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Charlie Watts : sept choses glanées dans la biographie officielle du batteur des Rolling Stones signée Paul Sexton

Disparu en août 2021, qui était vraiment Charlie Watts, le regretté métronome des Stones ? Le journaliste anglais Paul Sexton, qui suit le groupe depuis trente ans, a interrogé sa famille, ses amis et ses collaborateurs pour cette biographie officielle bien informée. Voici sept détails lus dans cet ouvrage qui éclairent la personnalité du plus élégant des batteurs du rock'n'roll.
Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Charlie Watts sur scène avec les Rolling Stones pour le premier concert en Chine de leur carrière, le 8 avril 2006 à Shangaï. (LIU JIN / AFP)

Il était le maître du tempo des Rolling Stones, le batteur au feeling unique, aussi élégant dans ses tenues vestimentaires que dans son jeu, tout en retenue. Mais qui était vraiment Charlie Watts ? "Une rock star qui n’en était pas une", un homme qui cultivait la discrétion et pour qui "l’arrogance était tout simplement vulgaire". Dans cette biographie officielle préfacée par Mick Jagger et Keith Richards, Paul Sexton propose non pas “un énième rabâchage de la légende“ des Stones “mais plutôt le récit des tribulations d’un être singulier qui l’ont rendu meilleur.“

L’auteur, journaliste anglais qui suit les Stones depuis trente ans, a interrogé ses proches, mais aussi des collaborateurs et certains tout récemment, après la mort du métronome des Stones survenue en août 2021 à l’âge de 80 ans. Nous avons lu pour vous Charlie Watts, l’anti rockstar, dont la publication précède de quelques heures la sortie du nouvel album des Rolling Stones, Hackney Diamonds. Un livre fourmillant d’anecdotes et de témoignages sur la personnalité du regretté batteur, dont voici quelques détails, parmi d'autres.

1Un batteur fondu de jazz

"On le décrit toujours comme un fondu de jazz, mais il n’écoutait pas que ça", tient à souligner Mick Jagger dans l’avant-propos de cette biographie. Certes, Charlie Watts écoutait aussi du blues, de la musique classique et du reggae, mais ce n’est un secret pour personne, son premier amour et sa musique de cœur était le jazz. Celui notamment de Miles Davis, de Duke Ellington, d’Erroll Garner, de Sonny Rollins et de John Coltrane, dont le batteur Elvin Jones était son modèle à ses débuts. En tournée, aux États-Unis comme en Europe, Charlie Watts écumait les clubs de jazz et il a publié des albums de jazz sous son nom. Surtout, il n’écoutait jamais les albums des Stones, il le dit à plusieurs reprises dans ce livre. Son toucher fantastique, il le tenait du jazz. "Charlie n’était pas passionné de rock and roll, mais ce n’était pas grave parce qu’il savait jouer en shuffle", souligne le bassiste historique des Stones Bill Wyman avec qui il formait une sacrée section rythmique. "Il excellait là-dedans parce qu’il était batteur de jazz, ce qui nous donnait dix longueurs d’avance sur quiconque aurait voulu nous imiter. Personne n’a jamais vraiment réussi à obtenir le son qu’on avait."

Charlie Watts et son contrebassiste Dave Green en concert avec son groupe The A, B, C & D of Boogie Woogie, au club de jazz parisien le Duc des Lombards, le 7 septembre 2010. (PIERRE VERDY / AFP)

