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JO 2024 : comment passer de 40 à 80 médailles à Paris, comme le souhaite Laura Flessel

La ministre des Sports affirme que la France aura pour objectif de "doubler son nombre de médailles". Deux fois les 42 de Rio donne environ 80 breloques, ce qui constituerait un record, et de très loin. Comment s'y prendre ? 

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
  (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

"Mon ambition est de doubler notre nombre de médailles. Il faut être ambitieux dans ce domaine." La ministre des Sports a beau s'exprimer dans un journal péruvien, la promesse n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Laura Flessel fixe un objectif de 80 médailles pour la France lors des Jeux olympiques de Paris 2024, fraîchement attribués à la capitale, mercredi 13 septembre. Mais comment l'équipe de France peut réussir à passer de 40 à 80 médailles en huit ans ? C'est possible, mais il faut s'y mettre sans tarder. 

L'approche mathématique : capitaliser sur ses locomotives

Plus de 1 000 médailles sont distribuées à chaque édition des Jeux olympiques. La France, qui récolte en moyenne 40 breloques depuis une vingtaine d'années, souhaite doubler son total. Et pour cela, il y a deux façons de procéder. Hypothèse 1 : gagner des médailles dans plus de sports. Depuis les Jeux de Barcelone 1992, la France parvient à monter sur les podiums dans 13 disciplines en moyenne. Ce qui garantit le matelas de 40 médailles et une place dans le top 10. C'est moins que les Britanniques, pays à population et à revenus comparables, qui ont levé les bras dans 19 disciplines à Rio, raflant ainsi 67 médailles. Ils ont réussi à doubler leur total à l'occasion des Jeux organisés à la maison en 2012 : ils sont passés de 30 médailles en 2004 à 65 à Londres. 

Autre avantage britannique, le fait de pouvoir compter sur un noyau dur de sports rapportant beaucoup de médailles, au premier rang desquels le cyclisme : 38 breloques entre 2008 et 2016.

Côté français, les locomotives que sont le judo et la natation, avec respectivement 16 médailles sur les trois dernières olympiades, sont beaucoup moins rémunératrices. On peut espérer un mieux dans les deux disciplines : le judo, parce que c'est un sport de salle où les cris du public ont une forte influence sur les arbitres (c'est prouvé). Le cyclisme, car la fédération s'est récemment dotée d'un vélodrome dernier cri à Saint-Quentin-en-Yvelines. Celui de Manchester, bâti en 2004, constitue le point de départ de la conquête de la discipline par les Britanniques. Il y a quelques années, la Fédération française de cyclisme avait même évoqué l'idée d'une "team Sky à la française", du nom de l'équipe d'outre-Manche qui domine le vélo professionnel. Le projet visait à salarier les meilleurs de chaque discipline (piste et route) à l'aide de mécènes. 

L'approche économique : rationaliser les financements

"Pas de compromis." C'est ainsi que UK Sport définit son approche quant aux demandes de financements des différentes fédérations. Le badminton s'est ainsi fait sabrer les crédits (en anglais) pour les quatre prochaines années à l'issue d'un oral de vingt-cinq minutes. C'est cruel, mais efficace : une médaille britannique aux Jeux de Rio a coûté, en moyenne, 7 millions d'euros, un rapport qualité prix imbattable (on tourne autour de 13 pour les Etats-Unis, 12 pour la France). Ne sont financés que les athlètes ayant une chance raisonnable d'accrocher un podium olympique sur la prochaine olympiade. Cruel ? "Ça dépend ce que vous qualifiez de cruel, argumente Rod Carr, patron de UK Sport, auprès du Guardian. Est-ce que ce ne serait pas plus cruel si on revenait de Tokyo avec une moins bonne moisson de médailles parce qu'on a fait preuve de sensiblerie aujourd'hui ?"

L'équipe britannique de badminton composée d'Ellis Marcus et Langridge Chris aux Jeux de Rio, le 18 août 2016. (ANADOLU AGENCY / AFP)

La barre a encore été relevée depuis 2008, où les athlètes susceptibles de se qualifier en finale avaient droit à un pécule. Si les résultats sont flatteurs, l'effet d'entraînement sur la population laisse à désirer. "Le nombre de licenciés baisse. Pourquoi investissons-nous tout l'argent [du financement par la loterie nationale] pour ces médailles ? Si c'est pour faire de la Grande-Bretagne un grand nom du sport, oui ça a marché, si on s'en tient à une analyse froide des objectifs retenus", s'interroge un universitaire dans le Guardian

Le modèle français, c'est tout l'inverse. Le CNOSF ne salarie pas les athlètes, mais la plupart se débrouillent entre les aides régionales, municipales et étatiques, la recherche d'un statut protégé (Yohann Diniz est par exemple sportif de haut niveau au sein du groupe La Poste) et le démarchage de sponsors. Selon un rapport rendu en 2015, 40% des athlètes de haut niveau français vivent avec 500 euros par mois. Beaucoup doivent travailler pour financer leur passion. On a même vu le coureur de 400 m Mamadou Kassé Hann alerter sur sa situation précaire en direct à la télévision. Dans un contexte budgétaire tendu, le budget du ministère des Sports stagne, les collectivités locales tirent la langue, les contrats aidés sont sabrés et les financements collectés par la Française des jeux comblent à peine la baisse.

