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Paris 2024 : "Les sportives ne sont pas là pour faire joli", pointe du doigt la sociologue du sport Catherine Louveau

En 2024, il y aura autant d'hommes que de femmes au rendez-vous olympique de Paris. Pour Catherine Louveau, cette parité est encore loin d'être synonyme d'égalité.
Article rédigé par franceinfo: sport, Robin Joanchicoy
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3 min
Photographie prise le 15 novembre 2022 à Paris montrant le logo officiel des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, dans la boutique officielle ouverte dans le centre commercial des Halles, à Paris. (THOMAS SAMSON / AFP)

À l'heure où la parité des sexes aux Jeux olympiques, présente à Paris en 2024, est célébrée pour la première fois de l'histoire, les femmes attendent toujours l'égalité avec leurs homologues masculins. Inégalités de traitement, socialisations discordantes, stéréotypes sexués... Pour franceinfo: sport, la sociologue Catherine Louveau, professeure émérite à l'université de Paris Sud et auteure de plusieurs ouvrages sur le sujet, est revenue sur les différences qui persistent entre les femmes et les hommes dans le sport.

Franceinfo: sport : Au-delà d'un simple symbole, la parité aux Jeux olympiques de Paris est-elle représentative de l’intégration des femmes dans le sport ?

Catherine Louveau : Pour commencer, je ne trouve pas ça symbolique. Le pire, c’est que je constate encore une fois la confusion des termes entre parité et égalité. C’est non seulement une erreur par rapport aux faits constatés, mais c’est surtout un abus de langage, une tromperie. Cette parité ne revient à aucune institution sportive, pas même au CIO. Personne n’a dû oeuvrer pour qu’elle soit établie, si ce ne sont les sportives elles-mêmes au cours de l’histoire. C’est exactement comme dans le monde du travail, progressivement dans le temps, on est parvenu à atteindre la parité. Mais on le sait très bien, dans le monde du sport comme dans le monde du travail, il n’y a pas d’égalité.

Les athlètes masculins seraient donc plus privilégiés d'après vous ?

C'est une évidence, les hommes sont plus privilégiés que les femmes. Je me souviens d’un épisode avec l’équipe de France féminine de football. Elles avaient dû quitter leurs chambres à Clairefontaine pour les rendre aux garçons. Ça m’avait mise en colère contre elles, parce qu’elles avaient trouvé ça normal ! En France, il manque une Megan Rapinoe ou une Billie Jean King qui oseraient dire : "Si on n'est pas payées pareil que les hommes, eh bien on ne joue pas". À partir du moment où elles seront rémunérées de la même manière que les hommes, on pourra commencer à parler d’égalité.

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N'est-ce pas périlleux pour elles de prendre la parole à l'encontre de leur fédération ?

Si elles s’y mettaient à plusieurs, elles pourraient peut-être protester au sujet des primes, des tenues, de la répartition des terrains dans les clubs. Évidemment, ce n’est pas facile de revendiquer, elles peuvent craindre de perdre leur place. Mais en gardant le silence, elles scient la branche sur laquelle elles sont assises.

C'est peut-être ça la clé : trouver une voix qui résonne assez pour faire bouger les choses ?

Oui, j'en suis convaincue. Je me souviens de Marion Bartoli, le jour où elle a gagné Wimbledon en 2013. Un journaliste anglais lui a fait la remarque qu’elle n’était pas "un canon". Et elle lui a répondu : "Oui, je ne suis pas blonde. Est-ce que j'ai rêvé de devenir mannequin ? Non. Est-ce que j'ai rêvé de gagner Wimbledon ? Oui, absolument." C’est exactement ça. Elles ne sont pas là pour faire joli, elles sont là pour gagner, comme les hommes.

Marion Bartoli pose avec son trophée après sa victoire à Wimbledon (Royaume-Uni), le 6 juillet 2013. (STEFAN WERMUTH / REUTERS)

L'importance d'un physique qui répond aux normes de beauté et de féminité standards de la société actuelle est aussi l'une des grandes singularités de la pratique féminine dans le sport...

Elles sont obligées d’être sportives et féminines. Sportives mais féminines. En athlétisme, je remarque que certaines se maquillent, se mettent du vernis à ongle, portent des bijoux… J'ai même vu certaines filles s'excuser d’être en survêtement sur le terrain en expliquant mettre des jupes en dehors. Comme si elles avaient à se justifier auprès de leurs sponsors !

Est-ce que ces disparités ne sont pas directement la résultante de notre société ?

Complètement, ça commence avec la socialisation des petits garçons et des petites filles. On l’observe par exemple avec les jouets. Les jouets des petites filles dans les catalogues continuent d’être des jouets d’intérieur, des poupons, des bébés, des cuisinières… On les destine à être une femme d’intérieur, une bonne mère et une bonne épouse. Les garçons, pendant ce temps-là, jouent avec des grues, des petites voitures. Ils construisent le monde et ils l’explorent.

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