"Le Consentement", avec Ludivine Sagnier : la violence du témoignage de Vanessa Springora résonne sur scène
La sortie du livre de Vanessa Springora Le Consentement en 2020 fut un coup de tonnerre, il provoqua un cataclysme dans le milieu de l'édition autant que dans la société. Le récit autobiographique des années sous l'emprise de l'écrivain pédophile Gabriel Matzneff, fut ensuite adapté au cinéma par Vanessa Filho.
Cette fois-ci, voici ce texte bouleversant et tragique sur la scène d'un théâtre, avec Ludivine Sagnier en interprète. La victime, Vanessa Springora est V. Le prédateur Gabriel Matzneff est G. Le Consentement est sur scène jusqu'au 6 avril au Théâtre du Rond-Point (Paris) avec le Théâtre de la Ville.
Un texte fondateur
En décembre 2019, la rumeur dans le petit monde germanopratin de l'édition enfle. Un livre, à la sortie prévue début janvier 2020, va faire l'effet d'une bombe. Son autrice, Vanessa Springora, raconte les années de liaison amoureuse et sexuelle avec Gabriel Matzneff, écrivain admiré et connu pour ses actes pédophiles. Elle avait 14 ans, il en avait 50.
Pour une fois, la rumeur voyait juste et la force des mots de Springora, la cruauté des actes de Matzneff vont changer du tout au tout le regard sur ces années, sur la protection dont cet homme, prédateur sexuel, avait bénéficié jusque sur les plateaux de l'émission Apostrophes.
En janvier 2020, Le consentement est en librairie. "Pour prendre le chasseur à son propre piège, il faut l'enfermer dans un livre", Vanessa Springora passe par la littérature pour emprisonner son prédateur. C'est la fin de l'impunité. Le Consentement devient un récit fondateur, deux après le lancement du mouvement #Metoo : le "c'était une autre époque" sonne comme un aveu de complicité pour couvrir ce qui est en fait, un crime.
Un ring de boxe
Après l'adaptation au cinéma, avec Kim Higelin et Jean-Paul Rouve, le théâtre donne le privilège aux mots. Seulement les mots ou presque. La mise en scène de Sébastien Davis est sobre. Il explique ses choix dans le livret du spectacle, ils sont simples. "Plus que d’incarner un personnage, il s’agissait de porter une parole" pour Ludivine Sagnier. L'accompagnement musical de Pierre Belleville et sa batterie electro suffisent à exprimer la violence des douleurs de V.
Avant le spectacle, alors que les spectateurs encore insouciants papotent, les plus attentifs entendent l'avertissement qui résonne faiblement dans les haut-parleurs. "Mon corps était fait de papier, dans mes veines ne coulait que de l’encre, mes organes n’existaient pas. C’était une fable." Ludivine Sagnier va être cet enfant transformé en fiction par Matzneff.
Sur le plateau, un bureau. Ce sera celui de l'écrivain. G. a construit sa carrière d'écrivain sur ces actes pédophiles dont il tire sa renommée. Puis ce sera celui de V. qui trouvera dans l'écriture un peu de remèdes. Un lit, lieu de la passion et des outrages. Et seule en scène, Ludivine Sagnier a 5 ans, 8 ans 14 ans, 16 ans. Elle traverse son enfance et son adolescence meurtrie, et peu à peu le corps de la comédienne porte les stigmates de ces violences.
"Et comment pourrait-il être mauvais, puisqu’il est celui que j’aime ? Grâce à lui, je ne suis plus la petite fille seule qui attend son papa au restaurant. Grâce à lui, j’existe enfin."
Vannesa Springora"Le Consentement", éditions Gallimard
Le texte de Vanessa Springora tient sa force dans le recours à la littérature pour raconter cette adolescence brisée, ce corps sacrifié. Ludivine entre sur scène comme elle rentrerait sur un ring. Ce sera un combat. L'amour, puisque Vanessa parle de son premier amour. Puis la douleur, jusqu'à la folie.
Les mots, uniquement les mots suffisent. Seule, face au public elle déclare : "À quatorze ans, on n’est pas censée être attendue par un homme de cinquante ans à la sortie de son collège, on n’est pas supposée vivre à l’hôtel avec lui, ni se retrouver dans son lit, sa verge dans la bouche à l’heure du goûter". Le public est glacé.
Dire Springora pour témoigner
La comédienne déclare sur Franceinfo Tv : "La difficulté de cette pièce, c'est de trouver la bonne distance". Elle ajoute sur France 3 Provence Côte d’Azur. "C'était de se débarrasser de mon jugement, de mon empathie, de ma colère que m'inspirait le roman". Pour Ludivine Sagnier, c'est aussi porter une parole, celle de toutes les victimes des pédophiles. "Kouchner, Foïs, Springora, autant de témoignages dont je m’abreuve, tant il est important de se rassurer. Sur la similitude des histoires,
sur celle des procédés des prédateurs. Qui manient avec tant d’habileté cette notion volatile qu’est le consentement."
La force de cette adaptation est de donner à écouter le texte, celui qui enferma Gabriel Matzneff pour toujours et celui qui libéra autant que possible Vanessa Springora.
Le Consentement jusqu'au 6 Avril au Théâtre du Rond-Point (Paris) avec le Théâtre de la Ville.
Durée estimée : 1h20
À partir de 15 ans
D’après le texte de Vanessa Springora
Mise en scène de Sébastien Davis
Avec Ludivine Sagnier et Sébastien Davis
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