Jeux vidéo : "A Plague Tale : Requiem", le Sud de la France en proie à la peste dans cette suite sombre et ambitieuse

Une épidémie peut en cacher une autre. Alors que les effets du Covid-19 se font ressentir moins durement depuis quelques mois en Europe, le studio bordelais Asobo a sorti le 18 octobre A Plague Tale : Requiem, un jeu vidéo qui met aux défis deux héros d’échapper à la peste noire qui ravagea le Vieux continent au XIVe siècle. Il s’agit de la suite du jeu A Plague Tale : Innocence qui avait séduit un million de joueurs en 2019 et reçu le prix Pégase du meilleur jeu vidéo français.

Conforté par le succès de son premier opus, le studio Asobo, qui a aussi signé le magnifique Microsoft Flight Simulator en 2021, a voulu mettre les bouchées doubles pour la suite des aventures d’Amicia et de son jeune frère Hugo dans un royaume de France médiéval ravagé par la peste. “On a tout mis dans le premier opus en se disant que cela serait peut-être une aventure sans lendemain. Les gens ont aimé et ce retour positif des joueurs nous a poussé à envisager une suite", nous a confié Kevin Choteau, le game director de la suite A Plague Tale, lors d’une longue interview en visioconférence.

Face à la peste dans le Sud de la France

Disponible sur PC, Nintendo Switch, PlayStation 5 et Xbox Series X, ce deuxième opus emmène les joueurs en Provence aux alentours de juin 1349. On retrouve Amicia et Hugo six mois après la fin de leurs aventures du premier épisode qui s'était déroulé en Guyenne (ancienne région qui correspond approximativement à la Gironde d'aujourd'hui). “Il fallait que le déplacement de nos personnages soit assez crédible en l’espace de six mois au Moyen Âge. On les retrouve donc dans le sud de la France. On voulait plus de lumière que dans Innocence qui est très sombre”, pointe Kevin Choteau.

Guidée par l’historienne Roxane Chilà, l’équipe bordelaise d’Asobo a pu trouver des lieux dignes d'intérêt à investir. “Le Sud était un choix de cœur, qui offrait des paysages que nous n’avions pas traités comme des calanques, la garrigue, les ocres du Roussillon ou la Méditerranée, poursuit Kevin Choteau. On voulait appuyer les contrastes, donner des appels de lumières et de joie, pour ensuite sombrer encore plus fort dans le noir”, ajoute-t-il.

Sur fond de guerre, de pauvreté et d’attaques de rongeurs, Asobo a relevé d’un cran ses ambitions par rapport au premier opus. Pour Kevin Choteau, ce retour était ainsi l'occasion de “résoudre les frustrations rencontrées par les joueurs sur Innocence, notamment en termes de gameplay." Pour développer Requiem, Asobo a mis une équipe de 70 personnes sur le jeu (contre 45 pour Innocence).

Un nouveau monde semi-ouvert

Nous avons testé le gameplay de A Plague Tale : Requiem. Avec une place plus importante donnée au combat et à l’exploration, le nouveau titre gagne en densité. Les phases d’action sont renforcées et les personnages s’ajustent à la violence de leur monde. Amicia et Hugo font face à deux ennemis principaux : des mercenaires et des rats “qui incarnent de manière tangible la peste”, que seule la lumière effraient. Il existe tout de même des moments de respiration dans le semi-monde ouvert que le studio a voulu mettre en avant sur ce nouveau projet.

Face à certains retours de fans critiquant l’aspect dirigiste du premier volet, l’idée était de pouvoir desserrer la laisse. “On a voulu offrir plus de possibilités aux joueurs. Pousser les ambitions avec ces vagues de rats qui déferlent sur la ville, ce qui était inaccessible sur Innocence”, confie Kevin Choteau. Une alternance entre actions haletantes et pauses contemplatives somme toute classique, mais néanmoins très efficace.

L’autre point fort de ce second opus est son ambiance immersive. Le joueur a la possibilité de voir l’environnement évoluer en quasi-autonomie, tantôt doux, tantôt poisseux. Les héros sont bercés au chant des cigales dans des plaines provençales, ils déambulent dans un marché grouillant de vie et se font bousculer dans des rues boueuses et jonchées de cadavres. "C'était une question de contrastes. Plus l’univers est vivant, plus il a du “corps” et plus il est animé. Travailler la vie, l’opulence, la beauté appuie cette sensation de mort quand elle arrive”, argumente Kevin Choteau.

Dans un monde plus vaste, l’objectif était donc de pouvoir renforcer la présence des rats. La population de rongeurs est passée de 5 000 individus sur le premier opus à 300 000 sur A Plague Tale : Requiem. “Nous voulions élargir les zones de gameplay, donc nous avions besoin d'énormément de rats pour habiller ces espaces-là, en leurs ajoutant de nouvelles capacités”, précise Kevin Choteau.

Avec les voix de Big Flo et Oli

Le jeu est un voyage d’une quinzaine d’heures où des faits historiques réels se mêlent à une fiction débridée. “On a appris en travaillant sur A Plague Tale que lors de l’épidémie de peste noire, des villageois brûlaient des étrangers qui arrivaient dans leur village, pensant qu’ils apportaient la peste”.

Les fans les plus attentifs pourront reconnaître parmi les voix de doublages, très bonnes dans l’ensemble, les accents toulousains de deux célèbres frères rappeurs, Big Flo et Oli, venues s’immiscer dans le casting des personnages secondaires. Un clin d'œil que Kevin Choteau ne renie pas : “C’est une histoire d’affects et cela nous faisait rire de le faire. On n'en parle pas beaucoup mais ils sont bien là et crédités”.

L’intelligence artificielle est parfois capricieuse (notamment pour les alliés des héros). Mais dans l’ensemble, A Plague Tale Requiem séduit largement. Cette suite à la narration et à la direction artistique travaillées rapprochent un peu plus Asobo d’une référence du milieu : les studios Naughty Dog, dont le jeu phare The Last of Us a fortement inspiré l’équipe de Kevin Choteau.

A Plague Tale : Requiem - Développé par Asobo Studios - Disponible sur PC, Nintendo Switch, PlayStation 5 et Xbox Series X depuis le 18 octobre 2022