À bord de l'"Alfred Merlin", nouveau bijou technologique de l'exploration archéologique sous-marine : "On a le service de recherches le plus compétent au monde !"
Ce fleuron de la flotte scientifique française va arpenter les mers à la recherche des quelque 200 000 épaves perdues dans les espaces maritimes français. Avec à son bord, entre autres, un robot humanoïde.
Direction les fonds des océans à la découverte de cuirassés, paquebots ou galions engloutis. Toutes ces épaves accumulées au fil des siècles au fond de l’eau sont le terrain de jeu des archéologues sous-marins qui vont disposer cette semaine d'un tout nouvel outil, un bateau de dernière génération doté des meilleures technologies de recherche : l'Alfred Merlin.
Pour le découvrir, rendez-vous juste à côté de Marseille, au chantier naval Ixblue de La Ciotat. Michel L’Hour, directeur emblématique depuis 15 ans du Drassm, le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines, service du ministère de la Culture chargé de chercher, répertorier et fouiller toutes ces épaves enfouies sous les eaux des lacs, des rivières et surtout des immenses espaces maritimes qui appartiennent à la France, dirige la visite.
Près de 200 000 épaves dans les eaux métropolitaines
"Globalement sur les eaux françaises de métropole, il doit y en avoir autour de 20 à 30 000 minimum [épaves], estime l’archéologue. Si on admet que 95% des eaux françaises sont ultra-marines, je dis qu’il y en a à peu près 200 000. Mais ce chiffre, c’est plus que du doigt mouillé : il y en a peut-être beaucoup plus, peut-être beaucoup moins, je n’en sais rien."
"Le potentiel est gigantesque ! Comme l’humain est attentif à fabriquer de nouvelles épaves, je pense qu’il y a du boulot pour les archéologues sous-marins pour très longtemps..."
Michel L'Hour, directeur du Drassmà franceinfo
C’est donc un formidable terrain de jeu que va prochainement arpenter l’Alfred Merlin, un bateau de 46 mètres de long à la coque blanche et à l’intérieur duquel pendait encore ces dernières semaines des kilomètres de câbles, entre le bruit de perceuses et les odeurs de composite. Michel L’Hour est intarissable sur ce navire de recherches qui pourra bientôt accueillir 28 hommes d’équipage et scientifiques, pour des missions de plusieurs semaines, en autonomie, à plusieurs milliers de kilomètres de l’Hexagone. Un outil de travail extraordinaire et qui assoit encore un peu plus la domination française en matière d’archéologie sous-marine.
En direct de la mise à l’eau de l’Alfred Merlin
— Drassm (@Drassm_Culture) January 27, 2021
11h00 : Michel L’Hour, directeur du DRASSM, est présent sur les lieux. pic.twitter.com/XJ3xv8KB9Z
"On a cette chance d’avoir le service de recherches le plus compétent au monde, affirme Michel L’Hour. Je ne suis pas de ceux qui disent que tout est mieux dans la fonction publique mais globalement, si ce n’était pas de la fonction publique, on ne pourrait pas avoir l’équivalent. On le voit dans tous les pays du monde qui aspirent à faire de l’archéologie sous-marine mais qui n’engagent pas de crédits, ne créent pas de service et du coup, cette archéologie reste à l’état de bébé. Rien ne se produit."
Des technologies de pointe
Si la France domine autant, c’est aussi parce qu’elle a toujours su développer des moyens technologiques de pointe. Le scaphandre autonome inventé par le commandant Cousteau a été remplacé aujourd’hui par des robots capables de mener des fouilles par plusieurs centaines, voire milliers, de mètres de fond, là où l’homme ne peut aller. C’est le domaine de Vincent Creuze, directeur du Lirrm, un laboratoire de recherche en robotique de Montpellier qui va embarquer et tester deux nouveaux engins à bord du Merlin. Il fait les présentations : "Il y a un robot qui sera résident, c’est le robot Arthur qui descend à 2 500 mètres de profondeur, explique-t-il. Il embarque en un seul robot toutes les technologies de cartographies, d’observation, de prélèvements, de dégagement de sédiment. Et le robot Ocean One, premier robot humanoïde sous-marin, qui a des bras avec des capteurs d’effort dans toutes les articulations. Donc on va sentir les efforts de traction quand on ramasse un objet ou les contacts avec l’environnement."
"Il y a également eu, poursuit-il, un programme qui a eu pour objectif de fabriquer une main avec des capteurs d’efforts, cette fois non plus dans les articulations des bras mais aussi dans les doigts, ce qui va permettre à l’archéologue à distance de percevoir le moindre petit détail de ce qu’il va pouvoir manipuler dans la boue."
Autant de dispositifs qui permettront d’aller repérer et fouiller plus loin et plus profond des épaves encore inexplorées comme ces deux navires qui restent introuvables mais taraudent Michel L’Hour. "Avec ma collègue Olivia Hulot, on a la passion de deux épaves mythiques qui sont La Cordelière, le navire amiral de la duchesse Anne et le Régent qui a été le plus gros navire de la flotte d’Henri VIII qui ont coulé le même jour puisqu’ils étaient en combat singulier. Ils ont explosé. L’un ou l’autre a entraîné le suivant. Cela s'est produit au moins d’août 1512 et ce sont vraiment des bateaux qu’on aimerait trouver parce qu’ils s’inscrivent dans une problématique historique sur laquelle on a très peu de compétences, très peu de connaissances."
"La mer est le plus grand musée du monde et c’est un musée dont on ne connaît pas du tout les richesses des collections. Donc il y a tout à faire."
Michel L’Hour, directeur du Drassmà franceinfo
Michel L’Hour quitte ce mois-ci la direction du Drassm. Mais il sera là, vendredi 2 juillet, pour le baptême de l’Alfred Merlin par la ministre de la Culture Roseline Bachelot.
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