: Reportage Paris 2024 : le Vélodrome national, tremplin pour le para tennis de table qui accueille l’un des plus gros tournois de l’année
"C'est un peu spécial de jouer en plein milieu d'une piste, les tribunes sont loin mais il y a un côté hypnotisant quand on pénètre dans l'enceinte." En quelques mots, Matéo Bohéas a parfaitement résumé l'impression générale, une fois les portes du Vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines) franchies, pour découvrir l'Open de France, une compétition internationale de para tennis de table.
Jeudi 9 novembre, le regard du vice-champion paralympique à Tokyo (classe 10, atrophie du mollet gauche), comme celui de tous, est aimanté par le centre de l'arène. Les gradins dominent les 18 tables installées au cœur de l'enceinte, qui accueillera les épreuves de cyclisme sur piste des Jeux olympiques et paralympiques l'été prochain.
Aux bruits des habituels coups de pédales frénétiques se substitue l'écho des balles qui rebondissent. Dans les coursives, les raquettes tutoient les vélos sans frein, grossièrement rangés et jamais loin de leur terrain naturel. Un moyen de rappeler que ce vélodrome transformé ne l'est que temporairement, jusqu'au 12 novembre.
Sur le parterre rouge central, Roza Soposki multiplie les longueurs. La manager de la performance de l'équipe de France vient discuter avec les athlètes tricolores, s'enquérir de leur état, leur glisser quelques mots d'encouragement avant leurs matchs. Pour elle, ce tournoi est "le deuxième plus important au niveau mondial en termes de densité et de niveau de jeu", avec la présence "pas anodine" de la délégation chinoise. L'occasion de se mesurer aux nations fortes et émergentes - comme la Thaïlande - et de tenter, pour les 22 pongistes français(es), de prendre des points précieux au "ranking" mondial, qui déterminera à la fin mars les places qualificatives pour Paris 2024.
Une équipe de France en voie de rajeunissement
"On a un groupe solide qui est là pour performer, avec une nouvelle génération qui a émergé, précise-t-elle. Entre Londres 2012 et Tokyo 2021, il n'y a eu que deux néo-qualifiés pour les Jeux. L'année prochaine, il y en aura cinq ou six. Cela prouve que l'on a réalisé un vrai travail de détection et d'accompagnement. On tâche désormais de construire un équilibre, avec des jeunes qui aspirent à monter rapidement sur un podium paralympique."
Flora Vautier (classe 4, paraplégique), 19 ans, et Lucie Hautière (classe 8, hémiplégique), 23 ans, sont parmi les principales têtes d'affiche de cette génération florissante. Si toutes les deux ont des profils davantage estampillés "Los Angeles 2028", elles espèrent bien mettre toutes les chances de leur côté pour briller à domicile dans moins de 300 jours. "À partir de janvier, je vais enchaîner six ou sept tournois pour essayer de progresser au classement et me qualifier pour les Jeux", confie Lucie Hautière qui, pour l'anecdote, habite à cinq minutes à pied du Vélodrome. Flora Vautier, elle, espère obtenir son billet via le double dames. "Ça va être une période intense, mais on ne veut rien regretter."
Dans son t-shirt orange, Joffrey Nizan ne passe pas inaperçu. Sourire aux lèvres, le directeur du tournoi supervise les rencontres. Il revient sur la création, en 2021, de la première édition de cette compétition internationale, alors que la France n'en avait plus accueilli depuis 2014. "Notre objectif était de montrer ce que peut être le parasport, de permettre à nos sportifs du territoire d'être à la maison et de mettre en lumière la qualité de notre structure d'entraînement ici au SQY Ping."
"Dans la tête des gens, le sportif paralympique est souvent représenté en fauteuil roulant. Et dans le vélodrome, il n'y a aucun fauteuil. Les para cyclistes marchent tous. Le fait d'amener le fauteuil dans cet espace olympique et paralympique, c'était intéressant et symbolique pour nous."
