: Reportage "Beaucoup de personnes ne trouvaient pas d’activités sportives..." Comment les clubs inclusifs ouvrent les portes du sport aux personnes en situation de handicap
Le bruit des patins résonne dans la salle du roller club de Sevran (RCS), en Seine-Saint-Denis. Ce soir-là, au milieu d'une trentaine d'enfants, Sophie Ly réalise un travail spécifique sur divers ateliers avec Sami. Le jeune homme, qui vient tout juste de fêter son 20e anniversaire, est atteint d'autisme sévère (pas de langage parlé). Pas de quoi l'empêcher de travailler sa coordination pendant près d'une heure, sous le regard attentif de sa mère Sonia. "Il a débuté fin septembre et grâce à Sophie, il a repris confiance en lui, il prend du plaisir à faire du sport", explique-t-elle.
Gênée par les compliments, l'éducatrice s'éloigne et pose, cette fois, son regard bienveillant sur Adjan. Casque anti-bruit sur les oreilles, le garçon de 11 ans parcourt le terrain le sourire aux lèvres, slalomant aisément entre les plots sur son chemin. Également atteint d'autisme, il communique avec les pictogrammes et les images pour se faire comprendre. "Il entame sa quatrième année avec ses frères, précise sa maman. Ça a été très dur de trouver un club dans lequel il peut s'épanouir. Il a fait un essai en trampoline, mais ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas le prendre. Alors on s'est rapprochés de cette structure à Sevran, un peu par hasard, grâce au bouche-à-oreille".
Créé en 1986, le roller club "a toujours accepté les enfants en situation de handicap", précise Sophie Ly. Cette année, ils sont six à être encadrés. "Il y a plus de demandes mais je ne peux pas prendre davantage de personnes pour l'instant", regrette-t-elle.
Un programme pour pousser le développement du parasport et du sport adapté
Dans une optique de développement, le RCS a intégré le programme "club inclusif", mis en place en décembre 2022 par le Comité paralympique et sportif français (CPSF). Celui-ci propose d'accompagner pendant six mois les clubs souhaitant accueillir des personnes en situation de handicap, en levant les freins liés aux préjugés de l’accueil et de l’encadrement de ce public. Aujourd’hui, le programme compte 700 structures en métropole, sur un objectif de 3 000 d’ici la saison sportive 2024-2025.
Des parcours sont réservés aux encadrants et aux dirigeants des structures, qui suivent chacun des modules de formation théoriques et pratiques. Le coût du programme est, lui, supporté à hauteur de 6 000 euros par les collectivités locales mais aussi par le CPSF (entre 4 000 et 6 000 euros par session).
L'objectif, à terme, est de pousser la pratique du parasport et du sport adapté en profitant de l'opportunité des Jeux paralympiques à Paris (28 août au 8 septembre), mais aussi d'inviter en masse les clubs à se recenser sur le Handiguide, outil du ministère des Sports répertoriant les structures parasportives partout sur le territoire.
"Fin 2022, seulement 1,4% des clubs se disaient en capacité d'accueillir des personnes en situation de handicap", rappelle Tristan Palmier, chargé de projet "club inclusif" au Comité paralympique. D'où la nécessité d'élargir la base le plus possible, et ainsi éviter aux pratiquants et parents de parfois faire de nombreux kilomètres pour trouver un club et pratiquer leur sport.
"Il faut développer un réseau, dire aux personnes en situation de handicap que oui, c'est possible de faire du sport. On peut adapter l'enseignement, le contenu des cours en incluant tout le monde, c'est loin d'être insurmontable."
Astrid Géridan, professeure de danse et handidanse au club omnisports de Saint-Denisà franceinfo: sport
Astrid Géridan a été au contact à plusieurs reprises de familles démunies, n'arrivant pas à trouver une structure sportive adéquate. Professeure de danse au SDUS (Saint-Denis Union Sport), la jeune femme a dû écarter certaines demandes par le passé, "faute d'outils nécessaires". Diplômée handidanse depuis trois ans et formatrice au sein de la Fédération handidanse adaptée inclusive, elle a renforcé son bagage pour pouvoir travailler avec tous types de handicaps. "Et avec 'club inclusif', on a pu rencontrer des athlètes paralympiques, voir d'autres activités, envisager d'autres méthodes", se réjouit-elle.
Astrid se souvient d'une jeune fille avec un handicap moteur, qui se déplaçait avec un déambulateur et voulait faire de la danse classique après avoir vu le film "Ballerina". "Elle ne tenait pas longtemps debout, avait besoin de s'accrocher à la barre... Je ne voulais pas faire de bêtises pour sa santé, se remémore-t-elle. Au départ on tâtonne, on a peur de faire des erreurs. Puis on apprend, la confiance arrive et ça va mieux. Beaucoup de personnes ne trouvaient pas d’activités sportives. Aujourd'hui à Saint-Denis, les familles sont à fond et n'hésitent plus à appeler pour dire : 'Mon enfant est autiste, mon enfant a la trisomie 21, est-ce qu'on peut quand même faire un essai ?' C'est génial."
Depuis son "écrin de verdure" - comme il aime à l'appeler - du 20e arrondissement de Paris, à quelques mètres de la porte de Montreuil, David Reybier mesure lui aussi le chemin parcouru. Président du club bouliste de la Croix Saint-Simon depuis 24 ans, il a vu sa structure évoluer considérablement depuis la fin des années 2000. "Cela fait 12 ans que l'on travaille avec des personnes sourdes. À l'époque, elles me disaient : 'Tu sais David, personne ne veut de nous'. Lors des premières discussions avec le Comité paralympique sur ce programme "club inclusif", on nous a rappelé que c'était malheureusement encore des réalités pour beaucoup de personnes en situation de handicap."
Rendre le label "club inclusif" plus visible ?
Le club bouliste compte aujourd'hui 40 personnes sourdes, dont une bonne quinzaine pratiquant en compétition la pétanque et la boule lyonnaise avec un succès certain (plusieurs titres de champions de France et un titre de champion d'Europe glané l'été dernier). L'apprentissage de la langue des signes s'est également démocratisé au sein de la structure.
En parallèle, David Reybier poursuit son engagement auprès d'un Foyer d'accueil médicalisé (Fam Maraîchers) : "On aspire à solidifier les fondations pour prétendre à recevoir d'autres personnes en situation de handicap, de rejet, de maladie... Cela permet aussi de pousser des sujets comme la mise en accessibilité, notamment des vestiaires et du club house".
Reste désormais à offrir davantage de visibilité à ces clubs inclusifs. "J'aimerais bien qu'on ait un panneau devant le roller club, une sorte de label qui montre qu'on a participé à ce programme", explique Sophie Ly. Une envie partagée par ses homologues de Saint-Denis et de Paris, qui regrettent toutefois que la formation reçue par les dirigeants et encadrants ne soit pas certifiante.
"Notre réflexion initiale était de permettre à des clubs d'avoir une première approche avec ce public. Ensuite, s'ils le souhaitent, ils pourront suivre des formations qualifiantes proposées par le mouvement fédéral", précise Tristan Palmier du Comité paralympique français. Sur l'objectif final de 3 000 structures inclusives pour 2024-2025, 1 500 sont attendues pour les Jeux de Paris 2024.
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