Jeux paralympiques 2024 : la "chandelle-rétro" est-elle le coup ultime du paratennis de table ou le summum du vice ?

Dans les catégories où les joueurs évoluent en fauteuil roulant, les parasportifs ont tendance à user de cette balle haute amortie, qui revient dans son propre terrain après avoir rebondi juste derrière le filet.
Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
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Flora Vautier lors des épreuves double femmes de tennis de table à l'occasion des Jeux paralympiques, le 30 août 2024, à Paris. (BOUKLA FABIEN / KMSP)

"C'est vicieux comme coup !". Pour Aloys, un spectateur croisé dimanche dans les coursives de l'Arena Paris Sud, le débat est tranché. La "chandelle-rétro" n'a pas sa place, selon lui, dans des matchs de paratennis de table. De quoi s'agit-il ? D'une technique déroutante qui consiste à donner un tel effet à la balle que celle-ci retombe juste derrière le filet, avant de mourir sur la moitié de table du joueur à l'origine de ce coup. Imparable, a priori, quand le geste est réussi face à un adversaire tenu à distance, dans son fauteuil.

Très spectaculaire, la technique est détaillée sur le site officiel de Paris 2024"Quand la balle est profonde et qu'elle vient sur vous, il y a cette solution de la prendre par en dessous pour lui donner de la hauteur et un effet rétro, décrypte Julien Soyer, vice-champion paralympique à Sydney et à Athènes et consultant pour France Télévisions. On essaye de faire en sorte que la balle rebondisse près du filet, chez l'adversaire, avant de revenir vers soi, pour éviter de se faire agresser en retour."

Selon le règlement, l'effet rétroactif est uniquement interdit au service pour les joueurs en fauteuil roulant. Une fois l'échange engagé, tous les coups sont permis. "C'est le coup ultime. Pour que la balle revienne, il faut vraiment bien la toucher", explique au site les Sportives Carole Grundish, entraîneure de l'équipe de France de paratennis de table. "C'est une chose que je travaille et je dois dire que c'est assez jouissif quand on le réussit", confie à 20 Minutes Fabien Lamirault, leader de l'équipe de France de la discipline. Devenue virale, la vidéo de la chandelle-rétro réussie par la pongiste Flora Vautier sur la balle de match des huitièmes de finale du double femmes est un modèle du genre.

Dans le milieu du "ping", le docteur en effet rétroactif se nomme Rafal Czuper. Présent aux Jeux de Paris, le Polonais est capable de réaliser ce coup dans à peu près n'importe quelle situation de jeu. Globalement, réussir une chandelle-rétro demande beaucoup d'heures de travail à l'entraînement, car quand le coup est mal exécuté, il offre une balle haute facile à smasher pour l'adversaire.

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Pourtant, la chandelle-rétro ne provoque pas l'unanimité chez les spectateurs. Le public a même sifflé certaines tentatives vendredi, comme le raconte Le Parisien. "On a vu des vidéos avant de venir et ça nous a un peu surpris. On espérait qu'il ne le fasse pas aujourd'hui, parce que ça donne l'impression qu'ils se moquent chacun de l'autre", estime Sam, venu en famille voir les finales de double dimanche matin.

"Il y a eu un débat dans la famille, certains disant 'ce n'est pas juste', d'autres 'bah si'...", ajoute Lucie, venue avec son mari et ses enfants. "Moi, je me dis que si le joueur ne peut pas aller la chercher, il ne faut pas lui faire ce coup."

"C'est une question de fair-play et je préfère les échanges longs."

Lucie, spectatrice du paratennis de table

à franceinfo

"C'est dans les règles, les deux peuvent le faire, ce n'est pas comme si c'était unilatéral. Fauteuil contre fauteuil, il n'y a pas de faiblesse en face", répond pour sa part Loïc, licencié d'un club de tennis de table à Orchies (Nord).

"Des matchs de haut niveau tactique et technique"

"Je comprends la surprise et qu'on puisse se demander pourquoi il y en a autant dans le paratennis de table, mais la chandelle répond à des limites liées aux handicaps de certains joueurs par rapport à des situations de jeu", rapporte l'ancien paralympien Julien Soyer. Concrètement, ce coup est essentiellement utilisé dans les catégories 1 et 2, où s'affrontent les joueurs porteurs d'un handicap lourd des membres inférieurs et supérieurs.

"On retrouve ce coup chez les personnes tétraplégiques, parce qu'elles ont plus de difficultés physiques, confirme le consultant. Quand on découvre le handisport, on se dit : 'Ah, les salauds'. Mais quand on joue au tennis et qu'on repère un adversaire qui a du mal à faire des revers, on n'hésite pas à jouer sur son revers, c'est pareil. Ce sont des matchs de haut niveau tactique et technique." Chez les pongistes valides, ce coup est effectué dans de rares cas. Généralement dans des tentatives désespérées, quand un joueur se retrouve en difficulté dans un échange.

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