2La passion du dessin

S’il n’avait pas été musicien dans le plus grand groupe de rock du monde, il aurait pu être dessinateur dans une agence de publicité, comme il le fit avant de devenir officiellement batteur des Stones en 1963. Charlie Watts avait étudié l’art graphique et aimait passionnément le dessin, qu’il pratiquait au quotidien. En 1960, pour son projet de fin d’études, il avait réalisé un livre pour enfants, devenu culte, en forme d’ode à son héros Charlie Parker – An Ode to a Highflying Bird. En 1966, le programme de la tournée des Stones en Amérique du Nord comprenait une bande dessinée de Charlie. L’année suivante, la pochette de l’album Between The Buttons était agrémentée d’une de ses BD en six cases. A partir de 1968 et jusqu’à sa mort, il a dessiné toutes les chambres d’hôtels où il a dormi durant les tournées mondiales des Stones. "Il était toujours en train de dessiner", confirme Keith Richards dans ce livre. "Je restais des heures à l’observer. C’était extraordinaire à voir." Ce que l’on sait moins, c’est son influence en coulisse en tant que conseiller graphique et scénographique des Stones. Sa fille Seraphina souligne son implication dans l’esthétique et les choix visuels des mégatournées, à partir de 1975, pour lesquels il n’était pas crédité. "Avec son bagage de graphiste, il faisait le merchandising, la conception des scènes, (…) la direction artistique, quoi."

La bande dessinée en six cases de Charlie Watts dessinée pour l'album des Rolling Stones "Between the Buttons" (1967). Il apparaît au dos de la pochette du disque. (CHARLIE WATTS)

3Son havre de paix dans les Cévennes

On le sait : en délicatesse avec le fisc anglais au début des années 1970, tous les membres du groupe s’étaient exilés en France à l’époque d’Exile on Main Street (1972), enregistré dans la fameuse villa Nellcote de Villefranche-sur-Mer louée par Keith Richards. Mais saviez-vous que Charlie Watts avait acheté à l’époque avec son épouse Shirley une ancienne chèvrerie dans les Cévennes ? En 1971, le couple était venu s’installer dans cette ferme située à Massiès près de Thoiras, un petit village entre Anduze et Saint-Jean-du-Gard, avec leur fille Seraphina alors âgée de 3 ans. Cette dernière était scolarisée à Saint-Jean-du-Gard et y resta jusqu’à ses 8 ans. "J’ai eu une enfance formidable, totalement normale", témoigne Seraphina dans ce livre. "J’ai grandi dans un petit village en France. Littéralement au milieu de nulle part. C’était très rural (…) et on était les seuls Anglais."  Pour le couple Watts, qui possédait encore ce bien à la mort de Charlie, cette propriété fut dès lors une retraite très aimée, un refuge familial pour déconnecter entre enregistrements et tournées, où ils retournèrent régulièrement toute leur vie.

4 Un grand maniaque

Charlie Watts était si maniaque que sa petite-fille adorée, Charlotte, le soupçonne d’avoir eu des TOC. Il avait la manie du rangement. Selon Mick Jagger, "à la fin des concerts, Charlie ne se levait pour aller saluer le public – avec Keith, Ronnie et moi – qu’après avoir terminé de ranger ses baguettes, bien alignées". En promenade à la campagne avec sa petite-fille, "il rangeait le bord de la route. Il chassait les brindilles, poussait les cailloux sur le côté". Ses proches s’amusaient à déranger ses chaussettes, parfaitement classées par couleur. Et bien sûr sa collection de disques était classée méticuleusement. En arrivant dans une chambre d’hôtel, il avait un rituel, se souvient Bill Wyman. "Il ouvrait ses valises, qui étaient ordonnées à la perfection, et il en sortait toutes ses affaires une par une. (…) Il posait ses chemises, pliées au carré, et ses cravates, et ses chaussettes, puis il alignait ses chaussures (rires). On se serait cru dans un magasin." Selon Keith Richards, "regarder Charlie faire ses valises, c’était comme assister à une cérémonie bouddhiste."

