Paris 2024 : Alexis Hanquinquant, le para triathlète qui veut "mettre un coup de prothèse dans les préjugés"
“Cela a provoqué un truc énorme en moi”. Quand Alexis Hanquinquant est victime d’un accident de chantier en août 2010, c’est un monde et ses ambitions qui s'effondrent. Sa jambe droite est sévèrement touchée, alors que le Normand venait de s'ouvrir les portes de l’équipe de France de boxe full-contact, en devenant champion de France trois mois plus tôt. Passant du ring au lit d’hôpital, il voit son membre inférieur être sauvé médicalement, mais souffre au quotidien.
D’abord physique, cette douleur devient mentale : “Cette jambe ne me permettait pas de m’épanouir comme je le voulais. Je ne pouvais plus courir, ni même marcher sans douleur. Je ne me reconnaissais plus par rapport à l’homme que j’étais avant l’accident”. En 2013, après trois ans qu'Alexis Hanquinquant décrit comme un “calvaire”, il prend la lourde décision de se séparer de ce membre devenu trop lourd à porter. “Mon amputation a été le départ d’une nouvelle vie. Tout s’est ouvert à moi”. À peine opéré, le natif d’Yvetot cherche alors un but à atteindre, “à la hauteur du défi de l'amputation”. Un défi qui sera de taille : disputer les Jeux paralympiques.
Animé par les Jeux
Aux yeux de ses proches, une telle décision paraît lunaire. “Ma femme m’a dit : 'Tu n’as même pas encore essayé une prothèse, redescends un petit peu', se remémore Alexis Hanquinquant. Elle craignait que je sois déçu”. Mais le désir est trop fort, nourri par une volonté de longue date. “J’avais plein d'étoiles dans les yeux quand je regardais les Jeux olympiques à la télé. Ça m'a donné envie de réaliser ce rêve d’être sportif de haut niveau”. Équipé d'une prothèse, Alexis Hanquinquant jette alors son dévolu sur le triathlon. "C'est l'un des sports les plus difficiles. En triathlon, tu ne peux pas tricher".
Malgré cette amputation au-dessus du genou droit, l'ancien boxeur montre vite toutes ses aptitudes pour le triple effort. Il court bien, aime rouler, mais ne nage pas. Pourtant, la discipline lui correspond : "Après quelques séances dans un petit club, je me suis rendu compte que j’étais déjà dans les pieds des autres nageurs", s'amuse-t-il. Grâce à ses progrès impressionnants, le Normand s'aligne sur son premier championnat de France en juin 2016, malgré une main cassée lors de son premier triathlon quelques semaines auparavant. Un obstacle supplémentaire qu'il surmonte, en arrivant deuxième de l'épreuve. Repéré par le staff de l'équipe de France, il intègre la sélection tricolore l'année suivante. Depuis, Alexis Hanquinquant peut se targuer d'être quintuple champion du monde, sextuple champion d'Europe et surtout champion paralympique à Tokyo, en 2021.
"Ce serait une grande fierté d’être porte-drapeau"
Lors des Jeux de Paris, Alexis Hanquinquant fera office d'épouvantail, mais assume pleinement ce statut. "Ce costume de favori, je me le suis taillé sur mesure et tous les jours je ne me fais pas de cadeau pour pouvoir l’endosser". Pas de cadeau, cela signifie 25 heures d'entraînement hebdomadaire, soit 30 kilomètres de natation, 400 km de vélo et une cinquantaine en course à pied. Un sacrifice nécessaire pour décrocher le Graal au bout du pont Alexandre III le 1er septembre 2024.
"Aujourd’hui, j’ai 37 ans et pas mal d’expérience sur les événements internationaux, je me vois bien essayer de la transmettre aux plus jeunes pour performer à Paris. Aux plus âgés, je pourrais aussi être la preuve qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire."
Alexis Hanquinquant, para triathlète de l'équipe de Franceà Franceinfo : sport
En plus d'un second sacre paralympique, Alexis Hanquinquant ne cache pas rêver d'une autre forme de consécration : “Ce serait une grande fierté d’être porte-drapeau”. Celui qui a longtemps été basketteur explique que le ballon orange lui "a beaucoup apporté en termes de valeurs collectives", une dimension qui lui manque en triathlon et qu'un tel rôle lui permettrait de retrouver. “Si je peux apporter une attitude positive et un peu de folie par le biais de cette responsabilité, je le ferai avec grand plaisir”. Le "goût de la victoire" qui l'habite au quotidien et le "transcende" serait également précieux dans la quête des 60 médailles fixée par le Comité paralympique et sportif français (CPSF).
Faire évoluer les mentalités
En revanche, ne parlez pas de "handicap" à Alexis Hanquinquant, puisque lui préfère mentionner une "différence". Une différence qu'il assume pleinement : "Je suis tout à fait à l’aise avec ma prothèse, j’ai même choisi de ne pas mettre d’habillage autour. J’aime bien le côté “robot” et j’ai les tatouages qui vont avec car je préfère m’en amuser. Je n’ai rien à cacher, ça fait partie de moi”. Ce que regrette le triathlète, ce sont les regards insistants : "Ça ne me dérange pas qu’on regarde ma prothèse, car on n’en voit pas tous les jours, mais j’aimerais que ça devienne banal et pas que ce soit scruté”.
Au-delà des médailles et des émotions, c'est aussi un message qu'aimerait donc véhiculer Alexis Hanquinquant : "Je suis persuadé que ces Jeux paralympiques vont permettre de mettre un gros coup de prothèse dans les préjugés, pour que les Français s’intéressent au milieu paralympique et qu’ils comprennent que c’est du sport de haut niveau et pas la kermesse". La preuve, sur le vélo, sur lequel il est capable d'atteindre 480 watts de puissance maximale aérobie, le sociétaire du Rouen Triathlon est presque aussi puissant que les triathlètes valides de l'équipe de France. De son propre aveu, "ce n'est pas mal sur une jambe et demie".
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