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Le président de la République est-il un people comme les autres ?

Article rédigé par Mathieu Dehlinger - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le magazine "Closer" fait sa une, vendredi 10 janvier 2014, sur une supposée liaison entre François Hollande et l'actrice Julie Gayet. (THOMAS COEX / AFP)

François Hollande fait la une de "Closer" pour une liaison supposée avec l'actrice Julie Gayet. Une rupture par rapport aux pratiques de la presse française, selon un spécialiste de la communication.

La rumeur fait désormais la une de la presse people. Closer consacre, vendredi 10 janvier, un dossier de sept pages à une supposée liaison secrète entre François Hollande et l'actrice Julie Gayet.

Le président de la République a réagi à cette publication en son nom propre auprès de l'AFP. François Hollande "déplore profondément les atteintes au respect de la vie privée, auquel il a droit comme tout citoyen", et assure "examiner les suites, y compris judiciaires, à apporter à cette parution".

Le chef de l'Etat a-t-il encore droit à une forme d'intimité ? Francetv info a posé la question à Jamil Dakhlia, chercheur et professeur en sciences de l'information et de la communication à l'université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, spécialiste des relations entre people et politique.

Francetv info : Cette une de Closer est-elle surprenante ?

Jamil Dakhlia : Il existe une longue histoire entre Closer et François Hollande. En 2007 déjà, une photo publiée à la une montrait Valérie Trierweiler, pas nommée à l'époque, et la présentait comme sa nouvelle compagne. Le tout accompagné d'un cliché de Ségolène Royal à l'air très contrarié, et ce texte : "François Hollande l'a quittée pour elle."

Cette une du 10 janvier, aussi offensive, est pourtant exceptionnelle, parce que les journaux people français ne publient habituellement que lorsqu'ils se sentent autorisés implicitement à le faire. La visite de Nicolas Sarkozy en compagnie de Carla Bruni à Disneyland Paris était typique de ce mode de fonctionnement. C'est ce que j'appelle le feu orange : quand ils veulent que l'on parle de leur vie privée, les politiques savent s'exposer dans des lieux publics. Les médias people sentent qu'ils peuvent y aller.

Cette fois, même si la liaison supposée de François Hollande et Julie Gayet est une rumeur qui traîne depuis longtemps, ils ne se sont exposés nulle part. Il s'agit de photos vraiment volées. Une étape a été franchie, parce qu'un journal people n'a généralement pas les épaules assez solides ni juridiquement, ni économiquement, pour prétendre affrontrer la colère d'un président.

Pourtant, François Hollande n'a pas vraiment mis en scène sa vie privée.

François Hollande a évité cela, parce qu'il s'est aussi défini en tant qu'anti-Sarkozy, avec son image d'homme normal, et une relative discrétion. Valérie Trierweiler était toujours présente, mais en retrait. Il n'a pas joué la carte de la promotion personnelle à travers sa situation conjugale.

Nicolas Sarkozy, au contraire, jouait de cette mise en scène de sa vie privée. Il l'a fait de manière systématique, même s'il a temporisé ensuite. Souvenez-vous de sa cérémonie d'investiture en compagnie de sa femme, de ses enfants, des enfants de sa femme. Il jouait sur le côté "glamour".

Les politiques sont-ils devenus des people comme les autres ?

Au départ, la presse people était assez réticente à parler des politiques, parce qu'elle ne trouvait pas le sujet assez sexy, et pensait que cela allait diviser son lectorat. Elle s'est rendue compte que les ventes augmentaient quand elle parlait des politiques à l'approche de la campagne de 2007. Les magazines ont enregistré 20 à 30% de ventes supplémentaires lorsqu'ils mettaient à l'affiche Nicolas Sarkozy ou Ségolène Royal.

Et puis, devant les tribunaux, la jurisprudence prend de plus en plus en compte la notion d'intérêt général. Les tribunaux décident qu'on peut parler, dans certains cas, de la vie privée d'un personnage public si cela présente un intérêt pour la collectivité.

Closer est très habile : dans l'article, le magazine s'interroge sur les problèmes que cette supposée liaison pose pour la sécurité du chef de l'Etat. Il dit ainsi qu'il n'est pas dans la futilité en montrant que cela pose un problème public, qui engage l'ensemble des Français.

Quelles conséquences cette publication peut avoir pour François Hollande ?

Il n'est pas sûr que la révélation de cette supposée relation fasse du tort à François Hollande du point de vue de son image. En France, depuis bien avant la République, existe cette tradition d'associer le pouvoir à la virilité, et notamment à la virilité galante, qui se traduit par le succès auprès des femmes.

Le problème d'image de François Hollande est un problème d'autorité, cette dernière étant justement associée dans l'imaginaire collectif à la virilité. Son surnom de "Flanby" évoque au contraire la mollesse, la rondeur. L'image de puissance, de séduction "mâle", pourrait plutôt rehausser son image symboliquement.

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