Joffrey Nizan, directeur du tournoià franceinfo: sport
Club de la communauté d'agglomérations de Saint-Quentin-en-Yvelines, le SQY Ping fait aujourd'hui figure de référence en para tennis de table. Mais à l'origine, celui-ci se situait à Voisins-le-Bretonneux et comptait "très peu d'adhérents" se souvient Joffrey Nizan. "On jouait dans une école, il n'y avait pas de salle... Le club a grossi progressivement jusqu'à ce qu'une athlète de haut niveau, Florence Sireau-Gossiaux, vienne nous voir. Elle cherchait une nouvelle structure pour l'aider à aller chercher sa qualification pour les Jeux paralympiques de Rio 2016. Il y a eu un écho chez des personnes en situation de handicap, qui ont vu que l'accompagnement était là. On a également noué un partenariat avec l'EREA Toulouse-Lautrec de Vaucresson. Aujourd'hui, tous handicaps confondus, on est sur 35 à 45 sportifs licenciés au club, avec trois sportifs de haut niveau qui essaient d'obtenir leur billet pour Paris 2024. Et Florence Sireau-Gossiaux est désormais la présidente du club, toutes sections confondues."
Une fausse répétition avant les Jeux ?
Installés dans les tribunes, les six pongistes tricolores de la classe 11 (déficience intellectuelle) se préparent à entrer en lice. Lucas Créange et Léa Ferney, médaillés de bronze et d'argent à Tokyo, courent encore après leur qualification l'été prochain. "Ils viennent pour gagner et glaner un maximum de points au 'ranking'", affirme Marie-Paule Fernez, directrice technique nationale de la Fédération française de sport adapté (FFSA).
Pour elle, pas question de parler de répétition générale avant les Jeux. "Ce n'est pas la même configuration, ni la même localisation (le tournoi de para tennis de table aura lieu à l'Arena Paris Sud). Pour les étrangers, ça y ressemble davantage, avec un déplacement presque similaire. Pour nous, c'est un Open à domicile, dans lequel il faut briller." Un avis partagé par Matéo Bohéas. "Dans ma catégorie, il manque tous les meilleurs", précise le troisième mondial. "On se bat un peu à distance, mais quand ça comptera vraiment, ils seront là."
À proximité des vestiaires, des enfants grimpent dans un fauteuil roulant et prennent position des deux côtés d'une table. Tant bien que mal, ils essaient de se renvoyer la balle en domptant leur machine. Sur un coup gagnant, l'un d'entre eux s'écrie : "Et voilà, comme les frères Lebrun !"
Félix et Alexis Lebrun, les locomotives de toute une discipline
Cet instantané illustre la notoriété grandissante des deux frères, Félix et Alexis, stars montantes de la discipline chez les valides. Sur les réseaux sociaux, des vidéos d'échanges assez fous mettant en scène l'un ou l'autre sont souvent exhibées, et connaissent un certain succès. De là à dire que, grâce à eux, le tennis de table devient populaire ? "Ils font énormément de bien, beaucoup de personnes s'intéressent de plus près à notre sport, se réjouit Joffrey Nizan. Au club, des jeunes se mettent à jouer avec une prise porte-plume comme Félix Lebrun. Je pense qu'il y a une vraie émulation et une identification."
"Ils ont un niveau de jeu de dingue, il y a une grosse 'hype' du ping en ce moment", renchérit Matéo Bohéas. "En plus, ce sont deux super gars, humbles et passionnés. Avec Félix, on a fait des séances à Montpellier. Maintenant, est-ce que cela peut avoir des répercussions sur les athlètes paralympiques ? Je ne sais pas. On a toujours été un sport qui rapportait beaucoup de médailles aux Jeux, à Tokyo on était les premiers pourvoyeurs (11 médailles). Mais leurs exemples, cela peut générer des vocations, y compris du côté des personnes en situation de handicap. Dans tous les cas, cela crée un élan positif pour l'an prochain et on compte bien s'en saisir."
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