Reportage Paris 2024 : travail du sol, archéologie et défi environnemental… Comment Versailles prépare son écrin royal pour accueillir les Jeux

Article rédigé par Théo Gicquel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6 min
Le site olympique de la carrière principale pour les épreuves d'équitation et le futur bassin du pentathlon moderne à Versailles, le 29 mars 2024. (Chateau de Versailles / Thomas Garnier)
Le château de Versailles, qui accueillera trois épreuves olympiques et paralympiques cet été, se prépare depuis presque deux ans pour être prêt à recevoir les Jeux, à partir du 27 juillet.

Dans presque quatre mois jour pour jour, le ballet des tractopelles aura laissé place à celui des chevaux, mais le cadre royal n’aura pas bougé. Le 27 juillet prochain, le château de Versailles ouvrira ses jardins au monde olympique pour y accueillir les épreuves d’équitation, de pentathlon moderne et de para-équitation. Un écrin exceptionnel, fleuron des sites de Paris 2024, qu’il a fallu choyer, aménager, soigner depuis le début des travaux il y a 24 mois, afin que la résidence du Roi-Soleil puisse déployer ses tentacules verdoyants au monde.

Pour que les meilleurs cavaliers du monde déambulent dans la carrière de l’Etoile royale - pour les épreuves de dressage et de saut d’obstacles - et constellent les jardins et le long du Grand Canal pour le cross-country, la tâche était considérable. Toutes les précautions ont été prises avant d’engager ces travaux pour ce monument classé au Patrimoine mondial de l’Unesco et vieux de 401 ans.

Archéologues et pyrotechniciens

Une équipe d’archéologues a passé cinq semaines sur les futurs sites olympiques afin de ne pas endommager un possible vestige. Au final, pas de chaussure de Louis XIV ensevelie, mais quelques trouvailles. "On a redécouvert le dispositif de l'Etoile royale, qui conduisait à drainer les eaux vers le Grand Canal. Ça a été l'occasion de faire les relevés et dessins, et d'en conserver la mémoire", dévoile Louis-Samuel Berger, administrateur général par intérim du château.

Une équipe de pyrotechniciens a également été sollicitée, puisque le site avait été bombardé pendant la Seconde Guerre mondiale. "On a l'ensemble des relevés précis des impacts. On a donc réalisé des sondages, afin de vérifier qu'il n'y avait pas de danger, qu'il ne restait pas dispositif non explosé, pour assurer la parfaite sécurité des visiteurs", rassure-t-il.

Paris 2024 : Versailles se prépare à accueillir l'équitation

Ce sol, justement, a été le principal défi technique pour organiser les Jeux au bout des jardins des Rois de France, à 3 km dans l'axe des terrasses du château. La raison : il n’est pas plat, il a donc fallu le conformer aux normes olympiques et de la Fédération internationale d’équitation. "Il a fallu effectuer d’importants travaux d’aménagement afin d'aplanir le sol de la carrière", dévoilait vendredi lors d’une visite Lorick Joseph, en charge du site équestre olympique pour Paris 2024.

La piste de cross-country, longue de 5,3 km et qui comptera deux pontons sur l’eau -"une première mondiale" -, accueillera 40 000 spectateurs. Elle aussi a sollicité deux ans de préparation "afin que la piste soit homogène, avec une densité similaire", poursuit le membre du Cojop.

Des ouvriers travaillent le 29 mars 2024 sur l'amphithéâtre naturel où prendra place le gué de la Ménagerie, obstacle de l'épreuve de cross-country le long du Grand Canal du Château de Versailles. (MAXPPP)

A quatre mois des épreuves, les fondations sont établies mais le seul signe visible réside dans les tribunes, formées en U autour de la carrière, et d’une capacité de 16 300 places, soit "l’équivalent de Bercy" selon Lorick Joseph. Imposantes, pentues, elles sont bordées d'arbres, qu’elles ne doivent pas approcher de moins de trois mètres, et sont presque terminées, au contraire de la carrière principale. "On a construit la relation avec Paris 2024 sur la base du respect absolu de l'intégrité patrimoniale, mais aussi environnementale et paysagère. Des relevés ont été réalisés sur la faune, la flore et nos espèces protégées pour qu'il n'y ait aucune atteinte. Les tribunes font presque 25 m de haut, mais elles s'intègrent très bien dans le paysage, car elles viennent tutoyer les frondaisons des arbres", développe Louis-Samuel Berger.

