"De sable et d'acier", la nouvelle histoire du Débarquement du 6 juin 1944 de Peter Caddick-Adams
C'est une somme, une encyclopédie. 870 pages pour raconter, détailler, rendre hommage aux femmes et hommes qui ont posé au risque de leurs vies, le pied sur le sol français. Leur but : libérer la France de l'armée allemande et du Troisieme Reich.
Un livre indispensable pour qui veut revivre cette opération militaire hors norme. Paru aux éditions Passés/Composés, De sable et d'acier se présente comme le livre de référence du Débarquement en Normandie le 6 Juin 1944.
Peter Caddick-Adams, historien et ancien officier britannique
L'auteur est anglais, historien et ancien officier de l'armée britannique, Peter Caddick-Adams a enseigné pendant vingt ans à l'Académie de défense du Royaume-Uni. Nous pouvons rajouter à son curriculum vitæ : membre de la Royal Historical Society et de la Royal Geographical Society, diplômé de la Shrewsbury School, à Sandhurst et de l’université de Wolverhampton, il a obtenu son doctorat à l’université de Cranfield. Des titres qui n'ont rien d'honorifique et qui expliquent le soin et la précision de son travail sur le Débarquement.
Mais c'est la précocité de sa fascination pour le D Day qui peut éclairer aussi la persévérance qu'il déploie pour être au plus près de cette Histoire. Il a 14 ans quand avec un groupe d'amateurs qui restaurent les véhicules militaires, il parcourt les plages de Normandie. Ce groupe est constitué de vétérans du Jour J et pour le jeune Peter Caddick-Adams, c'est une révélation. Il confie au magazine GC : "Cette exposition précoce a suscité la fascination de toute une vie pour le Débarquement, avant même de savoir que je deviendrais soldat, universitaire ou écrivain".
Les forces en présence : un inventaire à la Prévert
En effet, le militaire et historien anglais est précis et l'inventaire qu'il égrène est impressionnant et parfois surprenant. C'est une liste qui va des armes aux brosses à dents, des 137 000 Jeep au 1,2 million de tonnes de pommes de terre, des 10 millions de sacs à vomi aux 1 800 locomotives à vapeur pour remplacer celles détruites. Du sang, des cigarettes, de l'eau potable et jusqu'à 260 000 stèles funéraires.
La seule lecture de cet inventaire permettrait de comprendre la puissance de cet événement et le sort funeste des soldats et civils qui s'engagent pour libérer la France. Le Débarquement va épuiser l'esprit et le corps des soldats.
Alors les armées se penchent sur les progrès de la science et introduisent des produits artificiels pour redonner du tonus aux soldats. Ce sont 200 millions de pilules qui seront fournies aux forces américaines et britanniques. Ces pilules, de la benzédrine.
D. Zane Schlemmer, jeune sergent de l'Ohio, au sein de la 82e Airbone, se souvient de son attirail pour le saut en parachute du Jour J. "Fusil et jumelles, munitions de mortier, grenade, une mine anti char (...) une minuscule boussole, deux cents francs et de la benzedrine pour nous aider à rester éveillés, ainsi que deux seringues de morphine en cas de blessure".
Des centaines de témoignages au plus près du combat
Au-delà du matériel et de la démesure de l'opération, ce sont aussi les centaines de témoignages recueillis par l'auteur qui plongent le lecteur dans l'assaut du 6 Juin. Le capitaine Donald Gilchrist se souvient : " Lorsque l'aube s'est levée - une lumière rose et grise - une cacophonie infernale de sons, un barrage de mort et de destruction s'est alors déclenché avec une efficacité telle qu'instantanément, ceux qui dégobillaient dans leurs sacs en papier sulfurisé ont cessé d'être malades : leur mal de mer a disparu dès que la bagarre a commencé".
