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L’Euro de football, vitrine de l’Histoire : de nouveaux défis pour l'Euro

Depuis sa première édition en 1960, la petite histoire de l’Euro de football s’entrechoque avec la grande. Lors des trois derniers tournois, la compétition a été frappée par des défis inattendus.

Article rédigé par Denis Ménétrier, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7 min
Lors des derniers championnats d'Europe, la compétition a fait face à de nouveaux défis, comme la crise sanitaire qui touche l'Euro 2020 (Florian Parisot/FranceInfo Sport/AFP)

À 24 heures du match d'ouverture de la 16e édition de l'Euro entre la Turquie et l'Italie, les dirigeants de l'UEFA peuvent souffler un grand coup. Sauf tremblement de terre ou autre épisode apocalyptique, l'Euro 2020 aura bien lieu, avec un an de retard. L'aboutissement d'un long chemin de croix, après un report, l'établissement de jauges de supporters, la relocalisation de certains matches, le retrait d'une ville-hôte...

Malgré tous ces aléas, l'Euro va pouvoir débuter. Le tournoi, qui fête ses 60 ans avec douze mois de retard, a su résister à une crise sanitaire mondiale qui n'est finalement que le prolongement d'autres nouveaux défis venus ternir les deux dernières éditions. "On était sur un Euro heureux jusqu'en 2008. On a basculé par la suite dans une période de crises multidimensionnelles", nous indique Guillaume Germain, auteur de 1960-2020 : 60 ans d'Euro de football.

Euro 2012 : une co-organisation sous pression

Le premier nouveau défi auquel se retrouve confronté l'Euro est celui de la crise économique et financière qui touche le continent européen à partir de 2008, quelques mois après les États-Unis. Alors que l'Euro en Suisse et en Autriche a été épargné, celui qui se prépare du côté de l'Ukraine et de la Pologne se retrouve rapidement sous pression. Les difficultés financières remettent en question les constructions et rénovations d'infrastructures et de stades.

La Pologne, déjà membre de l'Union européenne, a les reins plus solides que son voisin. "Pour l'Ukraine, ça a été très compliqué", soutient Germain. À eux deux, les organisateurs ont investi la somme considérable de 30,2 milliards d'euros pour construire ou rénover des routes, des lignes de chemin de fer, des aéroports ou des stades. Un budget considérable, comparé aux 13 milliards d'euros investis par le Japon pour les Jeux olympiques de 2020, ou le record de 17,9 milliards d'euros investis par la Russie pour les JO d'hiver de Sotchi en 2014.

Un demi-milliard d'euros est notamment destiné à rénover le stade olympique de Kiev, qui accueille le premier match de l'Ukraine face à la Suède (2-1), marqué par le doublé du vétéran Andreï Shevchenko, désormais sélectionneur de la Zbirna. Les sommes déboursées sont immenses, et les pays souffrent de la crise. Ce défi financier menace les dates de livraison des stades et des infrastructures. L'UEFA s'impatiente et met la pression, notamment sur l'Ukraine.

"Cet Euro 2012 est un vrai tournant parce que la réalité s'impose et que l'objectif est d'être plus raisonnable"

Guillaume Germain, historien du sport

"Je suis inquiet, mais toujours confiant. Il faut que ça aille puisque le comité exécutif de l'UEFA a décidé que l'Euro n'aurait pas lieu en Ukraine s'il ne devait pas y avoir de stade dans la capitale", indique Michel Platini en mars 2010. La compétition aura bel et bien lieu. "Il y a eu de grandes inquiétudes, des interrogations, mais aucun plan B n'a été envisagé", indique Germain, qui constate que "désormais, l'UEFA va  immédiatement choisir une alternative."

Loin d'être brillante sur le terrain, battue par l'équipe de France et éliminée dès la phase de poules, l'Ukraine souffre. Le pays dirigé par Viktor Ianoukovitch ne profite pas réellement des retombées de la compétition. "Les bénéfices provenant de l'Euro 2012 sont limités à l'amélioration des infrastructures", écrit l'Institute for Economic Research and Policy Consulting dans son rapport sur la situation économique du pays en 2012.

"La crise balaie d'un revers de main l'idée de pouvoir organiser un Euro seul, surtout dans un pays où il y a besoin de rénovation ou de construction de stade", explique Guillaume Germain. D'où le choix de l'Allemagne pour l'Euro 2024, déjà fournie en infrastructures et en stades flambant neufs après avoir organisé la Coupe du monde 2006.

Le match entre la France et l'Ukraine dans la Donbass Arena de Donetsk avait été marqué par un orage très violent, le 15 juin 2012. (SERGEI SUPINSKY / AFP)

Euro 2016 : le sens de la fête

Quatre ans plus tard, une nouvelle menace plane sur l'Euro : celle des attentats terroristes qui ont ensanglanté la France en 2015. Visé le 13 novembre, le match amical entre les Bleus de Didier Deschamps et l'Allemagne rappelle que l'Euro 2016 organisé par la France pourrait être une cible idéale pour le terrorisme djihadiste. Événement sportif, mais également festif, l'Euro est en danger.

