers l’écran géant : Tess Ledeux s’élance. Fabien Bertrand vit le run par procuration : "Allez ! (…) Oh put... (…) Elle est fébrile là. (…) Allez ouais ! Freine pas put... ! (…) Ouais ! C’est bon ça !" A Mathieu Faivre, il glisse : "Elle ne va pas trop scorer mais ça sera dedans. Ce n’est rien pour elle ça, c’est de la merde ça".
Puis le boss des Bleus se retourne vers sa skieuse : "C’est fait Tess !" La Française est inquiète : "J’espère que ça va passer". Redescendu après avoir accompagné son athlète au départ, l’entraîneur Grégory Guenet se montre moins optimiste : "On va serrer les fesses jusqu’au bout. Il y a 70% de chance que cela passe. Elle a fait des petites erreurs, on fait avec. Elle a poireauté 45 minutes là haut. C’est beaucoup plus dur de gérer une qualification qu’une finale, où tu te donnes à 200% quoi qu’il arrive. Là, il faut en garder un peu et être irréprochable sur le reste. Cela demande de l’expérience que tu n’as pas forcément à 20 ans."
Neuvième, la Plagnarde intègre bien les douze finalistes, mais pointe loin de ses standards. "Elle était fébrile en haut, il ne faut pas rêver quand il te reste un run pour entrer en finale des Jeux… Elle faisait genre ça allait, mais je la connais", témoigne Grégory Guenet, qui se projette déjà : "Demain est un autre jour, elle va envoyer du steak. On peut compter sur elle pour se remobiliser. Neuvième, ça peut être un bon moyen pour elle de mettre la pression sur ses adversaires. Une finale, c’est du 150%, il n’y a plus à calculer, et c’est ce que Tess fait de mieux". Avant de "faire une bonne sieste", la médaillée d’argent en big air confirme, avec un sourire retrouvé : "C’était un gros challenge ce matin. Le principal c’est que ça passe. Mais je skie toujours plus détendue en finale."
Larmes, KFC et Pécresse
Rendez-vous est donc pris mardi matin 9h30 heure locale pour "envoyer du steak". Le ciel s’est assombri et le climat est toujours aussi glacial, à tel point que les skieuses ne remontent pas avec le télésiège, mais par des motoneiges qui les attendent en bout de piste façon Uber.
Face au froid, pas de télésiège ce matin pour les skieuses du slopestyle, mais des uber motoneiges. #Beijing2022 pic.twitter.com/8ibvQXc9OA
— Adrien Hémard (@AdrienHemard) February 15, 2022
En tribunes, la foule est un plus clairsemée que la veille. On voit surtout beaucoup de manteaux ciel et blanc des bénévoles des JO, venus encourager Eileen Gu. Les tuniques tricolores des Français sont aussi bien présentes. Le premier run encourageant de Tess Ledeux, leader provisoire, les fait réagir. "Déjà elle est moins fébrile. C’est posé, ça va la mettre en confiance", souffle Fabien Bertrand, déçu. Mais il glisse à sa protégée : "Tu peux être fière. T’as le run sous les pieds, hein."
Mais il s'agira du seul run complet de Tess Ledeux dans cette finale. Après une chute dans le second, suivi d'un silence pesant, la Plagnarde ne peut retenir ses larmes :"Je me suis fait mal au doigt. Je suis tellement fatiguée". Les Bleus présents la remobilisent, à l'image de Fabien Bertrand : "Tu montes tout de suite voir le docteur. Tu n’as plus qu’une demi-heure à avoir mal au doigt. On n’est pas fatigué à une finale olympique. T’as de la ressource !"
Vient enfin le troisième run, celui de la dernière chance pour Tess Ledeux. Mais la vice-championne olympique de big air chute de nouveau. Ses espoirs de médaille s'écrasent dans la neige de Zhangjiakou. Entre deux silences qui en disent long, Fabien Bertrand tente de la faire relativiser : "Prends le temps que tu veux, chiale un bon coup. Tu n’as rien à te reprocher. L’essentiel c’est d’avoir tout donné. Tu ne repars pas bredouille !". Pendant de longues minutes, Tess Ledeux évacue la déception, consolée par le staff et quelques concurrentes.
Autour d'elle, on évoque le KFC, les journées Netflix et les fêtes qu'elle va enfin pouvoir refaire au printemps. Tess sourit. Touchée, la Française n'a aucune envie de répondre aux sollicitations médiatiques, mais Fabien Bertrand trouve (encore) les bons mots : "Tu fais comme Pécresse : tu réponds et tu te casses." Tess rit. Fabien Bertrand lui glisse: "Ce n’est pas la fin du monde. Plein de gens t’aiment et t’attendent et veulent voir ta belle médaille d’argent. Ce n’est pas passé là, mais ça passera une autre fois." La course est finie, Tess Ledeux se dirige finalement vers la sortie, la fin de ses Jeux, et le retour en France. Le début d'une nouvelle histoire.
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