Paris 2024 : ces athlètes qui concilient grandes études et préparation pour les Jeux olympiques

Article rédigé par Roxane Lechat, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
Clémence Vieira (g.), Gabriel Bordier et Léna Kandissounon (d.) sont respectivement en école d'ingénieur, de médecine et à Sciences Po, tout en préparant les Jeux de Paris 2024. (AFP / MAXPPP)

Vie(s) d'athlète

Comment gérer un calendrier aussi chargé quand on poursuit des études en école d'ingénieur, de médecine ou bien à Sciences Po et qu'on a les JO dans le viseur ?

Des Jeux olympiques, en France qui plus est. L'objectif d'une vie pour nombre d'athlètes, qui s'ajoute pour certains à la construction d'un avenir professionnel, avec la poursuite d'études particulièrement exigeantes. Avec un emploi du temps aussi chargé, leur préparation pour Paris 2024 demande une adaptation de tous les instants.

Cinq jeunes sportifs, qui ont les JO dans le viseur à 200 jours de la cérémonie d'ouverture ce lundi 8 janvier, racontent la gestion de leur quotidien à franceinfo: sport. Certains sont d'ailleurs déjà qualifiés, comme Gabriel Bordier (20 km marche), étudiant en médecine, et Ugo Didier (nageur handisport), étudiant ingénieur. Les autres espèrent les imiter, comme les volleyeurs Théo Faure et Clémence Vieira (beach-volley), tous les deux étudiants ingénieurs à l'Insa Toulouse, et la championne de France du 800 mètres Léna Kandissounon, en master de communication à Sciences Po Paris.

Abandonner l'idée de perfection

Ces jeunes adultes, âgés de 22 à 26 ans, répartissent d'ordinaire leur temps entre cours, entraînements et révisions. "Comme c'est une année pré-olympique, le focus est plus sur le sportif", admet Clémence Vieira. Vice-champion paralympique à Tokyo en 2021, Ugo Didier concède, lui, avoir choisi "moins de cours que les années précédentes" pour libérer plus de temps à sa préparation sportive.

Pour tous, leur cursus s'adapte à leurs besoins d'athlètes. Joueur de volley en Italie, Théo Faure suit des cours à distance. Gabriel Bordier espace ses stages en médecine et a "six mois de disponibilité pour les Jeux". Clémence Vieira, elle, bénéficie d'un tutorat particulier avec certains professeurs. Également dans un cursus adapté, à Sciences Po, qui lui "a sauvé la vie" en termes d'organisation, Léna Kandissounon rappelle tout de même qu'elle a "droit au même nombre d'absences" que ses camarades et qu'elle doit faire attention à ne pas être considérée comme "défaillante".

Ugo Didier, médaillé d'argent aux Jeux paralympique de Tokyo et qualifié pour ceux de Paris, est aussi étudiant en génie civil à l'INSA de Toulouse. (BEHROUZ MEHRI / AFP)

L'adaptabilité du rythme scolaire rend compatible le respect des exigences sportives. Toutefois, le défi olympique reste de taille. En première ligne, "la pression et l'attente des gens parce que ce sont les JO, mais surtout parce que c'est en France", d'après Gabriel Bordier, qui a la chance d'être déjà qualifié. "C’est un peu compliqué [...] de se préparer pour les JO sans même savoir si on va pouvoir y participer", reconnaît Théo Faure, qui espère être sélectionné dans l'équipe de volley.

Si beaucoup de ces athlètes vont ralentir le rythme scolaire à l'approche des Jeux, valider leur ticket olympique implique d'avoir performé tout au long de l'année. "Je ne saurai qu'en juin si je suis qualifiée pour les JO, après les championnats de France," détaille Léna Kandissounon. "Tout se fait au dernier moment," confirme Clémence Vieira, qui doit enchaîner des tournois de beach-volley afin de progresser au ranking mondial. 