5Un modèle d’élégance

Maniaque peut-être, mais en toutes circonstances, Charlie Watts était classe et tiré à quatre épingles. Il ne transigeait jamais sur le style. Même seul chez lui, il aimait porter un costume trois pièces. Il adorait les vêtements, qui l’aidaient "à se créer une silhouette plus imposante que ne le faisait sa corpulence modeste". "Charlie, c’était un mètre soixante-treize d’élégance mesurée : un fashion vainqueur, jamais une fashion victime", résume Paul Sexton. Il avait un formidable sens du style et s’inspirait souvent des tenues admiréees sur les pochettes de disques de jazz, comme celles de Our Man in Paris de Dexter Gordon ou de Milestones de Miles Davis. Sur Savile Row, la maison Huntsman où il faisait tailler ses costumes sur mesure, une étoffe dessinée par Charlie, The Springfield Stripe, figure toujours au catalogue. Pour ses souliers faits main à 4 000 livres la paire, il est resté fidèle durant trente ans à une entreprise familiale, G.J.Cleverley, que fréquentèrent Winston Churchill et le prince de Galles.

Dès le début des Rolling Stones, ici en juillet 1965 à Londres (G-B), Charlie Watts (à gauche) fait preuve d'élégance en costume trois-pièces. Il n'a ensuite jamais transigé avec le chic. (- / AFP)

6Un collectionneur fou

"Charlie était un collectionneur insatiable", écrit Paul Sexton. Curieux de tout, il accumulait. Les disques, bien sûr, mais aussi des souvenirs de la guerre de Sécession, des premières éditions comme celles d’Agatha Christie ou des effets ayant appartenu à des célébrités. "Armes anciennes, uniformes, journaux : chez lui, tout était exposé comme au musée". Bien entendu, il collectionnait les batteries de quelques-uns de ses héros comme Max Roach. Mais Charlie était aussi un passionné de voitures, en particulier de vieilles américaines des années 1930. "Le joyau de sa flotte était une superbe Lagonda Rapide Cabriolet de 1937 à moteur V12, fabriquée à seulement vingt-cinq exemplaires", nous apprend Paul Sexton. Il possédait aussi, entre autres, une Bugatti Atlantic, une Lamborghini Miura et plusieurs Rolls Royce. Pourtant, il n’avait jamais passé le permis ! "Comme je ne conduis pas, je me contente de m’asseoir dedans et d’écouter tourner le moteur", expliquait-il, pince-sans-rire, au NME en 2018. "Je suppose qu’on peut voir ça comme un caprice de riche." Un riche d’origine modeste, qui avait grandi dans un préfabriqué.

7De vilaines habitudes à retardement

Calme, posé et bien élevé, Charlie Watts est longtemps passé pour le gars sérieux des Stones, limite bonnet de nuit. Heureux dans son couple, il était du genre à rentrer se coucher tôt avec son complice Bill Wyman quand les autres démarraient leurs folles nuits de fête. "On ne le voyait jamais à mes soirées dites 'de débauche'", confirme Keith Richards dans ce livre. Sauf que… "Je ne suis pas si raisonnable que ça. Mais je me suis refusé aux excès jusqu’à environ 45 ans (…), et là, j'ai tout essayé", reconnaissait le batteur. "J’étais dans un sale état, je consommais beaucoup de dope et d’alcool". Cette descente aux enfers, survenue au mitan des années 1980, époque Dirty Work, a duré deux ans. Ensuite, il a tout arrêté. Heureusement, car il changeait totalement de caractère sous l’emprise des drogues, perdant alors son flegme légendaire. Lors d’une scène mythique dont existent différentes versions, Charlie aurait ainsi vu rouge un soir que Mick avait osé l’accueillir d’un "Tiens, voilà mon batteur !". Charlie aurait répondu : "Je ne suis pas ton batteur, bordel, c’est toi qui es mon chanteur !", et paf ! il aurait envoyé le chanteur voler à travers la pièce. Selon les versions, Mick serait tombé dans un plat de saumon et aurait failli passer par la fenêtre. Ou pas.

"Charlie Watts, l’anti rockstar" de Paul Sexton (Harper Collins, 21,90 euros) est sorti le 18 octobre 2023

La couverture de la biographie officielle de Charlie Watts "L'anti rockstar" par Paul Sexton. (EDITIONS HARPER COLLINS)



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