Emmanuel Macron inaugure sa Cité pour la langue française, synonyme selon lui d'unité et d'universalité
En inaugurant la Cité internationale de la langue française, Emmanuel Macron a dit plaider pour "l'unité et l'universalité". "La langue française bâtit l'unité de la nation", c'est "une langue de liberté et d'universalisme", a déclaré le 30 octobre le président de la République lors de l'inauguration de la Cité internationale de la langue française dans la cour du château de Villers-Cotterêts (Aisne) qui abrite ce "lieu de culture vivante".
C'est dans ce château Renaissance, à 80 km de Paris, que François Ier avait signé en 1539 l'ordonnance imposant le français dans les textes juridiques, prémices de son usage comme langue officielle. La Cité est à la fois "un geste patrimonial" et une manière de "montrer combien (le français) joue un rôle politique" aujourd’hui et "demain", a confié Emmanuel Macron lors d'un entretien accordé après la cérémonie d'inauguration.
La Cité, premier lieu au monde dédié à la langue française, est un "rêve fou" qui a été "réalisé", a déclaré Emmanuel Macron dont c'est le projet culturel phare. Il avait repéré en 2017, pendant sa première campagne présidentielle, cette ancienne résidence de chasse royale dans un état de délabrement avancé. Elle a été complètement restaurée à sa demande par le Centre des monuments nationaux (CMN). Avec 210 millions d'euros investis, c'est le deuxième plus gros chantier culturel du président Macron, après Notre-Dame de Paris.
La culture pour réinstaller la République
Outre l'histoire du lieu, le choix a également été dicté par "les difficultés économiques et sociales du territoire", précise l'Elysée. Marqué par le chômage et la désindustrialisation, Villers-Cotterêts, 10 000 habitants, s'est depuis plusieurs années tourné vers le vote d'extrême droite, à l'image de son maire, l'élu Rassemblement national (RN) Franck Briffaut. Tout en estimant le "calcul" anti-Rassemblement national voué à l'échec, l'édile voit cependant le projet, et ses 200 000 visiteurs espérés par an, comme "une formidable chance" pour sa ville. "(La) reconquête, elle se fait par la réindustrialisation (...) Cette reconquête (...), cette réinstallation de la République passe aussi par la culture", a précisé le président Macron interrogé sur le choix de cette région.
Le CMN, tout en reconnaissant que l'objectif de fréquentation est "très ambitieux" dans un territoire peu touristique, se veut optimiste : la Cité n'est qu'à 45 minutes en train de Paris, rappelle-t-il. L'institution espère trouver rapidement un investisseur pour un projet hôtelier encore à concrétiser dans une annexe du château.
Au cœur d'un territoire, la Cité de la langue française est aussi le reflet d'une langue "qui n'appartient pas aux seuls Français", parlée sur cinq continents, a rappelé Emmanuel Macron. Évoquant les tensions politiques au Proche-Orient lors de son entretien, le président a souligné que le français y était "la langue de celles et ceux qui aimaient la liberté". Plus tôt, il avait insisté sur le fait le français ne s'inscrivait dans aucune résistance et s'était toujours accommodée de voyager avec "plusieurs autres langues". Le chef de l'Etat assume ainsi de lancer "à des investisseurs internationaux" qui ne comprennent qu'anglais, "Choose France (choisissez la France)" parce qu' "on se fait mieux comprendre".
Géopolitique du français
Dialoguer avec les autres langues passe également par la traduction."Faire voyager nos auteurs de langue française dans des langues étrangères, c'est aussi faire voyager la langue française", a souligné le président de la République. Il a annoncé confier une mission à l'écrivain franco-algérien Kamel Daoud, avec l'appui du Centre national du livre et des éditeurs, pour "multiplier" les traductions d'auteurs francophones dans d'autres langues, dont l'arabe. Les livres en langue française sont "trop rares ou trop chers" dans de nombreux pays, a déclaré Emmanuel Macron.
"La traduction du français dans des langues étrangères devient dans beaucoup d'endroits une forme de combat politique", a déclaré le chef de l'Etat, lors de l'inauguration de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts (Aisne). Emmanuel Macron a pris pour exemple "le continent africain" où l'on accède, d'après lui, "quasiment pour rien à des livres qui véhiculent l'obscurantisme, qui disent des mensonges sur telle ou telle religion et qui préparent le pire". Au contraire, "il est très difficile d'avoir accès à des livres, parfois d'un autre auteur africain s'il l'écrit en langue française, ou à nos classiques", a-t-il déploré."C'est une réalité parce que nous sommes trop chers ou trop peu traduits", a poursuivi le président de la République, ajoutant que "le but du français doit être de continuer de se répandre et d'être compris".
À l'heure où Paris entretient des relations politiques tendues avec plusieurs capitales africaines francophones, le président français semble miser sur la langue de Molière pour maintenir les liens culturels. Emmanuel Macron a évoqué le programme Afrique Créative "qui vise la structuration du secteur des industries culturelles et créatives en Afrique". Il a aussi rappelé que Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), était la ville où l'on parlait le plus le français. Villers-Cotterêts lui succédera d'ailleurs dans l'organisation du sommet de la Francophonie en 2024. La Cité sera alors "le cœur battant" d'un évènement auquel seront conviés les dirigeants de 88 Etats.
Une Cité dédiée à ceux qui "font vivre le français"
Initialement prévue le 19 octobre, l'inauguration avait été reportée en raison des obsèques, ce jour-là, du professeur de français Dominique Bernard, assassiné à Arras (Pas-de-Calais) par un jeune jihadiste. À la Cité internationale de la langue française, seront d'ailleurs honorées "tout particulièrement (...) cinq figures essentielles" de la langue française : professeurs, écrivains et créateurs, comédiens, bibliothécaires et traducteurs, "qui transmettent et font vivre le français dans cette pulsation constante".
Ironie du calendrier politique, les évolutions de la langue sont au menu du Sénat dans la soirée du 30 octobre : la droite a soumis une proposition de loi pour interdire "l'écriture dite inclusive", un texte jugé "rétrograde" par la gauche. Emmanuel Macron a d'ailleurs appelé lundi à "ne pas céder aux airs du temps", en allusion aux néologismes visant à rendre visible le féminin des mots, selon leurs défenseurs afin de lutter contre les inégalités femmes-hommes.
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