L'école comme point d'équilibre 

Interne en rhumatologie au CHU d'Angers, Gabriel Bordier n'a "pas trop de temps" pour lui. "Mes jours de repos sont les demi-journées où je vais m’entraîner", raconte ce dernier. Pas de répit non plus pour Léna Kandissounon, qui s'entraîne à Rennes alors qu'elle étudie à Paris : "Je n'arrête pas. Je suis toujours avec ma valise. Si je ne m'entraîne pas, j'ai des oraux à préparer, des devoirs... Mon emploi du temps est millimétré. Je ne peux pas me permettre de décaler quelque chose, sinon ma journée est foutue".

Il faut aussi savoir faire le deuil de la perfection, tant au niveau sportif que scolaire. Au début de ses études en génie civil, Clémence Vieira voulait parvenir à "tout faire parfaitement". Pourtant elle a vite noté que "ça ne paie pas". La solution réside souvent dans la capacité à savoir lâcher du lest. "On se rend compte que si on veut faire les choses à 100%, on doit faire des choix", pointe Léna Kandissounon. Bien souvent ces athlètes font celui d'étaler leurs diplômes sur plusieurs années, quitte à prendre un peu de retard. La coureuse de demi-fond fait son master en quatre ans et confie moins approfondir ses cours, "une sorte de sacrifice à faire pour garder (son) équilibre".

Théo Faure, étudiant en génie physique à l'INSA Toulouse, lors d'un match amical France-Ukraine, le 17 août 2021 à Belfort. (MAXPPP)

L'équilibre. C'est le maître-mot. Ces cinq athlètes ne cessent d'en parler. Mais, contrairement à ce qu'on pourrait penser, faire des études peut être une aide leur permettant de ne pas s'enfermer dans la performance sportive. "De ne faire que de l'athlétisme, ça va être un challenge", annonce Léna Kandissounon. Sous-entendu, il faut quelque chose à côté pour compenser. Théo Faure est d'accord, poursuivre ses études "permet de s’évader de la pression de performance"

Une échappatoire salvatrice qui a aussi profité à Clémence Vieira lorsqu'elle s'est blessée en 2022 : "Je n'avais pas d'entraînement pendant trois mois, pas le même rythme, alors j’étais bien contente d’aller en cours". Pour Ugo Didier, "les études apportent beaucoup plus de positif que de négatif. Quand on compare le stress que va engendrer une compétition paralympique avec le stress d'un examen à l’Insa, on relativise beaucoup plus".

" Si je ne faisais pas d'études, je serais complètement folle. Je me prendrais trop la tête sur l'entraînement, ce ne serait pas bon pour la performance. "

Léna Kandissounon

à franceinfo: sport

Parfois, les études permettent aussi de mieux appréhender des facettes moins visibles de la vie du sportif. Étudier la médecine depuis huit ans permet à Gabriel Bordier de "mieux anticiper et gérer les périodes de blessure". Même chose pour Léna Kandissounon, dont le master de communication lui a fait comprendre que "le sportif est une marque" et lui offre des clés face aux médias que n'importe quel autre athlète n'a pas forcément.

Comme tous leurs pairs, ces cinq sportifs doivent aussi trouver des sponsors. C'est d'ailleurs un enjeu majeur dans la préparation des Jeux. L'aide financière de marques partenaires est devenue une nécessité tant les coûts d'une saison olympique sont colossaux, et les rentrées d'argent, faibles. "C’est compliqué quand t’es étudiante", concède Clémence Vieira, pour qui "c'était la catastrophe" avant de trouver un agent. Léna Kandissounon nuance ce discours : "Il y a aussi l'effet 'waouh' d'être étudiante à Sciences Po. Le rapport à l'élitisme est assez prononcé dans le milieu sportif". Le fait d'être capable de mener deux carrières d'élite de front attire parfois les sponsors.

Yeux sur les Jeux mais tête froide, ces sportifs ont tous un point en commun. Ils savent que la réussite professionnelle est tout aussi importante, que ce soit pour continuer à être sportif de haut niveau ou pour l'après-carrière. "Tu ne seras pas sportive de haut niveau jusqu'à 60 ans", appuie comme une évidence Léna Kandissounon.

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