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"Il y a une vraie censure qui vient d'en haut" : Canal+ accusée d'avoir expurgé le documentaire de Marie Portolano sur le sexisme dans le journalisme sportif

La chaîne privée a supprimé plusieurs scènes dans lesquelles le chroniqueur Pierre Ménès était confronté à sa mise en cause dans deux affaires d'agressions sexuelles.

Article rédigé par franceinfo avec AFP - Fabien Jannic-Cherbonnel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le journaliste Pierre Ménès lors d'un match de Ligue 1 Monaco contre Bordeaux, le 2 mars 2018 à Monaco. (VALERY HACHE / AFP)

"Pierre Ménès a clairement été retiré pour ne pas faire de scandale et de mauvaise pub à la chaîne." Une source proche du dossier a confirmé à franceinfo, lundi 22 mars, que Canal+ avait bien censuré certains passages du documentaire Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste, diffusé la veille. Dans ce film, la journaliste Marie Portolano, qui vient de quitter la chaîne cryptée pour M6, retrace quarante ans de lutte pour la parité dans le secteur du journalisme sportif.

De Nathalie Iannetta à Clémentine Sarlat en passant par Estelle Denis, de nombreuses journalistes ont témoigné au micro de la réalisatrice. Mais, comme l'a révélé le site d'information Les Jours (article abonnés), certains passages mettant notamment en cause le journaliste sportif Pierre Ménès dans deux affaires d'agressions sexuelles ont été coupés au montage.

Des coupes "à la demande de la direction"

Marie Portolano aurait elle-même été victime d'agression sexuelle de la part de Pierre Ménès, selon Les Jours. D'après le site d'actualité, le chroniqueur aurait soulevé la robe de la journaliste et lui aurait touché les fesses sur le plateau du "Canal Football Club". Les faits remonteraient à 2016 et auraient eu lieu hors antenne mais en présence du public.

L'autre affaire concerne Isabelle Moreau, embrassée de force sur la bouche par Pierre Ménès pour "fêter" la centième, en 2011, du "Canal Football Club". Une scène encore visible sur les réseaux sociaux.

Selon Les Jours, dans une première version du documentaire, Marie Portolano montre ces images "à Isabelle Moreau sur une tablette, qui, les revoyant, fond en larmes". Une séquence coupée au montage "à la demande de la direction de Canal+", nous confirme-t-on. 

Les séquences où Marie Portolano confronte Pierre Ménès aux larmes d'Isabelle Moreau et à sa propre agression auraient été également été supprimées. "La direction de Canal+, après avoir visionné [le film], a dit qu'il était hors de question de sortir cela, pour ne pas faire d'histoires", ajoute cette source.

L'équipe du film s'est donc retrouvée face à un choix difficile. "Monter à nouveau le documentaire", sans les interventions de Pierre Ménès, ou voir son travail passer à la trappe. Contactée à de multiples reprises par franceinfo, Canal+ n'a pas donné suite à nos demandes.

Un déferlement de réactions outrées en ligne

Cette information a provoqué sur les réseaux sociaux des réactions indignées, avec des milliers de tweets comportant le mot-clé #PierreMenesOut ("Dehors Pierre Ménès"). Une autre vidéo, largement relayée, montre le chroniqueur embrasser de force la chroniqueuse Francesca Antoniotti dans l'émission "Touche pas à mon sport" sur D8 (ex-C8), en 2016.

Réagissant auprès des Jours, Pierre Ménès a déclaré : "Moi, si ma direction n'a rien à dire, je n'ai rien à dire non plus. Surtout si c'est pour m'accuser de conneries et de merde". Le chroniqueur sportif a prévu de s'exprimer lundi soir dans l'émission "Touche pas à mon poste" sur C8.

"L'essentiel, c'est la parole des femmes qui a été intégralement respectée par Canal+. S'il vous plaît ne l'oubliez pas", a tweeté dimanche Marie Portolano, qui n'a pas répondu à nos sollicitations.

"Il y a une vraie censure qui vient d'en haut", souligne notre source en dénonçant une chaîne "à des années-lumière de ce qu'elle était à ses débuts". Ces nouvelles accusations font suite à plusieurs polémiques, et notamment au licenciement de l'humoriste Sébastien Thoen, qui s'était moqué dans un sketch du présentateur de CNews Pascal Praud en novembre 2020. Canal+ avait ensuite licencié plusieurs journalistes, dont Stéphane Guy, qui avaient soutenu publiquement le comédien.

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