Paris 2024 - Petites histoires des Jeux : une médaille d'or le jour, un concert de piano le soir... Le double récital de Micheline Ostermeyer

À quelques mois du début des Jeux olympiques, franceinfo: sport vous plonge dans les petites histoires qui font la grande histoire des Jeux. Ou comment une Française a conquis l'or au concours du lancer du poids aux JO de Londres en 1948, avant de donner un concert, le soir même, au prestigieux Royal Albert Hall.
Article rédigé par Julien Lamotte, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3min
Micheline Ostermeyer lors des JO de Londres, le 1er août 1948. (- / AFP)

Il y a ceux qui jouent du piano et ceux qui les déménagent. Micheline Ostermeyer, elle, était capable de faire les deux. Des doigts de fée dans un corps d'airain. Les Jeux olympiques de Londres en 1948, les premiers d'après-guerre, et qui veulent célébrer la grâce et la paix après la barbarie, seront l'écrin idéal pour son récital. 

La Française a 26 ans lorsqu'elle débarque en Angleterre en pleine reconstruction. Les athlètes sont logés dans des casernes militaires et chaque délégation est sommée d'amener sa propre nourriture. C'est dans ce contexte particulier qu'une fleur va pousser dans le bourbier. Ou plutôt une liane d'1,79 m et 72 kilos. Jeune fille de bonne famille, petite nièce de Victor Hugo, Micheline Ostermeyer ne doit sa présence à Londres qu'à ses prédispositions physiques exceptionnelles. Pas à un entraînement forcené. 

Bête de concours

"Cinq heures de piano par jour, cinq heures d'athlétisme par semaine", avait coutume de rappeler celle qui fut d'abord connue pour sa virtuosité derrière les touches noires et blanches. Élevée à Tunis pour fuir la guerre, elle donne ses premiers concerts via les ondes de la radio tunisienne. Mais déjà, en parallèle, Micheline décroche cinq titres en athlétisme aux championnats de Tunisie de 1941. Presque en dilettante. 

De retour en France à la fin de la guerre, en 1946, la jeune prodige poursuit son éducation musicale jusqu'à remporter le Premier prix du conservatoire de Paris, en même temps qu'elle collectionne les titres nationaux (12 dans six disciplines différentes au cours de sa carrière). Deux ans plus tard, à Londres, la voilà qui s'essaie au lancer du disque, une discipline qu'elle vient à peine de découvrir. Coup d'essai, coup de maestro : Micheline Ostermeyer remporte le concours et devient, par la même occasion, la première médaillée d'or française en athlétisme de l'histoire ! 

Cinq jours plus tard, Ostermeyer est encore sur le tartan londonien, cette fois pour le concours du lancer du poids, sa spécialité. Sans céder à la pression, elle s'impose. "Les récitals augmentent ma capacité de concentration alors que l'athlétisme m'apporte un repos mental. Je m'endors facilement entre les épreuves et je me réveille vide d'autres pensées que celle de la compétition", explique-t-elle, dans des propos rapportés par Libération, aux journalistes qui commencent à s'intéresser de près à ce phénomène.

Les médias présents à Londres ne sont pourtant pas au bout de leurs surprises puisque, le soir même de sa deuxième médaille d'or, Micheline Ostermeyer a troqué le short pour une tenue de pianiste. Ni fatiguée, ni éprouvée émotionnellement par sa performance sur la piste, elle se produit au Royal Albert Hall, l'une des plus prestigieuses salles de Londres ! Devant un public incrédule, elle y joue magistralement des œuvres de Beethoven. Tout sauf un hasard. En interprétant les sonates du compositeur allemand, elle adresse un magnifique pied de nez aux Nazis vaincus et tourne enfin la page de la guerre. Elle achèvera sa symphonie, trois jours après, avec une médaille de bronze au saut en longueur. 

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