"C'est un sujet que l'on traitait depuis le début de l'organisation avec le ministère de l'Intérieur, et on était sur un niveau d'alerte très élevé. Mais les attentats ont relevé encore plus le niveau de vigilance", nous explique Jacques Lambert, président du comité d'organisation de l'Euro 2016. 18 ans après la Coupe du monde 1998 et l'intense communion qui a découlé de la victoire finale, la France veut rééditer l'exploit et vivre les mêmes moments d'extase avec ses supporters.

Mais trois jours après le match d'ouverture entre la France et la Roumanie (2-1) le 10 juin, le double attentat de Magnanville jette un froid sur la bonne tenue de la compétition sans drame. Larossi Abballa, le djihadiste auteur des meurtres, assure dans une vidéo revendiquant l'attentat : "l'Euro sera un cimetière". "L'idée était alors de rassurer parce que c'était une inquiétude majeure pour le grand public, notamment sur les fanzones", expose Guillaume Germain.

"La position était unanime : on savait qu'il y avait un haut niveau de menace sur les fanzones, mais on a décidé de les maintenir et de les sécuriser. On en a fait des sites où l'on entre dedans de la même manière que dans les stades, avec une fouille de sécurité"

Jacques Lambert, directeur du comité d'organisation de l'Euro 2016

Au fur et à mesure que l'équipe de France progresse dans la compétition, jusqu'à atteindre le dernier carré, la fête se poursuit. Une fête cadrée, sécurisée, mais une fête quand même. Celle-ci est simplement gâchée par la défaite des Bleus en finale face au Portugal au terme d'un scénario cruel (0-1 a.p.). "Ce qui a été construit en 2016 va être préservé dans le temps pour de multiples raisons", indique Germain. Notamment pour l'Euro 2021, marqué par un nouveau type de défi.

Des supporters français présents dans la fanzone de Lyon réagissent à la défaite des Bleus en finale contre le Portugal, le 10 juillet 2016 (ROMAIN LAFABREGUE / AFP)

Euro 2021 : bas les masques

Un Euro 2020 officiellement repoussé d'un an le 17 mars 2020, une semaine avant le report des Jeux olympiques. La compétition organisée par l'UEFA ne résiste pas à la vague provoquée par la pandémie mondiale. "La société et le sport ont généralement un temps d'avance sur la politique. Là, tout le monde a été impacté au même moment dans une forme d'incompréhension. Tout le monde a été pris de court", explique Guillaume Germain.

Début 2020, personne n'envisage une telle issue alors que le Covid-19 n'a pas encore atteint le sol européen. Une menace invisible et imprévisible, "caractéristique de ces nouveaux défis", selon l'historien du sport. "À l'époque, les acteurs étaient identifiés, étatiques. La crise économique, c'est une forme d'ennemi invisible, la crise terroriste, ce sont des gens sous les radars, et la crise sanitaire, c'est le paroxysme de l'impact qui est non-identifiable."

La menace du virus identifiée, les organisateurs sont parvenus à s'adapter pour proposer un Euro dans onze villes au lieu de douze, après le retrait de Dublin. Des jauges permettront même d'accueillir des supporters, selon les décisions des gouvernements locaux, à l'image du volontarisme de la Hongrie, qui pourra compter 67 000 personnes dans son stade Ferenc-Puskas, notamment contre l'équipe de France le 19 juin prochain.

La Russie, qui accueillera quatre matches lors de l'Euro, avait admis 13 000 supporters lors de son match face à la Slovénie, le 27 mars 2021. (ALEXEY FILIPPOV / SPUTNIK)

Cette crise sanitaire et le destin de cette 16e édition de l'Euro viennent en tout cas rappeler que ce tournoi créé en 1960 est un sujet de l'Histoire, chaque tournoi s'inscrivant dans un contexte bien particulier. "Les conflits entre États se sont estompés et ont moins marqué la compétition, l'Euro a été moins affecté par des enjeux géopolitiques et est aujourd'hui rattrapé par des défis qui nous touchent tous", souligne Germain.

Après les crises économique, terroriste et sanitaire, quel défi attend l'Euro 2024 qui se déroulera en Allemagne ? "Je suis optimiste, je pense qu'on va retrouver à partir de la prochaine édition la période heureuse du tournoi", veut croire l'historien du sport. Menacé, chamboulé, réformé, l'Euro a une nouvelle fois prouvé sa résilience face à des défis nouveaux et inhérents à l'Histoire.

Le 60e anniversaire de l'Euro aura finalement été spécial, mais en dit long sur la façon dont s'inscrit le tournoi dans l'Histoire. "C'est un anniversaire particulier mais qui laisse la place à beaucoup d'autres", conclut Guillaume Germain.

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