Pour accueillir au domaine des Rois de France les chevaux, qui seront hébergés dans 220 box temporaires, le deuxième enjeu a donc été de s'insérer dans le parc sans le dénaturer. "Notre fil rouge, c'est d'arriver à faire en sorte qu'on respecte le site intégralement et qu'à la livraison, il soit intégré de manière correcte au niveau paysager", explique Axel de Thoisy, chef de projet adjoint du mandataire des travaux, GL Events Equestrian Sports. "Le principe, c'est la non-pollution du site. Donc toute terre excavée est conservée dans le domaine, et aucune terre extérieure n'est acceptée, de sorte d'éviter toute pollution des sols par des éléments extérieurs, et surtout par des espèces végétales invasives qui pourraient modifier l'écosystème", prévient l’administrateur général par intérim du site. 

Un site magnifié à la fin des Jeux

Organiser les Jeux olympiques dans l’écrin versaillais de 800 hectares oui, mais pas à n’importe quel prix. Pour que Paris 2024 y pose ses bottes, il doit obligatoirement rendre le site à l’identique. "Pour tout ce qui est mouvement de terrain, c'est un vrai enjeu car malgré le fait qu'on ait remis à plat l'Etoile royale, il faut qu'on la rende dans son état initial, donc pas à plat !", sourit le chef de projet. Afin d’anticiper la remise en place des jardins, tout a été prévu longtemps en amont. "Toutes les opérations sont entièrement réversibles, on restituera le site dans l'état initial, et même mieux, car l'amélioration du sol, du tissu végétal, tout cela va rester comme héritage", se félicite Louis-Samuel Berger.

"Cet espace, qui est au bout du parc et n'était pas le plus entretenu, sera probablement un des plus soignés du château à la fin des JO."

Louis-Samuel Berger, administrateur général par intérim du Château de Versailles

à franceinfo: sport

L’héritage des Jeux pour Versailles sera donc réel, puisque les travaux d’aménagement ont permis de précipiter ceux déjà prévus par le château. "Les JO ont vraiment eu un effet accélérateur très fort de tous nos programmes de restauration : entretien des arbres, de certains bassins, de la Grille d'honneur, du Parterre du midi. On est en train de recréer ce que Louis XIV lui-même voyait du haut de la Galerie des glaces", résume-t-il.

Des travaux terminés à 60-70%

Si les travaux sont terminés à "60-70%" selon Paul-Jacques Tanvez, qui dirige les opérations de travaux pour Normandie Drainage, il reste encore à tout ce site à prendre réellement forme sous quatre mois, même si "les délais sont respectés, et même avec un peu d’avance", précise Louis-Samuel Berger. "On doit finir la tour des juges, le montage de la dernière tribune, la carrière principale avec le sol équestre, et l’emplacement du bassin du pentathlon moderne", énumère Lorick Joseph de Paris 2024.

Le site de la carrière principale d'équitation des Jeux olympiques de Paris, avec le château en fond à Versailles, le 29 mars 2024. (MAXPPP)

Les cavaliers, qui ont déjà visité le site, ont pu jauger du profil très plat du cross-country et donc adapter leur préparation en conséquence, mais aussi profiter de l’écrin, bien plus historique que celui de Rio en 2016 et que celui de Tokyo, privé de public en 2021. "Ils trépignent d'impatience. Toutes les fédérations du monde viennent voir le site. Depuis Londres, il n'y a pas eu d'expérience en matière d'équitation qui soit aussi puissante que celle de Versailles. Il y a une attente incroyable", sourit Louis-Samuel Berger, alors qu’un deuxième test-event après celui d’août 2023 aura lieu fin juin.

Le public, qui pourra toujours accéder à la visite du château pendant les Jeux, découvrira ces sites le 27 juillet, date de la première épreuve d’équitation, mais également le lendemain avec le pentathlon moderne, et du 3 au 7 septembre pour la para-équitation. Ensuite, toutes les infrastructures seront démontées d’ici la fin de l’année, et les jardins retrouveront leur quiétude vers le printemps 2025.

"Notre gageure est de faire fonctionner ces deux sites ensemble, et proposer un parcours qui soit de l'excellence sportive et du génie esthétique tels que Louis XIV l'a voulu il y a 400 ans. Les JO au château de Versailles, ça ne croisera qu'une seule fois notre existence", conclut Louis-Samuel Berger, l’administrateur général par intérim du Château. 

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