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JO 2021 : "Le problème de la boxe est que le jugement repose sur l'œil humain", relève la présidente de la commission nationale des officiels de la FFB

Pour Séverine Gosselin, il faudrait faire évoluer les conditions de réclamation pour les athlètes en cas de litige.

Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le Français Mourad Aliev n'a pas accepté la décision de l'arbitre de le disqualifier, le 1er août 2021. (LUIS ROBAYO / AFP)

La disqualification du boxeur Mourad Aliev a vite tourné en polémique, dimanche 1er août. Le Français a en effet été disqualifié car l'arbitre estimait qu’il avait blessé son adversaire avec des coups de tête. "C'est un vol", a réagi Mourad Aliev après sa disqualification houleuse en quarts de finale face au Britannique Frazer Clarke dans la catégorie des supers lourds (plus de 91 kg). Le corps arbitral a d'ailleurs reconnu peu après son erreur auprès du Français, sans pour autant pouvoir revenir sur sa décision. 

Severine Gosselin, présidente de la commission nationale des officiels de la Fédération française de boxe, est revenue pour franceinfo: sport sur les critères et le système de notation qui font que la boxe est sujette à ce genre de polémique. 

Franceinfo: sport : Que pensez-vous de la disqualification de Mourad Aliev ? 

Severine Gosselin : J'ai la même position que la Fédération française de boxe. Pour nous, il y a une erreur d'arbitrage puisque Mourad a reçu un avertissement pour un coup de tête, entrainant une blessure, alors que les deux arcades de son adversaire ont été ouvertes sur des coups de poing. Il ne peut donc pas être disqualifié pour un coup de tête ayant entraîné une ouverture de l’arcade.

Pourquoi a-t-on autant de polémiques en boxe ?

Il y en a un peu dans tous les sports mais c'est vrai que nous n'avons pas été épargnés. Le problème de la boxe est que le système de jugement repose sur l'œil humain. C'est l'humain qui juge les combats, contrairement à l'escrime ou au taekwondo par exemple où il y a des plastrons électriques, et où l'impact est compté. En athlétisme, c'est le premier qui arrive qui a gagné donc c'est visible. En boxe, c'est différent.

Comment fonctionne le système de notation ? 

On a d'abord trois critères. Le premier est le nombre de coups avec impact sur les cibles autorisées. Dans ce premier critère, il faut différencier le petit impact du punch bien appuyé, qui sera privilégié. En deuxième critère, on a la domination dans le combat, qui est une domination technique et tactique. C'est la façon dont le boxeur arrive à faire des combinaisons d'attaque et de défense et qui suivent une construction. Enfin, il y a la compétitivité, qui est comment le boxeur impose son rythme et ses actions : il ne subit pas les attaques de son adversaire, c'est lui qui impose la façon de boxer.

Pour ce qui est du système de notation, on note un round sur 10 points. Un 10-9 signifie que les deux boxeurs sont à peu près équivalents sur trois critères, mais qu'un des deux à un nombre de touches supérieur. Un 10-8 signifie qu'un des deux boxeurs mène sur les trois critères. Et enfin un 10-7, est plutôt évident puisqu'il y a une supériorité manifeste d'un boxeur sur l'autre.

Exclu de sa demi-finale, Mourad Aliev a vécu une journée dans l'incompréhension. Les Français ne rapportent aucune médaille de Tokyo et sortent à chaque fois en contestant leur élimination.
La tourmente de la boxe française Exclu de sa demi-finale, Mourad Aliev a vécu une journée dans l'incompréhension. Les Français ne rapportent aucune médaille de Tokyo et sortent à chaque fois en contestant leur élimination.

Quels sont les rôles précis des arbitres et des juges ?

L'arbitre est là pour diriger le combat autrement dit pour assurer la sécurité des boxeurs et l'équité entre eux. C'est aussi lui qui va prendre la décision d'une éventuelle disqualification. Les juges, eux, notent les rounds. Ils sont cinq autour du ring. Ils sont là pour compter les points et définir un gagnant sur les rounds.

Mais l'interprétation des arbitres ou des juges a une grande place finalement dans les combats ?

Logiquement non, car on a tous les mêmes critères de jugement, mais il y a bien évidemment plus de place à l'interprétation en boxe que dans l'athlétisme par exemple. Mais cela n'explique pas toutes les décisions pour autant.

Selon vous, que faudrait-il faire pour éviter les polémiques ?

Dans le cas de Mourad, on n'est pas sur un problème de jugement, de pointage, mais sur un problème d'arbitrage. Et un arbitre qui commet une erreur doit être sanctionné. L'erreur est humaine, d'accord, mais plus on monte dans les compétitions, plus le niveau augmente, plus on doit avoir les meilleurs officiels.

Plus généralement, je pense qu'on pourrait revoir les conditions de réclamation afin qu'on puisse donner l'occasion aux sportifs de faire des réclamations avec un appui vidéo. Ca se fait au niveau de l'AIBA (Association internationale de boxe amateure). Ca se met en place doucement sur certaines compétitions comme les championnats du monde élite ou sur les compétitions jeunes, donc on pourrait se tourner vers ça. Ainsi, si une action venait à être contestée, nous pourrions nous appuyer sur la vidéo. Quand on répond que l'on ne peut pas changer parce que le règlement indique qu'on ne change pas les décisions (argument donné à Mourad Aliev par le superviseur qui a reconnu l'erreur d'arbitrage, ndlr), c'est un peu regrettable.

Après l'exclusion du Français Mourad Aliev de sa demi-finale, l'ancien boxeur champion olympique Brahim Asloum revient sur cette décision sujette à controverse.
Boxe : le coup de gueule de Brahim Asloum Après l'exclusion du Français Mourad Aliev de sa demi-finale, l'ancien boxeur champion olympique Brahim Asloum revient sur cette décision sujette à controverse.

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