Dakar 2023 : un kilomètre en 1h30, roues déjantées, falaises de sable… On a fait les reconnaissances de l'Empty Quarter
"Tu vas voir, cette année on va faire différent pour les recos." David Castera, le Directeur du Dakar, a ce sourire malicieux qui le caractérise… La scène se passe début octobre à Paris, près de deux mois avant l'annonce du tracé 2023, jeudi 1er décembre. "On part à deux voitures et on ouvre sur trois étapes dans l’Empty Quarter. L’équipe qui écrit le road book nous suivra à deux jours derrière." L'idée de remplir cette feuille blanche dans ce désert absolu au Sud de l’Arabie Saoudite est grisante. Le Rhub Al Khali, ou Empty Quarter est une synthèse de dunes, de sol sablonneux et de lacs asséchés. Là-bas, pas de puits, encore moins d’oasis. C’est le quart vide du pays qui sépare le Royaume saoudien des Emirats Arabes Unis, d’Oman et plus à l’Ouest du Yemen.
Empty quarter, full desert
Un mois plus tard, nous roulons entre Riyadh et le point de départ de l’étape 10 (Haradh-Shaybah). 600 kilomètres d’asphalte. Nous quittons la route qui mène vers Oman, à droite toute dans les premières et petites dunes. Une après-midi sans trop d’encombres mais la journée se termine tout de même à la lumière des phares pour atteindre le camion d’assistance qui nous attend au bord de la route. Et dire que c’est la partie facile de la trilogie…
Le lendemain, debout à 4h30. A l’attaque de la deuxième partie de l’étape 10. Après une heure de combat contre des dunes modestes de taille mais particulièrement enchevêtrées, nous avons parcouru un kilomètre et demi ! Le sable est archi mou malgré l’heure plus que matinale, les voitures s’enfoncent sur des parties plates, il faut que l’une d'elles vienne aider d’un coup de corde salvateur tous les 100 mètres. Nous ne sommes qu’à l’entrée de l’Empty Quarter. Il nous faudra la journée pour venir à bout de cette partie apéritive. "Celle-là, je ne vais pas chercher à la rallonger, lance Castera. 120 kilomètres de course là-dedans, ça suffit largement. Et puis on est à la veille de l’étape marathon. J’aimerais que ça ne rentre pas trop tard avant la 11 et la 12."
Des lacs plats comme la main
Nous allons passer cinq jours au sud du sud du pays. L’aller-retour entre Shaybah et l’"Empty Quarter Marathon" (bivouac au milieu de rien, à quelques kilomètres de la frontière omanaise) est un enchaînement infernal de franchissements de cordons de dunes, séparés les uns des autres par des sebkhas (ou chotts), des lacs asséchés, plats comme la main. Pendant deux jours, du nord au sud, puis du sud au nord, les concurrents vont donc alterner passages à haute vitesse et traversée de massifs dunaires de deux à dix kilomètres. Pendant deux jours, une moyenne d’à peine 50 km/h dans les dunes, dont plus de 100 kilomètres chaque jour de ces crêtes hostiles, de ces cuvettes sournoises et de ce sable irrégulier, tantôt porteur, tantôt si mou.
Notre moyenne à nous sur ce terrain hostile est de 10/12 km/h. On se pose sur les crêtes, on s’ensable sans fin. On ne compte plus les "tankages" (peut-être 40 par jour). On finit par en rire, ou pas. Cela dépend de l’état de fatigue et donc de l’humeur des troupes. Il faut souvent pelleter, par 40 degrés. Nous avons sans doute remué plusieurs tonnes de sable manuellement pendant ces cinq jours. Et nous avons déjanté 20, peut-être 30 fois. Pour passer plus facilement, on dégonfle les pneus jusque 600 grammes de pression. Cela permet de moins s’enfoncer mais les coups de volants sont sévèrement sanctionnés ! Le pneu sort de la jante et il faut alors monter la voiture sur le cric et regonfler jusqu’à ce que le pneu revienne naturellement en bonne place. Epuisant.
"La première partie de l’étape marathon fait 280 kilomètres, on va alléger le retour vers Shaybah." David Castera sait que la remontée vers le nord après une nuit sans assistance pour les concurrents sera encore plus pénible. "Toutes les descentes qu’on a faites pour dévaler vers les lacs asséchés, il va bien falloir les remonter !", rigole le patron du rallye. "Blague à part, je me dis que la dose est correcte en difficulté. Et ça ne sert à rien de mettre des bornes juste pour faire long", estime-t-il.
"Vu comment on en a bavé pour en venir à bout, il y en a beaucoup qui devraient souffrir."
David Castera
En réalité, on ne demandera pas aux rescapés de monter tout droit sur ces sortes de falaises de sable. Mais trouver la bonne passe pour contourner ces murs et grimper sur les massifs dunaires nous a pris une sacrée énergie. "On ne peut jamais savoir si les concurrents vont énormément galérer ou pas", analyse Castera à la fin de notre périple. "Nous, on a des voitures lourdes, beaucoup moins puissantes que les autos de course. A cette période de l’année, il fait très chaud. En janvier ce ne sera pas le cas, le sable sera beaucoup plus porteur. Mais vu comment on en a bavé pour en venir à bout, il y en a beaucoup qui devraient souffrir."
A la fin du Dakar 2022, la majorité des concurrents a demandé un Dakar plus costaud, avec plus de dunes. La deuxième semaine du cru 2023 va accéder à toutes leurs demandes : sable, dunes, distance, difficulté… Pour les meilleurs ce sera éprouvant. Pour les autres, ce sera éreintant.
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