Quelques heures plus tard, Harper Coleman de l'Arizona, mitrailleur au sein du 8e d'infanterie, se souviendra de son Débarquement et de sa surprise arrivant sur la plage d'Utah. "Quand on est arrivé sur la plage, on a été accueilli par le général Roosevelt (fils aîné du président des États-Unis Theodore Roosevelt). Ce qu'il fichait la, je n'en ai aucune idée, mais il était bien là, agitant sa canne et nous donnant ses dernières instructions comme lui seul pouvait le faire... On avait peur des Allemands mais on avait encore plus peur de lui. Et on n’aurait même pas songé à s'arrêter sur la plage si on l'avait voulu".
Des préparatifs dignes d'un spectacle
Le talent de l'auteur est de nous fait vivre les préparatifs du Débarquement comme des répétitions d'un spectacle grandiose s'il ne s'agissait de libérer la France du joug nazi et que des milliers de femmes et d'homme y perdront la vie. Les Alliés déplorent 10 000 morts, blessés ou disparus.
En janvier 1944, la phase 4 des préparatifs commence au Royaume-Uni. Le décor de cette campagne anglaise est planté par des témoignages parfois bucoliques. "Je n'ai jamais vu autant de fleurs aux arbres tandis que nous roulions à toute allure sur les paisibles routes du Sussex", raconte Maxwell Miller. Il y aura des échecs, des erreurs, des pertes humaines. Et au fil des pages, les récits sont bien plus fascinants que des films de guerre.
Le 18 janvier 1944, le capitaine Logan Scott-Bowden et le sergent Bruce Ogden-Smith effectuent une mission de reconnaissance sur la future plage d'Omaha au bord d'un sous-marin miniature.
"En regardant pour la première fois la plage dans son périscope, Scott-Bowden a la surprise de voir le visage d'un soldat allemand fumant la pipe à l'arrière d'un chalutier français."
Le Britannique rapportera une éprouvette remplie de sable et déclare au général américain Bradley qui le débriefe à son retour qu’"il y a peu de risques que vos camions s’enlisent". En revanche, interrogé sur les réussites d'un débarquement, il dira au général : "c'est un défi considérable, il y aura forcément des pertes énormes". Bradley répond posant la main sur l'épaule du sergent : "Je sais, mon garçon, je sais".
En avril 1944, l'opération Tigre, une répétition du Débarquement qui eut lieu à Slapton Sands, dans le comté de Devon, dans le sud-ouest de l'Angleterre en avril 1944, fera 1 000 morts. Un événement à voir aussi dans le documentaire Apocalypse - Les Débarquements, réalisé par Isabelle Clarke et Daniel Costelle.
Du côté des Allemands
Peter Caddick-Adams ne raconte pas le débarquement uniquement du côté des alliés et des Français. Il s'applique aussi à donner la parole et à documenter les combattants de l'armée allemande. Toujours dans le magazine GC, il déclare : "Cela s’applique également au regard allemand sur le débarquement, qui figure en bonne place dans mon livre. Lors d’une visite des champs de bataille de la Somme, j’ai rencontré un étudiant allemand dont le grand-père avait combattu là et défendu plus tard un bunker en Normandie. Cela m’a conduit à découvrir que cet homme avait défendu le bunker Hillman derrière Sword Beach".
Pour l'anecdote et pour éclairer la surprise que fut le débarquement pour les Allemands, alors que le général allemand Rommel le 6 juin 1944 est en Allemagne où il fête l'anniversaire de sa femme, les renseignements en sa possession indiquant clairement qu'il n'y aura pas de débarquement avant le 15, l'historien écrit : "Tandis que la cloche de la cathédrale Notre-dame de Saint-Lô sonne minuit le 5 juin, un groupe d'officiers allemands apporte à leur commandant un gâteau et sur un plateau d'argent d'excellentes bouteilles de Chablis". A partir de 10 heures précises le 6 juin ils doivent tester le scenario d'un assaut allié sur la Normandie. L'histoire ne les décevra pas, mais ce 6 juin, il ne sera plus question de scénario, mais du Débarquement et de la libération de la France.
"De sable et d'acier. Nouvelle histoire du Débarquement" de Peter Caddick-Adams, Éditions Passés/Composés 866 pages, 32 euros
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