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Reportage Euro 2021 : entre France et Suisse, une rivalité sportive asymétrique

Pour la cinquième fois depuis 2004, les Français et les Suisses vont s’affronter dans une compétition internationale. Côté Helvétique, une rivalité s’est créée à l’égard des Bleus.

Article rédigé par Denis Ménétrier, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial à Bucarest
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Paul Pogba accroche Granit Xhaka, lors du match entre la France et la Suisse, le 19 juin 2016. (MUSTAFA YALCIN / ANADOLU AGENCY / AFP)

Dans les rues de Bucarest dimanche 27 juin, pas simple de tomber sur un supporter suisse ou français. La capitale roumaine a beau déjà avoir accueilli trois matchs lors de cet Euro 2021, la ville ne vibre pas particulièrement au rythme de la compétition. À tel point que, mis à part quelques fanions pour indiquer la direction de la National Arena, où les Bleus joueront leur huitième de finale face à la Suisse lundi 28 juin, on pourrait légitimement se demander si un Euro se déroule à Bucarest.

Mais après avoir sillonné l'apaisant parc Cismigiu, constaté que rien ne se passait devant l'hôtel des Bleus et admiré l'immense palais du Parlement sans avoir croisé le moindre Suisse ou Français, direction Lipscani, dans le vieux Bucarest, où traînent généralement les touristes. Attablés dans un bar, une bière à la main, quatre supporters suisses lancent les hostilités. "C'est clair qu'on a plus envie de battre les Français que n'importe quelle autre équipe dans cet Euro", affirme Michael, maillot de la Nati sur le dos.

La Suisse de plus en plus crédible sportivement

Le doux son d'une rivalité sportive franco-suisse ré-émerge depuis quelques jours. Sur les réseaux sociaux, plusieurs articles de presse suisses ressortent. "Plumez ce coq", titrait Le Matin en 2014, avant la défaite de la Suisse contre l'équipe de France en phase de groupes (2-5) de la Coupe du monde. "Oui, il existe une rivalité", nous affirme Christophe, à la suite de son ami Michael.

Pourtant, cette rivalité n'est pas évidente côté français et semble asymétrique. Depuis 2004, les Bleus ont rencontré quatre fois la Suisse en compétition (Euro 2004 et 2016, Coupe du monde 2006 et 2014) pour deux victoires et deux nuls. Julien et Thomas, deux supporters français croisés devant le musée national d'art de Roumanie, à quelques mètres de l'hôtel des Bleus, sont tranchants : "Non, pour moi les Suisses ne sont pas vraiment des rivaux. Si ça avait été l'Espagne ou l'Italie, ça aurait été différent."

"Le fait que la Suisse rejoue plusieurs compétitions redonne de l'intérêt à l'aspect sportif lors de ces matchs parce qu'on peut imaginer que la Suisse peut rivaliser. Et pour qu'il y ait une rivalité sportive, il faut que les deux équipes soient en mesure de s'imposer", explique à franceinfo : sport Philippe Vonnard, historien du sport et chercheur à l'université de Lausanne.

"La grande gueule des Français nous insupporte"

Face aux champions du monde, les Suisses se verraient donc bien réaliser un exploit et laisser bouche bée l'encombrant voisin. Retour à Lipscani, où les rues sont jonchées des verres de la veille. "La grande gueule des Français nous insupporte surtout depuis 2018", rigole à moitié Lianel, présent à Bucarest après avoir suivi la Suisse lors des premiers matchs à Bakou et Rome. Une rue plus loin, quatre autres supporters de la Nati, installés à une table, profitent du beau temps avant l'averse qui a légèrement rafraîchi la capitale roumaine quelques heures plus tard.

"Non, ce n'est pas important que ce soit la France. C'est un huitième de finale classique pour nous", nous répond Paolo, dans un français marqué par un fort accent italien. Lui et ses potes viennent du Tessin, dans le sud-est de la Suisse, à la frontière avec l'Italie.

Là se trouve la complexité de la rivalité dont se nourrit une partie des supporters suisses : "La Suisse est multilingue, culturellement divisée", souligne Philippe Vonnard. Signe de cette division culturelle, les joueurs de la Nati se sont entraînés en trois groupes distincts lors des "toro" de début de séance hier, les francophones de leur côté.

Les joueurs suisses à l'entraînement à la National Arena de Bucarest, le 27 juin (FRANCK FIFE / AFP)

À chacun son rival

Pour Paolo et ses amis, le match le plus symbolique pour la Suisse s'est déroulé le 16 juin dernier au stade Olympique de Rome contre la Squadra Azzurra. "Face aux Italiens, c'était la rencontre la plus importante", affirme le supporter de la Nati, qui s'était lourdement inclinée (3-0). Côté alémanique, l'intérêt de la rencontre face à l'équipe de France s'arrête à l'aspect décisif d'un huitième de finale.

"Pour nous, le vrai derby, c'est bien davantage contre l'Allemagne. D'ailleurs, on était nombreux à vouloir tomber contre eux. Mais c'est vrai que pour moi qui joue à Bâle, la France n'est pas loin non plus", estimait de son côté Silvan Widmer, défenseur de la Suisse qui devrait être au marquage de Kylian Mbappé ce soir, au Matin le 24 juin. Lors du dernier match de la Suisse face à la Turquie (3-1), aucun Romand n'était présent sur la pelouse.

Michael et ses amis de Suisse romande n'en prennent pas ombrage. Si les joueurs de la Nati sont déterminés à faire tomber l'équipe de France alors que personne ne s'y attend, eux seront portés par un supplément d'âme. Confiants et prêts à célébrer la victoire dans la chaude ambiance du centre de Bucarest, les quatre Suisses ont déjà réservé leurs billets d'avion pour le quart de finale à Saint-Pétersbourg.

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