C'est pourtant maintenant que les efforts doivent être faits pour que Tokyo 2020 serve de galop d'essai à une nouvelle génération. Laura Flessel ne dit pas autre chose : "Tokyo 2020 est une première étape, il faut former la génération 2024, celle qui ira gagner des médailles." Deux alternatives : soit on repense le modèle, soit on délie les cordons de la bourse. La première option tient la corde, à lire le rapport de l'agence Olbia s'interrogeant sur la fin de l'histoire d'amour entre le sport et le financement public.

L'approche politique : lancer dès maintenant un plan stratégique 

Réussir ses Jeux à la maison passe par la définition d'une stratégie bien en amont. Augmenter les financements, c'est un début, mais l'exemple du Brésil, qui a maintenu un financement clientéliste, opaque et au final inefficace, prouve que la démarche n'est pas suffisante. En 2000, huit ans avant les Jeux de Pékin, la Chine s'est ainsi lancée dans le Projet 119, raconte Sports Illustrated : 119 comme le nombre de médailles espérées à Pékin, presque deux fois le total obtenu à Sydney. La stratégie était simple : maintenir ses bases dans les bastions traditionnels (gymnastique, plongeon, badminton, tennis de table, tir) et viser les disciplines qui distribuent le plus de médailles (athlétisme, natation, aviron, voile, notamment chez les femmes où le niveau était jugé moins élevé). Les espérances de l'ancien secrétaire général du Parti communiste chinois Jiang Zemin seront dépassées, avec 122 médailles. 

Huit ans avant, c'est l'idéal pour détecter et former les stars de demain. Prenez le programme Sporting Giants lancé par UK Sports en 2007. Le but : tester les personnes très grandes, âgées d'une vingtaine d'années, pour leur apprendre l'aviron, le volley-ball ou le handball – trois sports où la taille est un facteur prépondérant. Onze d'entre eux finiront aux Jeux de Londres. Helen Glover (1,78 m), une ancienne joueuse de hockey au niveau local qui n'avait jamais touché une rame avant 2007, raconte dans le livre Faster, Higher, Stronger : "Je me souviens de la salle d'attente au centre de test. Quelqu'un a dit : 'Regardez autour de vous, il pourrait y avoir de futurs champions olympiques'. Je me suis dit : 'Je ferai tout
pour que ça soit moi.' C'était surréaliste." Ce qui l'est tout autant, c'est son titre olympique en aviron, cinq ans plus tard.

La rameuse Helen Glover se prend en photo à l'issue de son épreuve lors des Jeux olympiques de Rio, le 12 août 2016. (DAMIEN MEYER / AFP)

L'approche prudente : se méfier des modèles tout prêts

Au début des années 2000, on ne jurait plus que par le modèle australien. Le pays de 20 millions d'habitants avait surperformé aux Jeux de Sydney (58 médailles), mais aussi à ceux d'Athènes (50) avant de lentement décliner. Aux Jeux de Londres, la machine s'est enrayée, démentant les prévisions optimistes des dirigeants qui visaient une place dans le top 5. Résultat : 35 médailles. Les sports traditionnels du pays, notamment la natation, sont devenus ultraconcurrentiels.

Les autres pays ambitieux s'y sont massivement investis et ont taillé des croupières au beau bilan aussie. Les dirigeants australiens ont alors décidé de prendre le taureau par les cornes en créant Winning Edge, une institution toute-puissante pour distribuer les financements. Priorité absolue donnée aux gros sports : natation, athlétisme, cyclisme... Pour un échec cuisant au Brésil avec 29 médailles. "Si vous voulez parvenir à finir dans les cinq premières nations avec des moyens en baisse, soit vous financez un nombre toujours plus restreint de sports, ou alors vous vous dites que l'objectif n'est plus tenable", reconnaît dans The Australian (en anglais) Matt Favier, patron de l'Australian Sports Commission. Là où le budget olympique britannique croissait de 16%, celui de l'Australie subissait une légère baisse. "Notre place est aux côtés de pays comme la Jamaïque", constate Hans Westerbeek, de l'université de Victoria, sur News.co.au.

Dernière idée en date : trouver de nouveaux financement par la loterie, sur le modèle anglais, pour continuer à boxer dans les catégories supérieures, au-dessus du poids démographique et économique du pays. Est-ce une bonne idée ? Car qu'on le veuille ou non, le classement des pays correspond grosso modo à leur PIB. Dans cette approche, la place de l'Australie est désormais raccord avec sa situation actuelle dans le concert des nations. Celle de la France aussi, pour le moment. 

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