Paralympiques 2024 : Heïdi Gaugain, la paracyliste qui rêve des Jeux olympiques 2028

Après les Jeux paralympiques de Paris, la Française souhaite se concentrer sur sa carrière chez les valides. Aux prochains JO, elle ambitionne de porter le maillot bleu en cyclisme sur piste.
Article rédigé par Anaïs Brosseau - envoyée spéciale à Clichy-sous-Bois
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
La vice-championne paralympique du contre-la-montre (catégorie C5), Heïdi Gaugain, lors de la cérémonie de remise des médailles, le 4 septembre 2024. (ALEX WHITEHEAD/SWPIX.COM/ SIPA)

Heïdi Gaugain est une jeune femme de 19 ans qui sait parfaitement vers où elle pédale. C'est aussi une athlète qui déteste perdre. Inconsolable après sa médaille d'argent sur la poursuite individuelle sur piste dimanche, elle avait l'argent moins déçu, mercredi 4 septembre, sur l'épreuve du contre-la-montre sur route (catégorie C5). Elle a tout de même brièvement pesté sur ces cinq secondes qui la privent d'un premier titre paralympique. "Je vais essayer de plus savourer le podium. Je tombe face à Sarah Storey mais c'est une légende et j'espère que plus tard je serai une légende, comme elle en tout cas", glissait-elle après sa course, médaillon doré en forme de vélo autour du cou.

Malgré ces deux breloques en trois épreuves (la première était une simple mise en jambes) et la perspective d'une troisième lors de la course en ligne, vendredi 6 septembre, la paracycliste tricolore balayait toute projection vers LA 2028 pour convertir ces médailles d'argent en or. Car Heïdi Gaugain, née sans avant-bras gauche, ambitionne d'abord de faire sa place chez les valides. "Quatre ans, c'est trop loin. Je ne me projette jamais autant. Déjà, courir l'année prochaine chez les valides, c'est un bel objectif. J'aurai de belles courses à faire." Avant même son entrée en lice dans ses premiers Jeux paralympiques, Heïdi Gaugain confiait vouloir "vivre à fond sa dernière saison para".

"L'année prochaine, voire les deux prochaines années, je ne ferai que ça, tout simplement parce que je veux me donner la chance de réussir chez les valides. Le projet est de passer professionnelle."

Heïdi Gaugain, vice-championne paralympique du contre-la-montre

en conférence de presse

Du côté du staff tricolore de l'équipe paracycliste, l'entraîneur Mathieu Jeanne valide ce virage : "C'est un choix de carrière logique pour progresser, passer un cap, voir autre chose aussi. C'est important de garder du plaisir." Le manager de la performance Laurent Thirionet tressait aussi des lauriers à Heïdi Gaugain au micro de France Bleu : "Elle est impressionnante, elle est vive, c'est une super belle personne, douée, gentille, attachante, travailleuse. Heïdi est bourrée de talent et on a hâte de la voir grandir. Elle a un très bel avenir dans le paracyclisme et dans le cyclisme chez les valides."

Heïdi Gaugain lors du contre-la-montre des Jeux paralympiques, le 4 septembre 2024, à Clichy-sous-Bois. (SIPA)

Si elle refuse de se projeter, Heïdi Gaugain a tout de même bien en tête un rêve à long terme : faire partie de l'équipe de France de cyclisme sur piste olympique lors des Jeux de Los Angeles 2028. "Ça fait déjà longtemps qu'elle a annoncé qu'elle voudrait faire les Jeux paralympiques et olympiques", rappelle son père Fabrice Gaugain, qui a insufflé la passion du vélo à ses deux filles. "On a regardé ensemble. Je crois qu'il y a une dizaine d'athlètes dans le monde qui ont d'abord participé aux Paralympiques avant de concourir aux JO. Heïdi veut entrer dans ce cercle fermé", ajoute Bastien Le Masson, son agent.

De son côté, Mathieu Jeanne ne se prononce pas sur la faisabilité de l'objectif de la cycliste, qu'il voit capable de s'améliorer physiquement et surtout mentalement. "Elle est jeune. Il faut voir comment elle progresse, si d'autres filles se montrent très fortes", justifie l'entraîneur, qui précise que le projet d'Heïdi Gaugain ne lui ferme pas les portes d'une future sélection paralympique : "Ce sont les deux années avant Los Angeles 2028 qui comptent".

Première paracycliste sacrée aux Mondiaux chez les valides

Par le passé, Heïdi Gaugain a prouvé qu'elle avait les jambes pour briller sur tous les tableaux. En août 2022, aux Championnats du monde junior de cyclisme sur piste à Tel Aviv (Israël), elle remporte le titre en poursuite par équipes et en individuel lors de la course aux points. Jamais avant une paracycliste n'avait décroché un titre mondial chez les valides. Deux mois plus tard, elle décroche aux Mondiaux de paracyclisme sur piste, à Saint-Quentin-en-Yvelines, l'argent sur la poursuite et le bronze sur l'omnium. Elle n'avait alors pas 18 ans et seulement sept ans de pratique dans les jambes, dont deux passés au pôle espoirs de paracyclisme de Bayonne.

A 11 ans, après avoir testé la natation et le roller, Heïdi Gaugain a suivi les traces de son père, président du club de Saint-Georges-sur-Erve (Mayenne), et enfourché un vélo, sa prothèse scotchée au guidon. "Heïdi, il fallait toujours qu'elle réussisse. Sur l'exercice où il faut ramasser un bidon par terre, ce n'était pas évident pour elle. Elle continuait toujours jusqu'à ce qu'elle y arrive et au final elle était parmi celles qui le faisaient le mieux", décrit Fabrice Gaugain.

Pour engranger un maximum d'expérience, Heïdi Gaugain devrait rejoindre une équipe de division National 1 l'an prochain. "On a déjà un accord de principe pour une saison. Heïdi ne sera pas encore cycliste professionnelle. Mais comme une équipe amateur peut demander des invitations sur les courses UCI, Heïdi pourrait être engagée à peu près 30% de son temps sur des courses professionnelles", éclaire Bastien Le Masson. En 2023, la Mayennaise avait déjà vécu une saison complète chez les pros, sous les couleurs de Bizkaia-Durango. Elle avait alors pu inscrire sur son CV une participation au Tour de Burgos (Espagne), sa première course à étapes sur le World Tour.

"L'objectif, c'est qu'elle s'étoffe, qu'elle gagne des courses, qu'elle se rende encore plus visible et crédible aux yeux des professionnels. Elle va pouvoir avoir le rôle de capitaine de route et ainsi prouver qu'à l'avenir elle est capable d'endosser le costume de leader", justifie son agent, soucieux de la protéger d'une trop grosse mise en lumière avant une bascule chez les pros espérée pour 2026. Le retour sur la route est en outre habituel chez les pistards en début d'olympiade, puisque le cyclisme sur piste n'est pas rémunérateur.

A l'avenir, les compétitions de paracylisme feront office de bonus pour la Tricolore. Dans son plan de route, elle retrouvera les pistes des vélodromes à l'approche des JO 2028. "On ne vise pas particulièrement la sélection sur route car il y a beaucoup d'athlètes, et parce que c'est plus aléatoire. La liste dépend de la forme des cyclistes, du parcours. Sur piste, elle s'appuie sur une construction sur plusieurs années, détaille Bastien Le Masson. Mais si jamais Heïdi est aussi appelée sur route, elle ne refusera pas." Mais avant de penser au rêve olympique, Heïdi Gaugain a d'abord une dernière course pour garnir un peu plus son palmarès paralympique, avec pourquoi pas la plus belle des médailles ?

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